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Chemins du temps. L'avenue à Middelharnis de Meindert Hobbema

Publié le 08 avril 2011 par Jeanchristophepucek

 

meindert hobbema avenue middelharnis

Meindert Hobbema (Amsterdam, 1638-1709),
L’avenue à Middelharnis
, 1689.

Huile sur toile, 103,5 x 141 cm, Londres, National Gallery.

 

C’est probablement la fin du printemps ou l’été, sans doute aux premières heures de la matinée. Le soleil, par la droite, baigne de lumière la longue avenue bordée de hauts peupliers graciles qui conduit à Middelharnis, un petit village situé sur l’île d’Overflakkee en Hollande méridionale, pas complètement insignifiant puisque doté d’un port, comme en attestent les quelques mâts que l’on aperçoit se balançant à l’horizon, dans le prolongement du toit de la grange. Malgré quelques nuages qui s’obstinent à traîner encore dans le ciel, la journée sera sans doute belle, et déjà chacun vaque à ses occupations. Un jardinier discipline en le taillant le feuillage de jeunes arbres encore en pépinière dont certains sont probablement destinés à remplacer un jour ceux de l’avenue, une paysanne et un paysan se sont arrêtés un instant sur le chemin, peut-être pour discuter des tâches à accomplir dans la journée, mais là où nous nous situons, nous ne parvenons pas à entendre distinctement leurs paroles. Et puis il y a l’homme, celui qui semble venir vers nous. C’est un chasseur, fusil sur l’épaule et suivi par son fidèle chien, qui pointe le museau en direction d’un des fossés en eau où il a peut-être aperçu quelque bête, à moins qu’il ne projette de s’échapper par le chemin où se tient le couple de paysans.

 

Meindert Hobbema a cinquante ans lorsqu’il réalise ce tableau, à une période où son métier de jaugeur juré de vins et d'huiles d’Amsterdam l’a contraint à limiter son activité créatrice. Il a fait son apprentissage dans l’atelier de celui que la postérité, non sans raison, tient pour l’un des plus grands paysagistes des Pays-Bas du Siècle d’or, Jacob van Ruisdael, dont il semble être devenu l’ami. Pour qui est familier de la peinture hollandaise du XVIIe siècle, la filiation ne peut que sauter aux yeux, notamment pour ce qui est du traitement du ciel, qui occupe les deux tiers de la composition, ou de la maîtrise des effets lumineux, particulièrement sur les feuillages et les champs. Hobbema adopte, dans cette Avenue à Middelharnis, une construction à la fois simple et spectaculaire, simple parce que reposant essentiellement sur des symétries, spectaculaire par l’emploi d’une perspective plongeante assez inhabituelle qui attire d’autant plus immanquablement l’œil vers le village représenté à l’arrière-plan qu’elle l’oblige à suivre une route bien droite. Le tableau a visiblement été pensé pour donner à qui le regarde la sensation de se placer au début de l’avenue, donc de faire partie intégrante de l’espace pictural, effet encore augmenté par le positionnement de la tête du chasseur au niveau du point de fuite de la composition, à la même hauteur que l’œil du spectateur, ce qui renforce l’impression que l'homme vient à sa rencontre.

Il ne reste rien de l’avenue qui mène à Middelharnis. L’asphalte a recouvert les ornières creusées par les roues des charrettes, les fossés ont été comblés, les jardins méticuleusement entretenus ont disparu, les peupliers sont morts depuis bien longtemps, comme le chien, le jardinier, le chasseur. D’ailleurs cette route s’étirant sous le soleil matinal ressemblait-elle vraiment au témoignage qu’en a laissé le peintre ? Avec les Hollandais, on ne peut jurer de rien. On sait pourtant qu’il y existait, jusque dans les années 1880, une grange avec ce même toit particulier destiné à faire sécher la garance, mais ce n’est pas grand chose, une grange, face à la libre fantaisie d’un artiste qui recompose à son gré les paysages comme les nuages, au ciel, dessinent des figures perpétuellement mouvantes. Et si cette image, qui nous paraît aujourd’hui d’un réalisme presque photographique, n’était pas composée d’autre chose que de la chair incertaine des rêves ? Impossible de le savoir, et c’est peut-être mieux ainsi ; la réalité n’était peut-être pas conforme à cette impression de sérénité absolue, de fluide luminosité, de paisible écoulement du temps que le peintre a traduite avec des moyens d’une infinie simplicité mis au service d’une maîtrise technique éblouissante.

Il faisait peut-être bon vivre à Middelharnis.

 

Carolus Hacquart (c.1640-c.1701/02 ?), Chelys, Suites pour viole de gambe et basse continue, opus 3 (La Haye, 1686).

 

Suite n°8 en mi mineur :

1. Fantasia

2. Sarabande

 

Nicola Dal Maso, violone. Rafael Bonavita, archiluth. Massimiliano Raschietti, clavecin & orgue.
Guido Balestracci, viole de gambe & direction.

 

carolus hacquart chelys guido balestracci
Chelys (sélection). 1 CD Symphonia SY 03205. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.


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