Magazine Culture

A l'avant-garde de la pop, le son d'aujourd'hui

Publié le 08 avril 2011 par Albumsono
Animal-Collective.jpg

Le bon son du moment. Dans son dernier numéro, le magazine Vox Pop essayait de décrypter ce qui caractérisait la pop en 2011. Bilan de The XX à James Blake en passant par The National ou Deerhunter : une certaine lenteur, de la grisaille, un trouble entre deux eaux. Pour prendre un peu de recul par rapport à la production de ces derniers mois, je dirais que cette mouvance qui émerge très clairement en ce début d’année, n’est qu’une des deux branches d’un mouvement plus large. A côté, de cette veine plutôt sombre, on trouve aussi une mouvance pleine de vitalité menée tambour battant par Animal Collective (Atlas Sound, Foals, Braids, Sin Fang…) autour d’un psychédélisme païen renouvelé. Entre ces deux formes d’avant-gardes, bien sûr, tout un entre-deux de formations aux styles intermédiaires.

Car plus que ces deux archétypes en apparence opposés, il est intéressant d’étudier les quelques points qui relient l’ensemble, dressant une carte de tendances plus longues qui dessinent la pop d’aujourd’hui.

D’abord, c’est un peu la tarte à la crème, mais la donnée qui marque le plus profondément l’époque est sans aucun doute le mélange de plus en plus poussé d’organique et d’électronique. Finie la domination du classique chant-basse-guitare-batterie. De plus en plus de formations intègrent désormais les synthés bien sûr, mais aussi, de manière très appuyée, les boîtes à rythme. Les outils de production sont de plus en plus abordables et de nombreux groupes développent leur propre studio, offrant des mix de plus en plus sophistiqués et encourageant l’expérimentation.

Tous en boucle

En découle une esthétique très marquée par le hip-hop, qui était déjà à l’origine un terrain de rencontre entre musique noire et musique blanche. S’il y a trois ans, Noel Gallagher d’Oasis pouvait encore critiquer le festival de Glastonbury pour avoir invité Jay-Z, aujourd’hui, nombreux sont les cerveaux pop qui clament leur amour du rap ou du jazz. Peu étonnant qu’un membre des Britanniques de Foals lâche sur le Net des mix house et rap quand Jamie XX s’impose comme un des beats makers les plus intéressants du moment, reprenant en intégralité le dernier album de la gloire soul Gil Scott Heron. Ratatat et MGMT s’acoquinent de leur côté avec Kid Cudi (ou l’inverse) quand Memory Tapes remixe Gucci Mane et Animal Collective lâche son flow sur des boucles. Ces dernières se retrouvent désormais chez des artistes aussi divers que Le Prince Miiaou en France ou James Blake en Angleterre.

Résultat, les rythmiques jouent à égalité avec la mélodie. Elles reviennent au premier plan de l’esthétique pop s’appuyant sur une belle sophistication. Jeu de batterie traditionnel, percussions et froideur des boîtes à rythmes se marient, parfois sur le même morceau. Vampire Weekend avait ainsi remis au goût du jour auprès d’un certain public les rythmiques africaines. Depuis si These New Puritans est sans doute avec Portishead une des formations qui a poussé le plus loin le jeu sur les rythmes avec l’album très syncopé Hidden, de Zola Jesus à The XX, en passant par Radiohead, Salem, Fever Ray, Esben & The Witch ou Memory Tapes, les rythmiques industrielles s’imposent comme un beau terrain d’exploration pop.

Combinaisons en tout genre

La faute aussi à bouleversement du travail même sur la structure même des morceaux. De nombreux artistes s’éloignent ces jours-ci un peu des classiques couplets-refrains pour offrir des paysages plus vallonnés et plus complexes travaillés par la répétition ou la brisure. Le psychédélisme est de retour à la mode et MGMT s’offre Siberian Breaks, une longue plage de plus de dix minutes sur son deuxième album Congratulations. Animal Collective manie la terre, le feu et l'eau. Même sur un temps beaucoup plus limité, un groupe comme Sourya en France démarre sa chanson Anatomy Domine comme une sorte de touchante ballade au synthé avant de basculer au milieu vers une transe électronique et robotique. Une diversité encore plus symptomatique à l’échelle de l’album.

Freak folk, witch house, glo-fi… les combinaisons se multiplient aujourd’hui à l’infini donnant naissance à une série de sous-genres. Emerge ainsi une esthétique du collage, chaque formation allant piocher des choses qui l’intéressent dans une culture musicale de plus en plus débridée. James Blake réconcilie soul, pop et dubstep. Salem mêle des éléments hip-hop et shoegaze à de l’électronique. The Roots intègre du folk à son rap. Francesco Tristano marie classique et électronique. Les étiquettes ont perdu tout sens (où classer Jamie T ?, 808's & Heartbreak de Kanye West, c'est encore du rap ?), d’où le choix d’un terme générique, pop, qui décrit aujourd’hui des musiques en apparence aussi diverses que Hot Chip, Kanye West et les Magic Numbers.

Machine soul

Cette démultiplication des collages débouche inévitablement sur une esthétique du contraste. Et si l’intrusion des éléments électronique apporte une touche de froideur, celle-ci est contrebalancée par un recours accru aux chœurs. La voix est redevenue un instrument à part entière, plus simplement le véhicule des textes. Radiohead a été un des groupes pionniers de cette mouvance au début des années 2000 et joue plus que jamais sur The King of Limbs de la collision d’un son froid et décharné au chant lyrique de Thom Yorke. Chez Chew Lips, les inclinations presque soul de la chanteuse Tigs contrebalancent une production qui donne la part belle aux machines. D’Animal Collective à Au Revoir Simone en passant par The Bewitched Hands ou Crysral Fighters, les voix s’entremêlent, se répondent, chantent de concert. L'émotion chez James Blake, The XX ou Zola Jesus passe aussi par là. Preuve que même si l’heure est à la prise de pouvoir des machines, l’humain reste inévitablement l’âme même de la musique.

KidB

ANIMAL COLLECTIVE : My Girls // THE XX : Heart Skipped a Beat // JAMES BLAKE : Limit To Your Love // MEMORY TAPES : Green Night // SALEM : Release da Boar // KID CUDI (MGMT & RATATAT) : Pursuit of Happiness // THE ROOTS : Dear God 2.0 // CRYSTAL FIGHTERS : Solar System // ZOLA JESUS : Night // THESE NEW PURITANS : We Want War // VAMPIRE WEEKEND : Cape Cod Kwassa Kwassa // JAMIE T : Earth, Wind & Fire // FRANCESCO TRISTANO : Idiosynkrasia // CHEW LIPS : Karen // SOURYA : Anatomy Domine // AU REVOIR SIMONE : All Or Nothing // MGMT : Siberian Breaks // KANYE WEST : Amazing


Retour à La Une de Logo Paperblog