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205ème semaine de Sarkofrance : antisocial, Sarkozy perd son sang-froid

Publié le 09 avril 2011 par Juan
205ème semaine de Sarkofrance : antisocial, Sarkozy perd son sang-froidL'actualité internationale reste chargée. Après l'Afghanistan, puis la Libye, l'armée française est désormais engagée en Côte d'ivoire. Le Portugal sombre à son tour et réclame une aide d'urgence.
Mais Nicolas Sarkozy avait surtout besoin de se montrer davantage impliqué dans les affaires intérieures. Borloo, son ancien fidèle déchu et déçu, le quitte. Guéant, à force de provocations anti-migratoires, agace Lagarde. Et la flambée des prix de l'énergie et des denrées alimentaires risque d'aggraver la crise sociale.
Il était temps de remettre son bleu de travail et d'aller visiter une usine remplie d'ouvriers.
Le candidat croit sans doute, pour sa 205ème semaine à l'Elysée, que cela peut faire encore illusion...
Trois guerres sinon rien
Toute la semaine, le Monarque a beaucoup communiqué sur ses réunions diplomatiques à répétition. Lundi, il a même engagé l'armée française au combat en Côte d'Ivoire. Illico presto, il s'était trouvé une couverture onusienne pour déloger l'illégitime Laurent Gbagbo. L'offensive-éclair des forces d'Alassane Ouattara les jours précédents a surpris tout le monde. On se demande si la Sarkofrance interviendra ainsi à chaque contestation électorale en Afrique ou ailleurs. Le cas échéant, Ali Bongo, entre autres, a du souci à se faire. En Libye, la situation s'enlise. Le colonel Kadhafi est toujours là, et l'OTAN connaît ses premières bavures. En Syrie, la répression fait rage, et la Sarkofrance se tait. Trois guerres au compteur, c'est bien suffisant, non ?
Les conseillers élyséens tentent de se convaincre que les Français seront fiers du leadership international de leur Monarque. Rien n'est moins sûr. Le candidat Sarkozy avait un besoin urgent à se montrer en France.
Anti-social
Ne dites pas qu'il a changé de cap. Les conseillers élyséens prétendent le contraire. Nicolas Sarkozy se serait « toujours » préoccupé des conditions sociales du pays. La preuve, en février 2009, au plus fort de la crise, il avait concédé quelques mesures sociales généreuses (suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu, annulation du deuxième tiers provisionnel, augmentation des allocations familiales). Le Monarque croit sans doute qu'on a oublié qu'il fallut des manifestations monstres partout en France pour les obtenir. Devant la crise et la rue, Sarkozy a dû abandonner sa politique de l'offre - comme disent les savants -. Un peu plus tard, le Revenu de Solidarité Active, financé par une augmentation des impôts des classes moyennes, et dont l'attribution est conditionnée à un fichage hors normes des bénéficiaires, devait illustrer, une bonne fois pour toute, l'ambition sociale du Monarque Bling Bling.
Cette parenthèse sociale ne dura qu'un temps. La Présidence des Riches, ce fut surtout et d'abord la défiscalisation des heures supplémentaires qui plomba l'intérim et les embauches, la suppression quasi-totale des droits de successions, le boucler fiscal à 38% pour quelques milliers de très riches, l'exclusion des chômeurs après « deux offres raisonnables d'emploi », le déremboursement progressif des soins en France (y compris de nouvelles franchises médicales dès le 1er janvier 2008), la hausse du tarif des mutuelles de santé, la suppression de 10.000 postes dans l'hôpital public en 2009, le remplacement des pré-retraites par la rupture conventionnelle, la réduction progressive de la dispense de recherche d'emploi pour les pré-retraités de 57 à 60 ans, la réforme des retraites financée par ceux qui travaillent jeune, tôt et dur, la suppression des postes de fonctionnaires dans la sécurité et l'éducation, la ridicule revalorisation des minima sociaux au 1er janvier de chaque année depuis 2008; la suppression des bonifications accordées aux familles pour leurs adolescents de 11 à 14 ans.
Blouse bleue
Jeudi, Nicolas Sarkozy a revêtu une blouse bleue pour visiter une usine d'aluminium. Le coin était ultra-sécurisé. On ne sait pas encore s'il est venu en Airbus présidentiel, avec sa rampe d'escalier transportée par camion et son millier de gendarmes, comme à chaque fois. Il a parlé, micro en main, au milieu d'ouvriers casqués, puis dans une table ronde, multi-équipée de caméras et projecteurs. Chaque déplacement du Monarque coûte quelques centaines de milliers d'euros. Sarkozy eut de belles déclarations comme si les 4 dernières années de promesses non tenues n'avaient jamais existé.
Il demanda que les salaires augmentent aussi quand les actionnaires touchent des dividendes : « S'il y a une prime pour les actionnaires, il faut avoir une prime pour les salariés. On travaille en ce moment là-dessus.» C'est une promesse qui fait plaisir, n'engage à rien. Entre 2007 et 2009, le Monarque ne cessait d'expliquer qu'il fallait partager la valeur ajoutée en trois tiers (investissement, salaire et actionnaire), et qu'il l'imposerait dans la loi « dans les 3 mois ». On attend toujours. Sarkozy a surtout taclé, à nouveau, les fameux « chômeurs - fainéants » : « Puisque nous commençons à sortir de la crise, il va falloir faire des contrôles plus précis et plus exigeants pour les chômeurs qui bénéficient d'allocations et qui refuseraient des offres d'emploi disponibles ». Puisque la reprise est là (avec ses 4,6 millions de demandeurs d'emplois !), si le chômage perdure, c'est de la faute... aux chômeurs, n'est-ce-pas ?
La croissance, pourtant, est bien molle ;  le gouvernement vient d'accepter de revoir ses propres prévisions à la baisse. La flambée des cours de l'énergie l'a également forcé à réagir, sous peine d'une gronde sociale. Lundi, Eric Besson a proposé de limiter la hausse des tarifs du gaz conventionné. Cela fait des mois qu'à gauche comme à droite, on réclame un tarif social de l'énergie pour les ménages modestes. La précarité s'installe. On craint à nouveau que le nombre de chômeurs en fin de droits ne frôle le million à la fin de l'année. Lundi, Baroin et Tron ont promis de titulariser une partie des 870.000 précaires de la fonction publique. Il faudra justifier 6 ans de CDD pour espérer passer en CDI... Quel effort ! Et le ministre du Travail Xavier Bertrand préfère s'attaquer au laboratoire Servier. Mercredi, il n'était pas peu fier d'annoncer la création d'un fond d'indemnisation des victimes du Mediator, puisque Servier rechigne à contribuer. Servier est son nouvel épouvantail, et le Mediator son nouveau hochet. On est ravi qu'il s'attaque, enfin, aux manipulations commerciales de l'ancien client d'affaires de l'avocat Sarkozy. On s'interroge cependant sur les complicités, peu explicitées, au coeur de la gouvernance médicale d'Etat.
Le prix des denrées alimentaires explose, et Frédéric Lefebvre, le secrétaire d'Etat au Commerce, déboule dans les magasins pour annoncer, mardi, la création d'un « panier des essentiels » chez la plupart des grandes enseignes. L'UFC-Que Choisir flaire la belle arnaque : aucun prix plafond, aucune transparence des marge, aucun engagement nutritionnel, ça sent le coup de communication... et d'épée dans l'eau.
UMP découpée
Le timing de cette agitation sociale n'était pas le fruit du hasard. Depuis des semaines une belle fraction du camp présidentiel s'inquiétait du trop-plein sécuritaire en Sarkofrance. Même Christian Estrosi, l'ancien fidèle qui voulait, l'été dernier, sanctionner les mairies de gauche réticente à la video-surveillance, s'est réveillé social au soir du second tour des élections cantonales !
Pire, ce jeudi soir, sur France 2, Jean-Louis Borloo, président du Parti Radical, avait prévu d'annoncer qu'il quittait l'UMP, avec ses troupes (mais peut-être pas sa dotation d'un million d'euros par an). Ce qu'il fit ! Quel affront ! La nouvelle n'est pas si mauvaise que cela, pour le Monarque. Une candidature Borloo, appuyée par Morin et Bockel, émiette encore davantage l'électorat centriste, déjà attiré par Hulot (candidat la semaine prochaine), Bayrou (candidat depuis 2007) et DSK (candidat à l'automne).
On voudrait donc nous faire croire que le Monarque est protecteur, responsable. Il le répète. Même lors d'un déplacement sur l'industrie, il parvient à glisser, pour la nième fois, qu'il faut garder son sang-froid en matière nucléaire. Malchance ! Dans son récent ouvrage, le directeur de la publication du Point, peu suspect de gauchisme extrême, rappelle combien il a reçu de sérieuses menaces verbales du Monarque, début 2008, à cause d'un malencontreux billet sur sa nouvelle épouse Carla Bruni : « Cet article est une saloperie qui mérite un cassage de gueuleJeudi, le Monarque aurait provoqué à son tour un syndicaliste qui avait refusé de lui serrer la main. Lundi, Sarkozy se serait lâché contre Roselyne Bachelot, la traitant de « conne » en apprenant qu'elle refusait publiquement d'assister au débat sur la laïcité à l'UMP le lendemain.
Guéant, incompétent
Ce débat, pourtant, fut pitoyable. Finalement réduit à une paire d'heure dans un hôtel parisien de luxe, la rencontre a rassemblé plus de journalistes que de militants. Rien de concret n'en sortit. C'était normal. Le débat était ailleurs, au ministère de l'intérieur, piloté par l'Elysée. En quelques semaines, Claude Guéant nous a tout fait pour chasser sur les terres du Front national. Lundi, il affirmait encore que « cet accroissement du nombre de fidèles (musulmans) et un certain nombre de comportements posent problème.» Jeudi, il s'est inquiété de l'immigration... légale au point ... d'inquiéter Christine Lagarde et Laurence Parisot. « C'est très dangereux un pays qui se ferme » a déclaré vendredi cette dernière. Fichtre ! Vendredi, Guéant rencontrait son homologue italien à Rome. Berlusconi venait de délivrer des permis de séjour de trois mois à quelques milliers de Tunisiens réfugiés en Italie. « Ni l'Italie ni la France n'ont vocation à accueillir les migrants tunisiens » a déclaré Guéant. Les deux ministres se sont accordés pour organiser des patrouilles à leurs frontières. Pour le camp Sarkozy, on espère que la manoeuvre sera électoralement payante. Il faut faire peur à l'électeur indécis.
Plutôt que de stigmatiser les immigrés, légaux ou clandestins, Claude Guéant ferait mieux de s'occuper de ce pourquoi il était payé par la République : la sécurité. Les atteintes aux personnes augmentent : 381.000 en 2002, 433.000 en 2007 , 467.000 l'an dernier, soit +14% en 5 ans.  Et l'agitation sécuritaire de cet ancien fidèle de Pasqua, engagé dans la lutte contre la délinquance depuis bientôt 10 ans, masque mal son inefficacité et son incompétence.
Vrais sujets
Les vrais sujets ne manquent pas. Mais le gouvernement masque tant qu'il peut son échec ou son impuissance. Alors que le Portugal, comme l'Irlande ou la Grèce l'an dernier, réclamait à son tour une aide financière d'urgence à ses partenaires européens (80 milliards d'euros minimum, dont 7 milliards d'échéances proches qu'il est incapable d'honorer), l'équipe Sarkozy fait mine de tenir son propre gouvernail.
Ces derniers jours, François Baroin se félicitait ainsi de la « baisse » du déficit l'an passé, 7% contre les 7,7%. Une belle supercherie comptable, préparée de longue date.  blog Antibobards. La dette publique a dépassé les 81% fin 2010. Après un record de 51 milliards d'euros en 2010, le déficit commercial s'est encore creusé en février, avec 6,6 milliards d'euros pour ce seul mois, un niveau historique jamais atteint... 
Mardi dernier, Sarkozy s'est rappelé aux écologistes. Il était dans la Somme, pour lancer le grand du canal Seine-Nord Europe.  Il a reparlé du nucléaire, et du sang-froid qu'il faudrait conserver après la catastrophe de Fukushima.
Du sang-froid ? Mais qui s'est agité comme un beau diable toute la semaine, de belles promesses en mauvaises provocations ?
Ami sarkozyste, où es-tu ?

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