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251 - Article de Brahim Hadj-Slimane in Cultures Sud

Publié le 09 avril 2011 par Ahmed Hanifi

   http://www.culturessud.com/contenu.php?id=394
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Cultures SudLa revue en ligne des littératures du Sud
L'Amer jasmin de Fès
de Ahmed Hanifi
Notes de lecture par Brahim Hadj Slimane
Bien après Le Temps d’un aller simple, Ahmed Hanifi vient de faire paraître son second ouvrage : L’Amer jasmin de Fès. Celui-ci est étonnant, à plus d’un titre. Au départ, c’est un journal « personnel » que l’auteur a décidé, un beau jour, d’ouvrir er de tenir ; ce qu’il fit durant deux ans. La particularité est que ce journal est motivé par un coup de foudre et sa durée étalée le temps qu’aura duré une histoire d’amour impossible. Celle d’un quinquagénaire d’origine algérienne et une jeune berbère, marocaine, qui n’a pas encore vingt ans.
 
Raei  est un intellectuel , militant des droits de l’homme, opposé au régime des militaires, qui abandonne son emploi confortable dans le trust pétrolier étatique, son logement  et tout son environnement familial et amical, pour aller refaire sa vie en France. Il fait partie de cette nouvelle diaspora  algérienne qui a fui la guerre civile des années 90. Derrière le personnage de Razi, il y a l’auteur évidemment qui d’ailleurs ne cache pas une confusion voulue. Déjà, sous cet angle-là, ce texte est intéressant du fait qu’il met en elle est œuvre les pérégrinations, en France,  d’un exilé algérien de cette terrible époque. Même si ce personnage ne vit pas le dépaysement complet dans la société française à laquelle il est familier et s’y est acclimaté.  Razi habite Orgon, à 100 km de Marseille, et travaille comme formateur dabs un centre qui reçoit surtout des jeunes maghrébins, à Cavaillon.  Séparé de sa femme (une française) et de ses enfants, il mène une vie routinière lorsqu’un jour, son quotidien  bascule avec l’intrusion d’ne nouvelle stagiaire dans sa formation : « au début de ce mois de septembre j’ai fait une rencontre qui, depuis, ne cesse d’ébranler mon quotidien, secouer mon être. Une rencontre inouïe. Voilà j’ai décidé de la raconter dans le détail dans ce cahier. Raconter cette histoire et la vie qui en suit ». Originaire de la région de Fès, au Maroc,  Katia est venue jeune en France où, à 16 ans,  elle fut mariée à un  garçon, d’origine marocaine également, qui en avait 24, la battra et la séquestrera. Echappée,  elle est en instance de divorce et vit chez une tante qui la surveille. Et Razi aussi va tomber dans la nasse du regard de  la société. « Je n’ai pas honte de l’aimer, je l’aime déjà ! Mais je culpabilise. Sa jeunesse lézardera  ma morale et mes principes ».
La vie quotidienne de Razi va être scrupuleusement consignée dans ce cahier-journal avec une grande fidélité,  avec ses doutes, les interrogations, ses maladresses. Ces deux années seront entièrement consacrées à l’amour qu’il porte à cette jeune fille qui le tient à distance, soufflant le chaud et le froid et surtout profite sans vergogne de son portefeuille pour ses multiples besoins et fantasmes. Deux ans de frustrations  avec quelques moments  de joie enfantines et de sublimations.
C’est sur cet aspect  que ce journal « romanesque », bien écrit,  est intéressant.  L’auteur a structuré son texte comme un journal, respectant le déroulement chronologique, tout en lui donnant les attributs d’un roman, avec même quelques passages poétiques, un sens des détails et des descriptions ; Mais surtout, Ahmed Hanifi réussit à tisser une belle histoire d’amour où il raconte et décrit cette fille avec tendresse, minutie, dans sa complexité faite d’innocence et de petits calculs.   Qui plus est, cette histoire d’amour est typiquement maghrébine, n’obéissant pas aux codes amoureux en vigueur dans la société française et qu’intériorise le personnage de Razi. Sauf celui du cloisonnement entre les âges avec la morale répressive qui entoure les transgressions à celui-ci.  Dans ce livre justement, cette spécificité, si l’expression est permise, affleure et mériterait d’être relevée. Elle traverse tout le livre et donne à voir le fond culturel où se mélange la passion et l’imaginaire amoureux  d’un maghrébin, les codes et les canons esthétiques, l’irrationnel foisonnant, l’amour méfiance entre un homme et une femme, la morale et les préjugés, la sacralisation du sexe, etc, etc… C’est beau cas d’étude pour un anthropologue s’intéressant à la question. 
Brahim Hadj Slimane

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