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Où va la nuit, le nouveau film de Martin Provost, en avant-première

Par A Bride Abattue @abrideabattue
Où va la nuit, le nouveau film de Martin Provost, en avant-premièreC’est un peu intimidant d’aller voir un film en avant-première confidentielle, parmi un public qui ne se laissera pas aller à exprimer son ressenti. Et puis, quand on a signé un tel succès que Séraphine, difficile d’éviter la comparaison. Pour ma part je me limiterai à dire que c’est encore un beau portrait de femme, encore interprété magnifiquement par Yolande Moreau.
Cette fois Martin Provost aborde le sujet de manière contemporaine. Avec un cadrage soigné par Agnès Godard qui l’a conçu comme un polar noir. Et force économie de mots. Les faits parlent d’eux-mêmes : parce qu’elle a été trop longtemps victime, Rose Mayer décide de prendre son destin en main et assassine son mari. Elle part alors pour Bruxelles retrouver son fils, qui a fui l’enfer familial depuis des années.
Mais la liberté apparente n’efface pas la culpabilité, et les histoires de famille ne peuvent se résoudre sans l’accord de l’autre.
D’après la radio cela devait être une journée calme. Mais quand la coupe est pleine … aucun mot ne pourrait plus arrêter la marche du processus ; agir devient inéluctable. On pense un instant que Rose va se laisser mourir. Ses motivations ne sont pas creusées. Sans doute vit-elle juste dans l’instant avec pour objectif de faire cesser sa misère.
Une fois « libre », Rose exécute les tâches mécaniquement : laver la voiture, jeter tout ce qui peut rappeler le passé. La photo de mariage est fourrée dans le sac avec les autres souvenirs qui dévalent l’escalier dans un sac poubelle, pour finir sur le bucher. Elle ne gardera que le briquet en argent pour le fils. C’est à peine si elle s’autorise un temps de répit en savourant un bain.
La Police n’a manifestement pas envie d’aller chercher très loin. Personne ne parle mais tout le monde sait ce que Rose a enduré au quotidien. Difficile de lui en vouloir d’avoir rendu justice au même endroit, de la même façon. C’est que le bonhomme a commis des méfaits sur d’autres personnes qu’elle … et que la justice a été clémente avec lui.
Elle débarque chez son fils avec la mauvaise nouvelle, c’est du moins comme cela qu’elle la lui présente. Ton père est mort. Elle est sonnée, calme mais fragile, constamment sur la réserve. Elle découvre le plat à la mode, des sushis. C’est spécial dit-elle. La conversation est réduite au minimum vital entre la mère et le fils : oui, oui /non, non. Jamais elle ne ment. Elle parle peu, c’est tout.
Elle se trahit par une phrase anodine : tout va aller bien maintenant, tu vas voir. On va repartir de zéro.
Sauf que cela ne se passe pas comme çà. Le fils rejette la mère : si je compte tant que çà pour toi, pourquoi t’es restée avec lui pendant tout ce temps, pourquoi t’as accepté toute cette merde ? (…) Tu pouvais pas fermer ta gueule et continuer à encaisser ?
Seuls ceux qui ont été engloutis par une violence comparable peuvent comprendre combien cette réaction est juste. Y’a pas de solution. Les fils sont imprévisibles.
Rose fait des rencontres qui influencent son destin. Un ange noir, ami de son fils, qui met son nez dans ses affaires. Un ange rose, Édith (formidable Edith Scob), une logeuse vers qui on la dirige et qui devine tout, sans doute parce qu’elle revit à travers elle sa propre histoire. Parviendra-t-elle à l’aider ? La rédemption est-elle au rendez-vous au bout de la nuit ?
Un très beau film qui fait réfléchir. Longtemps. Sur ce qui est bien et sur ce qui est mal.
Le scénario est adapté de Mauvaise pente, le livre de Keith Ridgway, éditions Phébus, 2001 couronné par le Prix Fémina étranger.

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