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Brisville, ou le triomphe de la Mimesis.

Publié le 13 avril 2011 par Artemisia72

Soirée théâtre samedi soir : Le Souper de Jean-Claude Brisville, dans la belle collégiale Saint-Pierre-La-Cour du Mans, joué par la troupe de l'Acthalia.

Cette pièce, jouée ici avec beaucoup d'honnêteté et d'allant, se situe en 1815, peu après Waterloo : Talleyrand et Fouché, deux monstres politiques qui ont survécu à tous les régimes, cherchent à préserver leur vie et leur parcours politique ; pour cela, Fouché doit se résoudre à faire allégeance à Louis XVIII, frère de Louis XVI, qui revient d'exil dans les fourgons de l'ennemi...

Le dialogue est vif, percutant, entre ces deux animaux politiques, qui rivalisent de cynisme. Chacun d'eux tient l'autre par ce qu'il sait sur lui ; chacun d'eux a commis des exactions... l'un a fait tirer au canon sur des prisonniers, l'autre a fait délibérément assassiner le duc d'Enghien...

Le souper se déroule dans une ambiance lourde - la foule manifeste sous les fenêtres, l'orage gronde - et en même temps spirituelle. Les deux hommes sont aussi des épicuriens, qui apprécient autant les bons mots que les bons mets.

Et nous, les spectateurs ? Nous, nous assistons à une véritable tranche d'histoire en direct, comme si nous étions devant notre télévision ; ce n'est certes pas un théâtre révolutionnaire (même s'il manifeste quelque sympathie pour la Révolution défunte), ni surtout novateur ; la langue est parfaitement classique, transparente ; les personnages sont campés avec le réalisme le plus parfait. Talleyrand souffre parfois de son pied-bot, Fouché est gourmand et plutôt mal élevé... Mise en scène, décor, costumes, tout est mis en œuvre pour nous donner cette illusion de réel.

En bon élève d'Aristote, Brisville cultive avant tout la mimesis : c'est de la représentation la plus fidèle possible du réel que doivent naître le sentiment, puis la réflexion. Et de fait, ces deux monstres presque sympathiques, mais qui font froid dans le dos, ne sont pas sans évoquer des situations bien réelles et contemporaines... Le cynisme et la trahison sont de tous les temps.

Il y a presque dans ce théâtre un côté reposant : l'histoire est connue, on en sait la fin, on se livre sans vergogne au plaisir de la reconnaissance (Talleyrand et sa boîterie, Fouché le régicide, sans oublier la voix off de Chateaubriand, à la fin...) et l'on apprécie les bons mots et les petites vacheries de ces messieurs.

A la fin, l'on aura médité, un peu, sur la politique, et fort peu sur l'art du théâtre...

Ah ! et puis, j'oubliais : bientôt, au mois de mai, l'Acthalia enchaîne avec l'Antichambre, au Caveau 105 : encore un dialogue bien cynique entre Julie de L'espinasse, une jeune ambitieuse, et sa protectrice devenue sa rivale, Mme du Deffand...


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