Magazine Humeur

L'homme qui a baissé les bras

Par Etsinonrien
L'homme qui a baissé les brasCet homme, vous ne le connaissez pas. Un anonyme parmi tant d'autres. Qui le restera à jamais.
Je connais un peu cet homme, la cinquantaine, un habitant du lointain village natal de mes parents. 
Un homme engagé. Militant.  Très investi dans la vie de son village, il a soutenu, lors des dernières élections locales, un candidat qui se disait indépendant des partis politiques. "Soutenu" est un mot faible, il l'a aidé à faire campagne, l'a encouragé, a milité pour lui.
Grand adepte de la protection de l'environnement et de la sauvegarde du patrimoine, il a mené des actions "coup de poing" pour obtenir gain de cause et il y est parvenu. Il a dénoncé la corruption, les abus de biens sociaux, toujours du côté du bien collectif. 
Un homme intègre, honnête, loyal, qui a réussi à réconcilier les habitants en proie à des querelles de voisinage ou d'intérêts personnels.
Ce matin, en ouvrant ma page Facebook, je suis tombée sur des dizaines de messages de condoléances, d'hommages destinés à cet homme. J'ai tout de suite compris que nous l'avions perdu. Un accident? Emporté par la maladie?
Non. Un message d'adieu et une balle dans la tête. Un départ inattendu, rapide, sans concessions. Parce qu'il était fatigué de lutter, de se battre contre des moulins. Parce qu'il a perdu la foi, parce qu'on l'a déçu, parce qu'il est allé de désillusion et désillusion. Quelques jours auparavant, le fameux candidat "apolitique" retournait sa veste et s'engageait aux côtés du parti "ennemi". Pour avoir assisté de loin à son militantisme, je pense pouvoir affirmer qu'il ne s'en est pas remis.
Ce matin, avant d'apprendre la nouvelle, j'étais dans le métro, plongée dans "Les heures souterraines" de Delphine de Vigan. Une lecture difficile pour moi, car chaque mot me parle, me bouleverse, me transporte dans une réalité que j'ai réussie à fuir. Et puis, une heure après, la mort de cet homme, brutale, violente.
Moi qui le croyais si fort, si déterminé, qui étais en admiration devant toutes ses actions militantes, je découvre sa fragilité et je ne peux m'empêcher de me questionner sur ma propre fragilité par rapport à la sienne. Comment, LUI, a pu perdre la foi? Comment un homme comme lui a pu baisser les bras, abandonner, ne plus croire en l'être humain? 
Il est parti en laissant des documents compromettants, pour que d'autres reprennent le flambeau et poursuive la lutte à sa place. Il n'avait plus la force, d'autres, face à ce geste, sauront certainement lui rendre ce dernier hommage.
Étrange monde que le nôtre, où la souffrance morale parvient à prendre le pas sur tout le reste. Même une personne au caractère bien trempé et pleine de détermination n'arrive plus à faire face à la violence de cette société. Imaginez alors ce qu'il doit en coûter aux plus faibles...

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Etsinonrien 318 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte