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[Mondialisation - Nucléaire] Fukushima – Urgence dans l’urgence ?

Publié le 19 avril 2011 par Yes

Du NOUVEAU et du sérieux : un compte-rendu d’expert qui fait un bilan hallucinant de la catastrophe (rien de ce qui a pu transparaitre ou être dit dans les médias internationaux) et des perspectives de gestion de la crise à court, moyen et long terme. Une vision franco-française du phénomène puisqu’il ne manque pas d’y suggérer la construction de plusieurs EPR sur les ruines de Fukushima (si, si, c’est écrit noir sur blanc) et le sauvetage des chantiers de Saint-Nazaire…

Sacré défi pour l’humanité !?

Fukushima – Urgence dans l’urgence ?

La catastrophe de Fukushima place le Japon et la communauté mondiale dans une situation totalement inédite en temps de paix : traiter un sextuple accident nucléaire alors que l’urgence première se situe du coté des victimes du tsunami et des survivants, qu’il faut d’abord dégager, puis évacuer, ensuite nourrir, abriter et chauffer, et enfin réinsérer dans la vie économique.

Un certain nombre de beaux esprits s’étonnent de la gestion de la crise au niveau médiatique : elle a été exemplaire au niveau mondial, y compris de la part d’organisations écologistes comme Greenpeace ou WISE : l’ampleur de la catastrophe a été évidemment minimisée pour éviter un collapsus boursier mondial, et une panique qui aurait rajouté des victimes aux victimes sans apporter aucun bénéfice. Mais avec une vague d’une hauteur moyenne de 14 mètres, avec des pointes autour de 27 mètres, toutes les personnes informées ne voyaient pas comment le nombre des pertes humaines pourrait être inférieur à une centaine de milliers de victimes. Le séisme a eu lieu à 130 km des côtes, ce qui donne un délai avant le tsunami d’environ 20 à 30 minutes. Même si l’alerte a fonctionné, il est mathématiquement impossible d’évacuer la totalité des riverains des régions côtières dans un tel laps de temps. De plus, nous sommes sur la façade est de l’Asie, et à la mi-mars, il fait très froid. Il gèle très fort la nuit. Des sans-abris par centaines de milliers, trempés et assis sur le bord des routes défoncées étaient et sont toujours en danger mortel, surtout les enfants et les personnes âgées, même dans un des pays les plus riches de la planète.

Le nombre des disparus a été revu tous les jours à la hausse, pour habituer les gens à la réalité de cette catastrophe, et pour éviter une spéculation incontrôlée : 10 à 20% des capacités portuaires de la 3ème puissance économique mondiale neutralisées pour 2 ou 3 ans, toutes les centrales arrêtées et donc les usines à l’arrêt pour un temps indéterminé, quatre centrales dévastées et hors service, une en feu, quatre réacteurs fondus, le risque de panique mondiale était incontestable.

Concernant les réacteurs, contrairement à ce qui a été écrit ces derniers jours, les japonais ont choisi la meilleure option : ne rien faire dans l’urgence et laisser les systèmes de sécurité automatiques agir sans interférence. L’histoire des catastrophes nucléaires nous enseigne qu’elles ont souvent été causées par des actions humaines intempestives. C’est le cas en particulier à Tchernobyl et à Three Mile Island : à Tchernobyl, les systèmes de sécurités ont été désactivés, et à coté de Pittsburg un opérateur a malencontreusement ouvert une soupape qui est ensuite restée bloquée. (Par une coïncidence extraordinaire, le film « The China Syndrome » avec Jane Fonda, sorti en salles quelques semaines avant l’accident décrivait exactement le même scénario.) A Windscale, en 1957, les consignes de sécurité édictées par Cockroft (l’inventeur des premiers accélérateurs de particules, et un des concepteurs des piles anglaises pendant la guerre) ont été appliquées avec retard, ce qui a entrainé des rejets massifs sur l’Europe. Ont peut saluer la clairvoyance du prix Nobel qui avait réussi à imposer son idée de filtre à sable contre l’avis unanime de ses collègues : sans lui, les conséquences pour notre continent auraient été dramatiques. (Seule l’iode a réussi à passer en masse les filtres d’urgence situés en haut des cheminées : les fameux « Cockroft’s Folies ») A Superphénix, les filtres de Cockroft ont été rajoutés sur le toit bien après l’achèvement des travaux, après un débat animé au CEA. Ils seront heureusement intégrés dans la structure de l’EPR.

Le réacteur 3 de Fukushima n’était cependant pas forcément dimensionné pour encaisser une telle crise alors qu’il était chargé de MOX, et c’est probablement la cause des accidents de criticité. Pour les éviter, il eut fallu dès les premières heures mettre en route un refroidissement d’urgence à l’eau de mer, mais aucun ingénieur n’aurait accepté de prendre cette responsabilité.

La phase aigue de la catastrophe étant passée, il faut s’atteler à la gestion sur le moyen terme.

LE SCENARIO DE LA CATASTROPHE

Tout d’abord, que s’est-il passé ? Concernant les centrales nucléaires, le béton de l’îlot réacteur de Fukushima a correctement résisté aux flots déchainés, mais la vague de 14 mètres à traversé facilement le hangar des turbines, en pliant les portes servant à l’entrée des camions. (C’est le point faible des centrales : on se souvient que la neige avait défoncé la salle des machines de Superphénix il y a quelques années…) Si les turbines sont déplacées, les tubes de vapeur se cassent et alors la vapeur radioactive du circuit primaire s’échappe dans l’atmosphère. (Il s’agit de centrales à eau bouillante, de type « General Electric ». (BWR) il y en avait 6 à Fukushima, et il y a au moins quatre autres centrales sur la côte dans la région.

Une fois le circuit primaire vidé de la moitié de son eau, le cœur n’est plus refroidi. Même à l’arrêt, une centrale nucléaire dégage encore environ 60 à 20 mégawatts thermiques pendant plusieurs jours (l’équivalent de la puissance de deux porte-avions type « Charles de Gaulle », pour fixer les idées)

Au bout de quelques minutes, le cœur fond et tombe dans l’eau restant au fond de la cuve et le zirconium des gaines s’oxyde en libérant de l’hydrogène chargé d’iode et de produits de fission. La seule chose à faire est de diriger les gaz d’hydrolyse dans la cheminée, malgré le risque radiologique. Pour une raison inconnue, cette action n’a pas été entreprise sur les réacteurs. Une fois la cuve percée, l’hydrogène s’est échappé sous le hangar. Ce hangar semble bien fragile dans les vidéos, mais c’est une impression trompeuse : les poutrelles d’acier énormes qui le constituent sont dimensionnées pour résister à un typhon. L’explosion du mélange hydrogène/air a cependant explosé le hangar supérieur comme une coquille d’œuf pourri. Sur la vidéo tournée le samedi 12 mars, on voit bien l’onde de choc qui condense brièvement la vapeur d’eau au dessus de la centrale : c’est typique d’une détonation d’hydrogène dans un local clos.

En ce qui concerne le réacteur 3, des détecteurs de neutrons situés à 1.5 km de la centrale ont enregistré au moins 13 bouffées de neutrons. Il y a bien eu, de façon incontestable, une reprise de la criticité dans au moins un réacteur. Le fait que les neutrons aient pu être détectés à une aussi grande distance peut être expliqué par deux causes : soit la réaction nucléaire à eu lieu dans un endroit non blindé contre les neutrons, par exemple dans la piscine à combustibles usés dévastée, soit les neutrons détectés sont des « neutrons retardés » émis par les poussières radioactives éjectées par les explosions de criticité.

Si l’explosion du réacteur numéro un est sans aucun doute une explosion d’hydrogène, l’explosion du 14 mars est clairement une explosion critique, comme à Tchernobyl. Le panache de débris monte à plus de 600 mètres, et on distingue d’énormes blocs de bétons qui retombent. En le comparant à la taille du bâtiment, on s’aperçoit que ces blocs ont la taille d’un bunker. Seule une explosion de criticité peut dégager autant d’énergie. On peut l’estimer à environ 0.001 kt.

L’explosion a un lieu sur un site industriel où s’activaient de nombreux ouvriers. Les photographies aériennes montrent que les toits des bâtiments ont été troués par la chute des blocs de béton et tout le site est criblé comme par des shrapnels. Il y a dû y avoir de nombreux tués à ce moment-là, et ceci n’a pas été rendu public pour ne pas ajouter à l’inquiétude de la population.

Cette analyse de l’incident est cohérente avec l’enregistrement du débit de dose en continu sur le site du synchrotron de Tokyo : le 18, on assiste au retour d’une partie du nuage qui s’était tout d’abord engagé au dessus du pacifique, puis la radioactivité décroit fortement, avant d’osciller de nouveau au rythme des bouffées de produits de fission. A Los Alamos et au CEA, on a détecté un pic de césium 132, un nuclide a courte durée de vie qui est typique d’une excursion de puissance. A ce titre, il était tout à fait justifié de déclarer que les retombées étaient similaires à celle du dernier essai atmosphérique chinois, dans les années 80.

LE SCENARIO DE SORTIE DE CRISE

Donc la priorité, c’est d’éviter tout nouvel incident de criticité. En second lieu, il faut minimiser les rejets dans l’environnement.

Il ne faut pas se focaliser sur la nappe phréatique. Les histoires de nappe phréatique à Tchernobyl, c’était juste pour amuser les journalistes occidentaux qui n’y connaissaient rien. Ce qu’il faut, c’est éviter toute nouvelle réaction nucléaire intempestive, soit dans le corium, (cœur fondu) soit dans les piscines. A part cela, le corium, une fois refroidi, c’est une céramique, donc un bon matériau de confinement saecula saeculorum.

Encore faut-il permettre au corium de se refroidir sous une forme étalée, de façon à présenter la plus large surface possible pour un volume donné, afin de ne pas atteindre localement une masse critique. Il faut bien avoir à l’esprit qu’à Tchernobyl, il n’y avait quasiment aucun risque de reprise de criticité dans le corium, car le combustible était un combustible soviétique classique donc « Dual Use » : civil et militaire à la fois. Il était donc retiré continuellement du cœur, pendant le fonctionnement, de façon à garder un faible taux d’isotopes 240, 241 et 242 du plutonium . Nous avons procédé de la même façon en France pendant la constitution de notre stock de plutonium stratégique : les réacteurs graphite/gaz étaient chargés et déchargés en permanence. Le taux de plutonium et de produits de fissions du combustible en Ukraine était de l’ordre du millième, ce qui est relativement peu. A Fukushima, le combustible MOX contient environ 7% (sept pour cent) de plutonium, et de l’ordre de 3% de produits de fission.

L’autre chance de nos amis russes, à Tchernobyl, c’est qu’il y avait deux niveaux de sous-sols qui servaient de « piscines » (En fait, c’étaient des « ballasts » pour éviter que la pression de la nappe ne rehausse la centrale par la simple poussée d’Archimède. L’architecte s’était inspiré du Palais Garnier, qui utilise la même astuce architecturale, étant donné que le sous-sol est assez semblable dans les deux cas : Un ancien bras mort plein d’alluvions mal stabilisées, avec une nappe au niveau variable)

Les deux architectes se sont visiblement inspirés des citernes de Dioclétien à Istamboul : un terrain de basket inondé avec des piliers. Ce n’était pas le but recherché à l’origine, mais après avoir percé la dalle, le corium s’est étalé dans les deux sous-sols. (Les russes avaient pompé l’eau des « piscines » à temps, et je soupçonne qu’ils ont envoyé des mineurs pour placer des briques réfractaires au bon endroit. En fait, il avaient inventé…L’E.P.R.) A Fukushima, la situation est moins favorable, car sous la cuve, on avait un puits en béton étroit et épais, ce qui a donné l’effet « mortier » dès que le corium s’y est accumulé en quantité suffisante pour fissionner.

A mon avis, la seule chose à faire est de réaliser GROSSO MODO ce qu’avaient fait les russes : envoyer une équipe percer le « puits à corium » à la lance thermique et à l’explosif, pour permettre au corium de s’étaler sans criticité dans le seul espace possible : la cave périphérique du wet well. Comme à Chernobyl, il faudra évidemment pomper AVANT l’eau contenue dans cet espace, et tapisser le fond avec un matériau disponible immédiatement et contenant du bore et du cadmium. Dans l’urgence, je suggère une centaine de tonnes d’électrodes enrobées au borax pour soudure à l’arc, et 500 tonnes de batteries cadmium/nickel usagées. (ce sont des matériaux qui peuvent être amenés sur place dans des sacs à dos, des couffins en fibre de bambou tressées ou mieux, si possible, par un « Decauville » établi dans une galerie de fortune)

Évidemment, pour les équipes chargées des travaux, ce sera « Morituri Te Salutant», mais au moins, leur sacrifice servira à quelque chose. Fukushima aujourd’hui, comme Tchernobyl hier, c’est Verdun.

Ensuite, le danger de nouvelles explosions de criticité écarté, on pourra respirer un peu : il faudra faire sauter les ferrailles des hangars écroulés au cordeau découpant, les faire glisser à coté de la centrale, et, toujours en arrosant, essayer de retirer le maximum d’assemblages combustibles des piscines avec des grues géantes, enfin ceux qui n’ont pas fondu.

Là aussi, les boutefeux chargés d’aller découper les ferraillages à l’explosif feront face à une tâche extrêmement périlleuse…

Que faire des assemblages, déchets et ferrailles contaminées ? Dans le même temps, il faut creuser des tranchées maçonnées et drainées à environ 1 km au nord-ouest, sur des collines, de façon à ce que ces tranchées se trouvent au dessus de la nappe. Il faudra établir une voie ferrée provisoire avec des wagons plus ou moins automatisés, et jeter dans la tranchée tous les assemblages, en les enfouissant sous de l’argile, toujours mélangés à des baguettes de soudure au borax, et à des batteries Cd/Ni usagées (les chinois peuvent nous en fournir des milliers de tonnes sur site dans les 15 jours.)

Il faudra prévoir un atelier de traitement sommaire des eaux de drainage avant de les rejeter par un pipe en mer, parce que dans trois mois, c’est la saison des typhons qui commence et il faut absolument éviter des ruissellement incontrôlés sur le site, puis sur les plages : Une piscine pleine de sable et une autre pleine de phosphate agricole en grains, et une dernière de sable, c’est tout ce que l’ont peut faire…

Il faudra en même temps traiter les eaux hautement actives qui stagnent dans les sous-sols de la centrale.

Le plus simple est d’utiliser comme filtre sommaire les chenaux d’amenée d’eau de mer qui se trouvent devant la centrale: la partie ouverte sur la mer, au nord pourra être bouchée avec des tétrapodes en béton, et on placera derrière cette digue poreuse des granulats, du sable, et derrière le sable du phosphate en granulométrie adéquate. (phosphate agricole ou polyphosphates utilisés dans l’industrie lessivière) Le phosphate précipitera l’uranium et le maximum de plutonium, ainsi que beaucoup de produits de fission. En rajoutant un peu d’acide sulfurique (quelques tonnes par jour, et en contrôlant soigneusement le pH, on pourra aussi fixer l’essentiel du Strontium qui précipitera sous forme de sulfate. (On pourrait aussi, dans le même but, mélanger du gypse ou du plâtre au phosphate) Pour le césium par contre, rien à faire : il partira en mer, sauf à le capter par des zéolithes dont les stocks mondiaux sont insuffisants… (L’iode ne sera bientôt plus un problème crucial)

Ensuite, dans plusieurs mois, il sera temps de construire un pipe-line conduisant l’eau dans les fonds marins à plusieurs kilomètres au large, mais en attendant, le temps presse : il faut vider les fondations d’urgence, et on n’a plus le temps de faire des rotations avec des barges que l’on va vider en mer sans aucune filtration, et qui condamnent les pilotes à une mort certaine !

Ensuite, on recouvrira les tranchées comme à Chalk River, on mettra un liner en plastique au dessus, du sable, une pelouse, un golf, et on en reparle dans 60 ans, voire un siècle, voire jamais. Cela s’appelle un « stockage en subsurface »

Pour les réacteurs, il faudra creuser une tranchée à l’hydrofraise tout autour du site, couler dedans un mur en béton armé descendant à 15 mètres, voir plus (comme pour la salle omnisports de Paris Bercy), élever un mur jusqu’à 10/15 mètres, et pousser au bulldozer dedans tous les gravats contaminés. La structure de la centrale devra être découpée à l’explosif, sauf le puits de cuve et le wetwell, étalée au bulldozer et ensuite on entassera de la terre et des gravats de bétons ramassés dans les villes avoisinantes (ce n’est pas ce qui manque, malheureusement),on intercalera des liners plastiques superposés pour éviter la percolation, on finit avec deux mètres de béton armé fortement ferraillé, du type des pistes de bombardier OTAN normalisées et nous aurons une magnifique plate-forme surélevée à l’abri des tsunamis pour accueillir des E.P.R. dans quelques années.

De toute façon au point où les Japonais en sont, choisir l’option des énergies renouvelables maintenant, c’est un peu tard : cette zone du Tohoku est dédiée à l’industrie nucléaire pour les siècles à venir.

Il faudra bien entendu ménager des tunnels bétonnés jusqu’à la chambre circulaire du wetwell pour évacuer la vapeur d’eau radioactive qui va continuer à se former pendant plusieurs années. Ces tunnels permettront aussi d’accéder au corium, d’ici un demi-siècle, pour l’attaquer au marteau-piqueur par des robots et le placer dans un stockage définitif. (C’est le temps qu’il a fallu attendre pour toucher de nouveau au combustible de Windscale : les anglais sont en train de le traiter, après avoir récemment descellé le bâtiment réacteur et dynamité les cheminées et les filtres de Cokroft.)

A terme, tout la façade littorale de la centrale, y compris les chenaux d’amenée de l’eau (transformés en filtres sommaires) seront entourés par un terre-plein gagné sur l’océan de façon à confiner la radioactivité.

Ce terre-plein servira à installer les installations définitives de traitement des rejets. On peut estimer que des milliers de travailleurs pourraient être relocalisés dans la zone d’ici à dix ans.

La France peut apporter son concours à la gestion à long terme de la catastrophe : les ex-« Chantiers de l’Atlantique » pourraient permettre de construire les barges géantes portant les usines de traitement des effluents définitives « clefs en mains » et ces barges seraient ensuite échouées devant les chenaux de la centrales, puis bétonnées au milieu du terre-plein définitif.

Cette option doit être considérée en urgence, d’autant plus que la crise lybienne va précipiter la faillite des Chantiers de Saint-Nazaire. (Aucune entreprise de ce type ne peut survivre à la défection du client d’un paquebot de luxe de 330 mètres de long déjà sur cales) De toutes façons, il était évident dès le début que les Coréens n’avaient pas acheté les chantiers dans le but de sauver l’emploi dans la région nantaise. Il est probable que les transferts de technologie espérés ont été effectués, et qu’ils vont profiter de la conjoncture pour se désengager. Autant anticiper.

Les Nouveaux Chantiers de l’Atlantique seront de toute façon indispensable à la future industrie française des éoliennes offshore. Ils sont stratégiques. L’option d’une « renationalisation douce »par le biais d’un consortium CEA-ER/AREVA/CNIM doit être considérée.

LES CONSEQUENCES A LONG TERME

Le Tohoku (plaine et collines côtières autour de la ville de Fukushima au nord-est de Tokyo) représentait 7% de l’économie du pays avant la catastrophe. C’était autrefois le « grenier du japon » mais l’agriculture y était en déclin en ce début de siècle. La catastrophe ne bouleversera pas l’économie du Tohoku, mais va juste accélérer son évolution naturelle. Il sera judicieux d’y relocaliser une partie de l’industrie nucléaire du pays, en particulier les nouvelles implantations de centrales.

Les capacités portuaires du Japon seront affectées d’une façon inférieure à 10% par le tsunami, et le pays va vite se relever. Il est tout à fait déplacé de titrer sur « La Chute d’Un Géant » comme un grand hebdomadaire français. Les japonais n’ont pas fini de nous étonner par leurs capacités et leur force morale.

Concernant l’étendue de la « Zone Interdite », il faudra probablement l’étendre provisoirement dans les prochaines semaines, car les mesures de la dose de radiation effectuées par des drones de l’armée américaine indiquent déjà des pointes à 30 millirads/heures à 60 kilomètres de la centrale. Pour fixer les idées, le bruit de fond à Paris est inférieur à 0.01 millirads/heure, et il est de l’ordre de 0.03 millirads/heures sur le sol volcanique japonais. On a donc une augmentation de 1000 fois de la radioactivité ambiante. Au niveau des « points chauds », nous avons des valeurs plus élevées : des zones à 25 megaBq/m2 d’iode 131, (25 millions de Becquerels par mètre carré) et de césium-137 à 3.7 megaBq/m2 ont été notées (Largement au dessus de Tchernobyl) Les évacuations commencent habituellement vers 100 000 Bq/m2. En Biélorussie et en Ukraine, les limites de la zone interdite en « peau de léopard » sont fixées à 1.4 MBq/m2. La zone s’étend de façon discontinue à plus de 200km, mais cette interdiction est toute théorique : des milliers de « Stalkers » vivent et travaillent dans la zone, et le stalkérisme est largement toléré par les autorités.

Au pire, dans le Tohoku, la lointaine banlieue nord-est de Tokyo sera de toute façon un « butoir » infranchissable déterminant l’extension maximum de la zone d’évacuation provisoire : on n’évacue pas une mégalopole de 30 millions d’habitants.

Cependant, au Japon, les habitants devront revenir : Les russes pouvaient se permettre de faire évacuer définitivement l’équivalent de deux départements français: ils avaient les steppes d’Ukraine à leur disposition, les meilleures terres du monde, et qui sont sous-peuplées. De plus l’accident de Tchernobyl a touché essentiellement le plus grand désert agricole d’Europe : le marais du Pripiat.

Les japonais n’ont pas cette option luxueuse à leur disposition. Ils n’ont que la bande côtière pour habiter, travailler et cultiver, et comme à Hiroshima, il faudra qu’ils reviennent à Fukushima, quitte à faire de la culture hydroponique ou de ramener de la terre d’autres régions.

Sauf qu’à Hiroshima, évidement, il n’y avait au pire qu’un kilo de produits de fission et 50 grammes de plutonium et de transuraniens, et pour la plupart tout est parti dans la stratosphère. A Fukushima, il faudra gérer des quantités de retombées sans commune mesure. Avec l’aide de la communauté internationale et de la France, soyons certains que le Japon relèvera ce nouveau défi.

* Fabrice David est un expert indépendant de l’INHESJ.

Lettre INHESJ °10 – Avril 2011 

Fukushima – Urgence dans l’urgence ? .


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