Le livre du jour - Maria, Pierre Pelot

deLa Ruelle bleue

« Méfiez-vous des apparences »,sommes-nous prévenus dès la couverture…

Pierre Pelot nous amène à nouveau sur ces terres vosgiennes sous l’envoûtement desquelles il sait si bien placer son lecteur. Sous sa plume, ces montagnes et forêts souvent enneigées et le rude climat qui y règne sont un théâtre fabuleux où se déroulent des récits souvent tragiques, des histoires qui parlent d’hommes et de femmes simples et ordinaires confrontés à la violence, la cruauté, les bas instincts, les malheurs et vicissitudes de la vie.

« Maria »est un court roman dont l’héroïne est à la fois une jeune femme ardemment amoureuse, une mère courage durement éprouvée et une vieille conteuse attendrissante. La passion, le sacrifice et la compassion sont au cœur du récit. Mais derrière ce voile doux et enveloppant se profile une écorce plus rêche qui prend la forme d’une oppression larvée, une brutalité condamnable se révélant au fil des pages. Cette férocité insoupçonnée se trouve par ailleurs aux endroits où on l’y attend le moins, là où les apparences ont la couleur de la bonté, de la justice, de l’innocence, là où les causes exprimées emportent notre adhésion et notre empathie.

Le destin individuel se dilue dans la grande histoire et trouve la consolation dans l’histoire régionale. Car malgré les dommages et les crimes, au-delà de la vengeance et de la barbarie il reste quand même une bienveillance, une affection, une estime pour cette femme, à la fois victime et coupable, cet esprit rebelle mais ployé sous la loi du plus fort, ce personnage si humain qui porte en lui espoirs et tourments, faiblesse et grandeur d’âme…

Une lecture concise et fulgurante qui porte au cœur. Et quand je referme le livre, je pense à ma grand-mère, à ce qu’elle a pu vivre pendant les temps troublés de la dernière guerre, les quelques confidences qu’elle m’a faites, ce qu’elle a gardé secret par honte ou par pudeur, par fierté ou par volonté d’oubli. Je me souviens qu’elle était allemande alors, jeune esprit fatalement grandi au coeur du national-socialisme, belle jeune femme au tempérament bien trempé dans ces temps où l’opprobre et l’anathème éclaboussaient outre-Rhin. Je l’imagine emportée par le tumulte de sa jeunesse dans ce fracas de l’histoire, avec inéluctablement ses zones d’ombre et de lumière ; un héritage que je porte craintivement en moi sans en connaître les réels contours, mais sans désaveu, parce que c’est ma grand-mère…

Maria, de Pierre Pelot, éditions Héloïse d’Ormesson, 6 janvier 2011, 127 pagesISBN : 9782350871554   / 14€ 

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