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GAV : où je démontre que Laurent Di Raymondo, bâtonnier des Deux-Sèvres a tout faux sur le plan juridique

Publié le 21 avril 2011 par Kamizole

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Nonobstant l’ineptie de ses critiques sur le plan juridique contre l’arrêt de la Cour de cassation du 15 avril 2011 sur les GAV : le bâtonnier récalcitrant des Deux-Sèvres (Flash-Actu du Figaro 16 avr. 2011) aura au moins l’insigne mérite de me permettre d’exposer correcte-ment les grands principes juridiques sur lesquels se fonde cet arrêt. Comme je ne lui ferais pas l’injure de supposer qu’il les ignore, force m’est donc de penser qu’il les invoque volontairement à mauvais escient.

Aboierait-il dans le même chenil que les chiens de garde de la meute sarkoïdale et autres membres de la Droite populaire ? C’est une question à laquelle je ne suis pas en mesure de répondre, me contentant pour l’instant de constater qu’il utilise exactement les mêmes arguments. Tout ce que je sais, c’est qu’il fut élu bâtonnier le 14 décembre 2010 (Nouvelle République, 14 déc. 2010) et que selon certaines sources, il ne passe pas pour avoir une conception particulièrement démocratique de sa fonction. Très arriviste, il aurait tout pour plaire à Nicolas Sarkozy ! D’ailleurs, avec sa tronche peu sympathique et l’air méprisant, il me fait irrésistiblement penser à Boris Boillon, le calamiteux ambassadeur en Tunisie… A moins que le crâne rasé ne le situât politiquement ailleurs ?

Laurent Di Raimondo a donc demandé aux avocats des Deux-Sèvres de permanence ce week-end de ne pas appliquer le nouveau régime de la garde à vue, estimant – dans une «analyse légaliste des choses» - que celui-ci est en contradiction avec le «principe de séparation des pouvoirs et la hiérarchie de la norme»…

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«On a hier deux normes qui se sont entrechoquées : un arrêt de la cour de cassation qui décide que les nouvelles règles de la garde à vue devaient s’appliquer “immédia-tement” et de l’autre une loi parue au journal officiel portant réforme de la garde à vue qui prévoit l’entrée en vigueur de ce texte au 1er juin 2011 (…) le pouvoir judiciaire représenté par la cour de cassation ne peut pas décider contre la loi adoptée par l’assemblée et ne peut pas décider d’anticiper l’entrée en vigueur d’un texte»…

Pour devenir avocat, M° Di Raimondo doit forcément avoir suivi les mêmes cours de droit que moi et donc planché sur la notion de «hiérarchie des normes» dont on nous rebattit ad nauseam les oreilles dans les TD de droit administratif (2e année). Comme il est nettement plus jeune que moi (45 ans, d’après ce que je sais) il a donc eu à connaître non seulement de l’arrêt Nicolo (Conseil d’Etat 1989) qui était encore récent lorsque je l’étudiai en 1990-91 et fut la première jurisprudence française à admettre – sur le fondement de l’article 55 de la Constitution - la prépondérance des dispositions édictées par un traité international (ou une convention) ratifié par la France (en l’occurrence le Traité de Rome instituant la CEE) sur le droit national mais également d’un nombre très important de jurisprudences allant dans le même sens et en élargissant le champ et la portée.

Je ne rentrerais pas dans les détails de cette aussi foisonnante que passionnante historique jurispruden-tielle – qui concerne aussi bien le Conseil d’Etat que la Cour de cassation mais également le Conseil constitutionnel (j’ai le souvenir d’un contentieux électoral concernant les élections européennes). Lequel Conseil constitutionnel vient d’ailleurs récemment de consacrer la soumission du droit interne français aux principes édictés par l’article 6 la Convention euro-péenne des droits de l’homme en matière de garde à vue.

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Toujours est-il que cela aboutit au résultat que nous connaissons aujourd’hui : qu’il s’agisse de lois anciennes ou nouvelles, le législateur français ne peut méconnaître les dispositions édictées par des conventions interna-tionales ratifiées par la France. C’est donc non seulement la norme «supra-législative» - la Constitution prévalant la loi - qui s’impose au législateur mais également «supra-nationale» : il ne peut légiférer en méconnaissance des dispositions des traités et conventions ratifiés par la France.

Cela vaut aussi bien pour le droit communautaire lato sensu qu’en matière de dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ratifiée par la France le 31 décembre 1973) ainsi que la jurisprudence de la CEDH qui sanctionne les manquements des Etats membres à cet égard.

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Contrairement à ce que soutient Laurent Di Raimondo, la Cour de cassation n’avait aucunement à prendre en considération la loi du 12 avril 2011 portant réforme de la garde à vue – sa publication au Journal officiel le 15 avril 2011, le jour même où la Cour de cassation devait rendre public son arrêt, me semble relever de la belle magouille politicienne ! – pour une raison bien simple : elle avait à statuer sur la légalité de décisions judiciaires antérieures à cette loi.

Il est donc tout aussi fallacieux de prétendre que la Cour de cassation aurait «décidé que les nouvelles règles de la garde à vue devaient s’appliquer immédiatement». En relevant dans son attendu principal que «Les Etats adhérents à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme – notamment l’article 6 relatif au droit à un procès équitable – sans attendre d’être attaqué par elle ni d’avoir modifié leur législation» la Cour de cassation s’est bornée à rappeler les grands principes dans les termes mêmes que n’eût pas manqué d’utiliser la CEDH si elle avait été saisie de ce contentieux.

La Cour de cassation n’est donc aucunement intervenue dans l’application anticipée des dispositions de la loi du 12 avril 2011 – sur laquelle elle n’avait pas à statuer – et ce sont les pouvoirs publics qui ont tiré les consé-quences nécessaires de cet arrêt pour éviter que les procédures de garde à vue qui auraient lieu avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi ne puissent être attaquées. Sans oublier au demeurant qu’un certain nombre de gardes à vue antérieures à l’arrêt sont également susceptibles de faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

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Laurent Di Raimondo a sans doute raison, la Cour de cassation n’a aucunement le pouvoir de sanctionner le législateur, son rôle se limitant en principe précisément à examiner si les juridictions inférieures ont bien appliqué les dispositions prévues par la loi.

Mais comme en droit il existe toujours des exceptions aux principes, j’en noterais cependant deux : quand elle est saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dorénavant permise par la réforme de la Consti-tution et, bien entendu, la conformité des lois déjà votées avec les normes supra-nationales (traités et conventions entrés dans l’ordre interne du fait de leur ratification) quand elles sont saisies par un requérant. Ce qui était le cas en l’espèce. CQFD.

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LES COMMENTAIRES (1)

Par LuN1k
posté le 16 mai à 11:01
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Bonjour, Me. DI RAIMONDO n'est en aucun cas l'Homme que vous décrivez. Quand on le connait un minimum on peut très facilement réfuter vos arguments, si vos critiques sur le physique et autres peuvent être qualifiés d'argument. Entre autre, il est libre de penser ce qu'il veut de cette réforme et il ne se place en aucun cas en leader d'opinion, libre aux personnes de le suivre dans sa démarche ou non. Posez-vous des questions s'ils préfèrent suivre Me DI RAIMONDO plutôt que de rallier votre cause de gauchiste frustré. En outre, dire "je ne suis pas d'accord avec..." ne fait pas de vous un maître à penser, donc ne concluez pas votre article par CQFD quand vous n'avancez aucune idée nouvelle. Merci Kamizole !

Cordialement.

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