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Conflit d'intérêt, Karachi, Wildenstein ou ISF : les tartufferies de Sarkozy

Publié le 22 avril 2011 par Juan
Conflit d'intérêt, Karachi, Wildenstein ou ISF : les tartufferies de SarkozyOn pourrait croire que le gouvernement Sarkozy s'est attaché à réformer la justice, vers davantage d'équité, de transparence et d'efficacité. Deux projets de « réforme », l'un pour l'amusement, l'autre pour les Riches, ont été dévoilés la semaine dernière.
Le gouvernement a ainsi présenté son projet de réforme judiciaire voici 8 jours, dont les deux piliers sont la création d'une procédure simplifiée de jugements d'assises, et l'introduction de jurés populaires dans les jugements correctionnels.
Vendredi, la Cour de Cassation ordonnait la mise immédiate de la réforme de la garde à vue adoptée trois jours auparavant. Le jeudi suivant, Fillon fait publier les déclarations d'intérêt de ses ministres. La République irréprochable serait-elle en marche ?
Il n'a pas fallu attendre longtemps pour découvrir la supercherie médiatique. D'autant plus que les « affaires » qui firent polémique l'an passé (Karachi, Wildenstein, Bettencourt) n'ont finalement pas disparu.
Cacher les conflits d'intérêt
Ce jeudi 21 avril, le gouvernement a publié les déclarations d'intérêt de ses membres. En mars dernier, une polémique de trop, sur les vacances de Fillon et les relations tunisiennes de Michèle Alliot-Marie, avait contraint Fillon à promettre cette publication sans attendre une éventuelle loi.
On notera plusieurs limites à cette transparence :
1. On ne dispose pas l'exhaustivité du patrimoine de nos gouvernants : « la déclaration d’intérêts ne recense pas l’ensemble des biens de son auteur, mais fait seulement apparaître ceux dont la valeur, pouvant varier à court terme, est susceptible d’être directement influencée par des décisions du Gouvernement. »
2. Les déclarations d'intérêt des conseillers et membres de cabinets, des conjoints et enfants des ministres ne sont pas publiées. Qui les contrôle ? Les contrôles seront-ils publics ?
3. Les liens familiaux proches des ministres ne sont pas mentionnés dans ces déclarations.
4. Ces déclarations ne couvrent que les 3 dernières années, pas plus.
A la lecture de ces courriers, qu'apprend-t-on ? Pas grand chose.
François Fillon a quelques actions d'EDF et du Crédit Agricole (comme Luc Chatel). Roselyne Bachelot (Solidarité) n'a aucune action ni ne participe dans aucune association. Thierry Marianni (Transports) apprécie les fonds TEPA et les investissements immobiliers défiscalisés. Patrick Ollier (le compagnon de MAM et toujours ministre en charge des relations avec le Parlement, a des « valeurs non cotées » sans préciser lesquelles. François Baroin (Budget) cumule un nombre incroyable de mandats et ne déclare rien d'autre.
Claude Guéant (Intérieur et immigration) et Nathalie Kosciusko-Morizet (Ecologie) sont transparents : aucun mandat (même associatif), ni actions significative  n'a plus rien. Christine Lagarde déclare qu'elle est membre du Foundation Board du World Economic Forum (WEF) et Présidente du conseil d’administration de l’IEP d’Aix en Provence; et qu'elle a défiscalisé une partie de son ISF.
La déclaration d'intérêt de Frédéric Lefebvre (Tourisme, commerce, artisanat, professions libérales) est délicieuse : elle est vide. On se souvient pourtant qu'il était cofondateur et dirigeant d'une entreprise de lobbying, tandis qu'il conseillait déjà Sarkozy ministre des finances puis de l'intérieur. Une entreprise dont il avait cédé le contrôle il y a 2 ans à peine.
Son collègue Gérard Longuet est à peine plus transparent. Il déclare bien sa société Sokrates Group comme « outil de travail en sommeil », une boîte de conseil avec laquelle il travailla pour GDF en pleine privatisation de l'entreprise tout en étant sénateur... Mais sa femme Brigitte vient d'être nommée vice-présidente de la Commission nationale des professions libérale, par arrêté du 19 avril (sic !), signé par Frédéric Lefebvre (cf. mediapart).Valérie Pécresse (Enseignement supérieur et Recherche) a beaucoup de participations via un PEA. Mais son mari Jérome est directeur général adjoint d'Imérys, une société qui comptait un conseiller d'Eric Woerth, Eric de Sérigny, à son conseil d'administration; et fortement investi dans la Recherche.
Nora Berra (Santé) rappelle qu'elle a été médecin chez Sanofi jusqu'en 2009.
Globalement, ces déclarations publiques se révèlent peu intéressantes. Elles n'auraient permis de détecter aucun des scandales récents comme les affaires immobilières de la famille Alliot-Marie avec un proche de Ben Ali ou le travail de Florence Woerth pour le compte de Mme Bettencourt (jusqu'en 2010). On ne sait pas non plus comment sont traitées les autres déclarations d'intérêts non publiées.
Discrétion renforcée sur Karachi
En novembre dernier, Nicolas Sarkozy avait été brutalement obligé de se justifier dans l'affaire de Karachi. De multiples révélations et témoignages laissaient penser qu'il était clairement impliqué dans le financement occulte de la candidature d'Edouard Balladur à l'élection présidentielle de 1995, via des rétro-commissions versées dans le cadre de la cession de sous-marins français au Pakistan en 1994. le Monarque s'en était énervé devant quelques journalistes à Bruxelles, et son grand vizir Guéant avait publié une défense (incomplète) sur le site de l'Elysée.
Quelques semaines plus tard, Alain Juppé à peine nommé ministre de la Défense, promettait de lever toutes les protections « secret défense » nécessaires. En fait, il n'en fut rien. Le juge Marc Trévidic, en charge du volet attentat, a toujours quelques peines à obtenir les documents qu'il souhaite.
Début mars, un porteur de malettes témoignait des étranges versements en liquide qu'il faisait pour le compte de la campagne Balladur.
Ses collègues Roger Le Loire et Renaud Van Ruymbeke, qui enquêtent sur le volet financier de l'affaire, sont tout aussi bloqué. L'Express a révélé mardi que François Baroin, ministre du Budget, leur a définitivement refusé de lever le secret-défense sur le contrat d'armement Sawari II passé entre la France et l'Arabie saoudite en novembre 1994. Les deux intermédiaires imposés par le gouvernement Balladur début 1995 sur la cession des sous-marins au Pakistan ont également émargés sur ce contrat. 
« Tout le monde travaille à livre ouvert dans ce dossier » expliquait Baroin en novembre dernier... Vraiment ?
En quoi la défense nationale était-elle menacée par des documents fiscaux ? En février dernier, d'après Mediapart, les enquêteurs avaient découvert que « 784 "feuillets" liés aux commissions suspectes du contrat Sawari II avaient été classés "secret défense" ou "confidentiel défense".» Ces feuillets, des liasses fiscales, portent, rappelle le site d'information, sur les commissions des contrats d'armements et « sont en effet indispensables aux juges pour qu'ils puissent remonter le fil de l'argent noir des ventes d'armes françaises et d'une possible corruption politique qui en découle
Etau resserré pour Wildenstein
Autres lieux, autre inquiétude. Mercredi 20 avril, Carol Vogel, pour le New-York Times, consacrait un long article l'affaire Wildenstein : « Un vénérable marchant d'art empêtré dans des plaintes ». Les tracas judiciaires de « l'ami Guy » se révèlent nombreux.
- Pour mémoire, Guy Wildenstein, collectionneur et marchant d'art, a été accusé par sa belle-mère Sylvia d'avoir détourné l'héritage du papa dans des paradis fiscaux. 4 milliards d'euros !
- Second soupçon, la dite veuve s'est inquiétée de l'attentisme de l'administration fiscale à l'encontre de Guy Wildenstein. Les deux ministres du budget successifs Eric Woerth puis François Baroin ont botté en touche.
- En janvier dernier, des policiers ont perquisitionné ses bureaux parisiens à l'institut Wildenstein, pour la troisième fois. « A la fin de cette visite, les enquêteurs sont repartis avec des oeuvres d'art plein les bras, notamment  des dessins de Degas, une sculpture en bronze de Rembrandt Bugatti et une peinture  impressioniste d'un 'cottage' normand de Berthe Morisot. » relate la journaliste. « Toutes avaient été portées disparues ou volées, certaines par des familles juives dont les propriétés ont été pillées par les Nazis et d'autres par les héritiers qui ont dit que leurs trésors avaient disparu pendant le règlement de succession familiale. » L'accusation est grave et nouvelle. Une trentaine d'oeuvres ont été ainsi saisies.
- Guy Wildenstein, franco-américain installé à New-York, a été convoqué à Paris cette semaine pour s'expliquer. « Nous restons calme et attendons les questions des juges et ensuite il s'exprimera » a confié son avocat maître Leridon. Ce dernier a noté « que M. Wildenstein a été appelé pour répondre aux questions sur ce point en tant que témoin et non suspect. »
- Une autre veuve Wildenstein a également porté plainte contre Guy en février dernier : Liouba Wildenstein, épouse (russe) de son frère Alec Wildenstein, décédé en 2008. Et pour les mêmes raisons...
Guy Wildenstein est le représentant de l'UMP pour la côte Est des Etats-Unis, membre actif du Premier Cercle.
Dernier cadeau pour Bettencourt
Il a fallu que le Canard Enchaîné sorte sa calculette et lise le texte de la réforme de la fiscalité du patrimoine, dévoilé la semaine dernière par les services de François Baroin. On se souvient que Liliane Bettencourt, grande fortune donc grosse contribuable, s'était vue rembourser quelque 30 millions d'euros par an ces dernières années grâce à l'ineffable bouclier fiscal. Et ce, sans contrôle fiscal pendant une belle décennie (au moins), et malgré une fraude révélée par les enregistrements pirates de conversations avec son gestionnaire de fortune.
Voici donc que le Canard Enchaîné qui « révèle » que la dernière réforme fiscale du Président des Riches comporte deux volets qui bénéficieront plein pot à la contribuable Bettencourt : primo, le bouclier fiscal ne sera supprimé qu'en 2012 (au titre des revenus 2011). Secundo, la suppression des taux supérieurs de l'ISF s'appliquera dès... 2011. « Liliane Bettencourt paiera ainsi, d'après le Canard, 10 millions d'euros seulement, alors que ses revenus tournent autour de 250 millions. Et qu'elle avait versé 40 millions au fisc en 2010... Un taux d'imposition de 4%.  » commente l'Expansion. Avec Nicolas Sarkozy, Noël tombe en avril pour les membres du Premier Cercle de l'UMP !
Ami sarkozyste, aimes-tu les oeuvres d'art ?

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