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POULET DE PRESSE n°17

Publié le 26 avril 2011 par Legraoully @LeGraoullyOff

Graoulliennes, Graoulliens, amical bonjour de la pointe Bretagne ! Ah ! Quel plaisir de pouvoir, pour une fois, ne vous parler que de journaux que j’aime, sans ironie aucune, sans arme ni haine ni violence ! Et oui, tous les journaux ne sont pas complètement pourris, en France, et ça, il faut le signaler : c’est d’ailleurs quand on voit que certains titres peuvent être en vente libre chez nous qu’on comprend pourquoi les Libyens, les Syriens et les Yéménites se battent, en ce moment…  

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CQFD n°86 (février 2011) : Le mensuel phocéen n’avait pas manqué de surfer sur les événements du monde arabe ; quand on lit ce numéro 86 aujourd’hui, d’ailleurs, cela crée un amusant paradoxe temporel puisqu’il était sorti AVANT la démission de Moubarak en Égypte et pourtant, quand on lit le texte de Najate Zouggari donnant la température de la place Tahrir, l’espoir et la détermination du peuple Égyptien est si palpable qu’on en vient à se demander si ce n’est pas déjà fait ; en clair, ce reportage a été fait avant la chute du Raïs, mais on a presque l’impression qu’il a été écrit après : avant même que Moubarak ne tombe, CQFD considérait sa chute comme acquise… De quoi donner rendre verts de jalousie les « prévisionnistes » qui ne voient rien venir et autres analystes à trois francs six sous qui grouillent dans la presse pourrie ! Cela dit, je dis du bien de CQFD, mais si j’ai acheté ce numéro, c’est parce que j’avais été attiré par le dessin de Siné en couverture, même si je n’ai compris le gag que bien plus tard, quand j’ai su à quel point le mot « dégage ! » a été employé dans ces révolutions arabes. En somme, Siné est désormais une sorte de vedette commerciale pour CQFD ! C’est le comble… Bon, plus sérieusement, je ne vais pas tout vous raconter, mais je tenais à dire que si certaines personnes prennent CQFD pour un journal militant, j’ai plutôt tendance, pour ma part, à l’envisager comme un vrai journal d’information : pas d’infos divertissantes, pas de commentaires autour des petites phrases des hommes politiques, pas de faits divers sensationnels, pas de « marronniers », pas de « people », pas de sondages castrateurs, non, rien que des faits révélateurs soit des vrais problèmes soit des bonnes nouvelles soigneusement occultées (si, ça existe !). Un exemple de vrai problème (CQFD y consacre trois pages) : le parti socialiste reprend à son compte le cocktail sécuritaire « frapper d’abord et discuter ensuite » et « big trouduc’ is reluquing you » qui avait fait jadis le succès électoral de Sarkozy. Ceux qui se donnaient des circonstances atténuantes pour voter Strauss-Khan au nom du fait qu’il différerait de Nicoléon de ce point de vue-là l’ont donc dans le… Enfin, il ne faut pas caricaturer non plus : Julien Dray, qui avait pourtant un beau profil de « socialiste tendance tapedur » prend conscience de l’inefficacité et la dangerosité des BAC. Reste à espérer que ça fera tache d’huile… Un exemple de bonne nouvelle : Radio Béton, une radio associative de Tours qui soutient les scènes émergeantes et parle de politique sans langue de bois, a fêté ses 25 ans d’existence. Du coup, vous comprenez, moi, ceux qui chialent sur le sort de Skyrock…  

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Politis numéro spécial (février-mars 2011) : Le propos de ce numéro spécial : republier des interviews menées jadis par les journalistes de cette excellente revue et monter en quoi les propos recueillis auprès de toute ces personnalités politiques, intellectuelles et artistiques restent d’actualité. Quand on pose les bonnes questions, le journalisme n’est pas irrémédiablement voué à ne produire que de l’éphémère et peut ne pas rester exclusivement tributaire de « l’écume des jours ». Pour ma part, je suis épaté par la clairvoyance, l’intelligence et la modestie du regretté Pierre Bourdieu : sa dénonciation de la fracture entre les élites (souvent autoproclamées) et le gros de la population, fracture qui favorise les populismes de tout poil, reste on ne peut plus d’actualité et pourtant, son interview par Louis Roméo date de 1992 ! 20 ans après, tout reste valable ! À commencer, évidemment, par le regard qu’il porte sur son propre métier de sociologue : « Les lois sociales ne sont pas des lois naturelles, inscrites de toute éternité et pour l’éternité dans la nature des choses (…) par conséquent, ces régularités (statistiques ne s’imposent nullement comme un impératif ou un destin auxquels il faudrait se soumettre. (…) Les régularités sociales se présentent comme des enchaînements probables que l’on ne peut combattre, si one le juge nécessaire, qu’à condition de les connaître. » Qu’est-ce que vous voulez ajouter à ça ? 20 sur 20 également pour la modestie et la ténacité de Stéphane Hessel remettant les choses au point concernant son véritable rôle dans la rédaction de la déclaration des droits de l’Homme et son appel au boycott d’Israël. Idem pour Raymond Aubrac, que son passé de résistant ne rend pas plus fier de lui que s’il s’était contenté de faire son métier d’ingénieur. Bravo aussi à Patrick Viveret qui, en 2007 avait anticipé la crise économique dont nous payons encore les pots cassés, mais si je continue à dire bravo à tous ceux dont les propos sont relayés par Politis, on va se croire aux Césars, alors mentionnons le seul cancre présent dans le tas, Michel Rocard qui, au lendemain de la gamelle électorale du PS en 1993, ne reconnaissait aucune erreur, aucun tort, et donnait douze milliards d’explications aussi alambiquées qu’éthérées pour ne pas avoir à avouer que son parti avait été incapable de satisfaire les attentes que le peuple avait placées en lui… Rocard ? Un digne représentant de l’élite vivant sous vide que dénonçait Bourdieu.

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L'élite dénoncée par Bourdieu.

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Fakir n°49 (février-mars 2011) : Ah, Fakir le picard ! Encore un journal chouette de chez chouette, qui n’est pourri ni par la pub ni par des actionnaires castrateurs, avec de vrais articles de fond, de vraies satires dans la lignée de Jonathan Swift et de vrais reportages ! Pour ce qui est des articles de fond, je vous recommande « l’appel du boss » où François Ruffin nous explique comment les puissants s’emploient à laisser de moins en moins de place à la démocratie, la pauvrette n’étant décidément pas considéré comme compatible avec les intérêts du capitalisme. Comment ça, il exagère ? Et le traité de Lisbonne, qui traitait comme un paillasson le « non » franc et massif que le peuple avait exprimé contre la constitution giscardienne ? Et les gros titres de la presse pourrie qui traitent la montée de la démocratie dans le monde arabe comme une « contagion » ? Toujours dans les articles de fond, un texte expliquant de façon sérieuse et argumentée que l’on pourrait se permettre de ne travailler que trente heures par semaine et de prendre deux mois de congés payés sans que l’économie en pâtisse ! Une vérité que la plupart des autres journaux préfèrent passer sous silence… Pour préserver les intérêts de l’économie de marché ? Ben non, puisqu’ils ne seraient même pas menacés par cette mesure (entre nous, l’économie a souvent beaucoup plus à craindre de la part des appétits grossiers des businessmen que des avancées sociales) ! C’est juste pour maintenir le peuple en état de domination ! Comme l’a dit Gérard Filoche, « salariés, si vous saviez… » Pour la satire, vous avez « la page de la France d’après » où Valéry Chartier s’efforce d’augmenter exponentiellement l’horreur du cauchemar politique et social que nous vivons depuis 2007, avec un talent pour imiter le style oratoire des grands pontes de l’UMP digne des plus grands pasticheurs. Pour le reportage, vous avez deux pages sur les caissières du magasin Ed d’Albertville en lutte contre l’ouverture de leur magasin le dimanche – j’y apprends l’existence d’un curé sympa, l’ancien prêtre-ouvrier Bernard, c’est assez rare pour être souligné – et les huit pages sur l’oligarchie qui se goberge à Megève. Un super journal qui s’amuse à réfléchir, fait par des bénévoles passionnés qui font ça pour s’exprimer, pas pour gagner du blé…mais oui, les voilà, les cousins picards du Graoully ! Notre famille est encore plus grande que je ne le pensais ! You know what ? I’m happy !

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L'oligarchie qui se goberge (cliquez pour agrandir).

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Zélium n°2 (mars 2011) : Le numéro de CQFD dont je vous parlais tout à l’heure, avec Siné à la une, sortait précisément au moment où ce dernier descendait en flammes Zélium qui doit déjà en être (si tout s’est bien passé) à son troisième numéro, il faudra que je vérifie chez mon marchand de journaux. En attendant, penchons-nous sur ce numéro 2. La ligne générale du journal reste satisfaisante, en dépit du fait que vingt-quatre pages format Canard enchaîné, ça peut être un peu lourd à s’enfiler. Mais bon, l’avantage du mensuel, c’est qu’on n’est pas obligé de tout lire d’un coup… Alors, qu’est-ce qu’il y a, dedans ? Éric la Blanche, suivi de près sur ce terrain par Olivier Bonnet, fait le point sur la révolution en Islande, dont je vous ai déjà parlé, piqûre de rappel utile pour ceux qui sont tentés de croire que toute contestation est vouée à l’échec. Il revient aussi sur un fait désormais prouvé scientifiquement : la télé rend con. Giemsi poursuit sa série hyper-cruelle « Tout le monde il est gentil » qui conforte ce dessinateur dans son statut de digne successeur des grands maîtres de l’humour « bête et méchant ». Xavier Renou fait le point sur la contestation dont la flamme n’est pas tout à fait éteinte, en Grèce, où le patron du FMI (vous vous rappelez, l’espoir de la gauche française !) a fait des ravages. Charlotte Houang et Élodie Crézé nous aident à en savoir plus sur le centre d’injections de drogue supervisé de Vancouver, Insite : une vraie solution à un vrai problème de santé publique contre lequel la logique de la pénalisation systématique n’a pu que démontrer son impuissance ! Il faut vraiment avoir un balai dans le cul pour refuser ça… Olivier Doiseau dresse le tableau de la situation de l’agriculture au Burkina Faso où le recul des cultures vivrières au profit des monocultures commence à devenir invivable ; je comprends mieux les récentes émeutes dans ce pays… Serenis Cornelius démontre que la délocalisation n’est pas le facteur le plus lourdement déterminant dans la désindustrialisation de la France, conséquence logique d’une évolution de la société française de plus en plus tournée vers le tertiaire et où les travaux d’ouvrier attirent de moins en moins. Sébastien Duval dresse le portrait de l’empoisonneur en chef des laboratoires Servier, vieille baderne cacochyme pour laquelle le monde n’a pas changé depuis le Second Empire et qui ne gère pas sa boîte avec un mental de « winner » dynamique et n’a « que » les yeux rivés sur le profit à court terme, comme tout bon représentant de la grosse bourgeoisie à l’ancienne qui se respecte. Je ne vais pas tout vous raconter, terminons donc en faisant, d’une part, un bravo sans réserve à Hénin-Liétard, toujours aussi génial et, d’autre part, un bravo plus nuancé à Clé pour sa BD mettant en scène une prostituée dont l’enfant devient CRS : le but de dévaloriser les forces de l’ordre n’est qu’à moitié atteint, tant le bonheur que manifeste la pute devenue maman est touchant de tendresse… « Et à part ça ? Et bien ça va, si y s’passe qué’qu’chose, on vous l’dira ! »

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Ce garçon est un futur CRS (d'après Clé).

POULET DE PRESSE n°17
L’écho des savanes n°300 (février 2011) : Ah là, évidemment, on sort déjà de la presse alternative ! Mais ça ne fait rien, c’est quand même un magazine agréable à lire. Pour ce numéro 300, donc, L’écho s’est permis un peu d’autocongratulation ; il peut se le permettre ! Il a quand même survécu à pas mal d’orages, comme on s’en rend compte en lisant les interviews de trois animateurs historiques du périodique, à savoir Gotlib, Wolinski et Thierry Ardisson : le premier a quitté L’écho au bout de onze numéros pour cause de prises de bec à répétition avec Mandryka, le fondateur du titre ; le second attribue tout le mérite du renouvellement de L’écho dans les années 1980 à Claude Maggiori et rappelle que « il y a quelques années, L’écho était devenu une épave…mais ça a bien repris depuis un an. » Quant au troisième, il a eu le douteux privilège de devoir assumer la direction d’un journal devenu hebdomadaire (ils ont bien fait d’arrêter…) avec une équipe totalement incompétente ! Dommage que ça ne l’ait pas dissuadé une fois pour toute de se mêler de presse écrite… Ces trois interviews, fort instructives concernant l’histoire du journal, complètent un dossier formé d’interviews de personnalités témoignant sur L’écho en particulier et sur la provoc’ en général. Tous s’entendent pour reprendre le lieu commun suivant lequel, aujourd’hui, on ne pourrait plus faire de la provocation ; à ce sujet, je garde en travers de la gorge les propos de cet imbécile cocaïné de Frank Tapiro, auteur de la campagne « Ne vieillissons pas trop vite » pour Virgin Radio ; elle a été retirée ? Tant mieux, je n’avais jamais vu une pub aussi moche ! Et le voilà qui chiale sur le sort de sa pub assassinée par les vilains méchants tenants du « politiquement correct »… Ce mec se prend pour un créatif, ce n’est qu’un vulgaire marchand ! Je n’aime guère non plus l’article de Philippe Cohen qui pose une question idiote : « peut-on encore provoquer ? ». La question est idiote puisque, de toute façon, on ne peut JAMAIS provoquer ! Le propre d’une provocation, en effet, est d’être une transgression brutale : si elle est acceptée par la société, elle n’est plus transgressive et n’est même plus une provocation ! Ce n’est plus qu’une fausse audace ! Quand on me parle des provocations de Hara-Kiri en disant « aujourd’hui, on ne pourrait plus », je réponds toujours « parce que tu crois qu’à l’époque, on pouvait ? Le mensuel « bête et méchant » est justement mort étouffé par tous les procès qui lui sont tombés dessus ! » Et puis, je m’excuse, monsieur Cohen, mais prendre pour exemples d’un recul de la liberté d’expression les condamnations pour injure raciale dont Brice Hortefeux et Éric Zemmour ont fait l’objet… Bref, aujourd’hui comme hier, celui que veut provoquer doit faire preuve de talent, d’intelligence et de courage ; à l’équipe de L’écho de se relever les manches et de ne pas se reposer sur son passé, donc !   

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Pas trop mal, comme provoc', non ? (Cliquez pour agrandir)

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Fluide glacial série or n°54 (mars 2011) : Bruno Léandri, le rédacteur en chef des « séries or » de Fluide glacial a toujours porté un intérêt tout particulier à l’actualité scientifique : il a même tenu (tient-il toujours ?) une émission sur ce sujet sur la RTBF (la télévision belge), « la minute de Léandri » dont il parvient d’ailleurs à se moquer dans ce numéro avec un faux bêtisier d’émission scientifique. Parce que ce « série or » est effectivement consacré à la science, et les plus géniaux parmi les dessinateurs du mensuel d’umour et bandessinées s’en sont donnés à cœur joie, à commencer par le génial Goossens dont la présence d’imposait, le créateur de Georges et Louis étant, dans le civil, chercheur en intelligence artificielle à l’université de Paris VIII. À cet égard, sous des dehors sympathiquement absurdes et sans prétentions, sa petite BD « Raymond la science » dénote un recul et une modestie par rapport à son métier de scientifique qu’on ne peut manquer de saluer : il nous dit grosso modo que la jouissance que lui procure la recherche n’est pas plus noble que celle du péquenot de base qui va boire des coups au bistrot du coin… On retrouve aussi Lindingre, Lefred-Thouron, Isa, Chauzy, Hugot, Thiriet, Berbérian (sans Dupuy), Bouilhac, Bouzard, Libon et Mo/CDM…que des pointures ! Le rédactionnel aussi est nickel : Fioretto et Léandri égratignent les frères Bogdanoff en nous révélant ce que pourrait être leur thèse et nous livrent deux pages TRÈS instructives où, parodiant les boîtes de chimie amusante qu’on offre aux enfants, ils nous rappellent que le meilleur médecin est aussi le meilleur empoisonneur, c’est-à-dire que la science peut aussi bien pourrir la vie des gens que l’améliorer… Signalons enfin que l’affaire du Médiator a largement inspiré Èric Deup : je ne vous en dis pas plus, il va si loin dans la caricature qu’il m’est impossible de résumer ce qu’il a écrit sans déflorer entièrement son effet. Bref, un numéro irréprochable, qui plus est tout à fait dans la lignée du travail du fondateur du journal, Gotlib, qui, dans sa « Rubrique-à-brac » avait déjà commencé à tourner en dérision le savoir scientifique. On dira ce qu’on voudra, mais moi je dis : « continuez, les Fluideux ! »

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Et oui, ça aussi, c'est une avancée de la science... (Cliquez pour agrandir)

Je réalise maintenant que, mis à part pour L’écho des savanes où je suis plus nuancé, je n’ai fait qu’approuver sans réserve les journaux que j’ai lus. Ben oui, à moi aussi, il m’arrive d’être de bonne humeur… Allez, kenavo !

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