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Les étiquettes de relieurs et de libraires : un univers méconnu

Par Benard

Les bibliothécaires, les libraires d’«ancien» et les bibliophiles sont sans doute familiers avec la présence de ces petites étiquettes qu’on retrouve souvent sur les pages de garde des livres, en particulier lorsqu’il s’agit de livres reliés. Utilisées depuis le 18

esiècle environ, leslibraires, lespapetierset lesrelieursavaient coutume de s’identifier dans les ouvrages qu’ils vendaient, ou qu’ils reliaient, à l’aide de ces petits papiers : on y donnait, outre leurs noms et spécialités, leur adresse — et parfois, une description plus détaillée des marchandises ou des services offerts. Ce type d’étiquettes, qui présentent une configuration graphique très variée, fut d’usage courant chez les libraires et relieurs jusque dans les années 1950-1960, et leur usage se vérifie dans un grand nombre de pays et de langues.

Les étiquettes de relieurs et de libraires : un univers méconnu

J.P. Bergon, libraire et relieur, Villeneuve-sur-Lot, France.
Fin du 18e / début 19e siècle.Collection Pierre Rastoul

À ce jour, peu de recherches ont été effectuées dans ce domaine, qui offre pourtant un potentiel documentaire quant à l’histoire du livre qui n’est certes pas négligeable. Il faut dire qu’il n’existe pas beaucoup de collections dans le monde (moins encore au Québec) regroupant ce genre de documents, et que les quelques répertoires existant à ce propos sont généralement assez fragmentaires, peu documentés et assez superficiels dans leur analyse, si tant est qu’il y en eut. Pourtant, à l’échelle mondiale, le nombre même de ce type d’étiquettes laisse songeur : par exemple, un collectionneur allemand a pu réunir plus de 50,000 spécimens de ces étiquettes, pour la plupart émanant de libraires germanophones. Il en existe vraisemblablement autant pour les pays anglophones et francophones, et il s’en trouve aussi beaucoup dans d’autres pays. Ce sont donc des centaines de milliers de documents dont il s’agit, livrant une somme d’informations méconnues sur l’histoire, les métiers et le commerce du livre. À l’échelle du Québec, j’en ai recensé plusieurs centaines, et nul doute qu’il en existe beaucoup plus, surtout si l’on tient compte qu’un même libraire, un même relieur, peut en avoir utilisé de nombreuses variantes durant sa carrière.

Les étiquettes de relieurs et de libraires : un univers méconnu

Les étiquettes de relieurs et de libraires : un univers méconnu
Les habitués du livre ancien sauront que cet usage n’était pas systématique, en ce sens qu’on n’apposait pas ces étiquettes dans tous les livres vendus, ni dans tous les ouvrages confiés à la reliure. En fait, on peut estimer que ce genre de marques se retrouvait, peut-être, dans 10 à 15 % des livres mis sur le marché. Ainsi, sauf exceptions, tout l’inventaire d’un libraire ne recevait pas nécessairement une étiquette, et encore moins dans le cas de relieurs, qui ne signaient pas systématiquement leurs travaux de cette façon – notamment lorsqu’il s’agissait de reliures exécutées en quantités importantes, par exemple pour les reliures de bibliothèques ; en outre, beaucoup de travaux de reliure étaient exécutés dans des ateliers de communautés religieuses, et ces travaux étaient rarement identifiés d’une étiquette.

Par contre, au Québec, on constate que de telles étiquettes se retrouvent très rarement – en fait presque jamais – dans des livres qui ne sont pas reliés, vendus souscouverture papier, et ce, même en qui concerne les étiquettes de libraires. (Dans ce cas, les libraires utilisaient de préférence des cachets estampés à l’encre, disposés sur les gardes ou la page faux-titre des livres habillés de papier. Sur des dizaines de milliers de livres que j’ai pu examiner, je n’ai trouvé qu’une seule fois une étiquette de libraire sur un ouvrage papier – et forcément, on n’y trouve jamais d’étiquettes de relieurs !). Cette observation m’apparaît très révélatrice : en effet, quant à la présence d’étiquettes de libraires seulement dans deslivres reliés, je formule l’hypothèse que le plus souvent, ces étiquettes étaient apposées par les librairesdans des livres qu’ils faisaient reliereux-mêmes, soit en agissant comme intermédiaire auprès d’un relieur, soit dans des ateliers de reliure qu’ils aménageaient dans leurs boutiques. Cela m’apparaît avoir été le cas, à tout le moins, durant tout le 19esiècle et au début du 20e, après quoi cet usage a pu persister à titre d’affichage publicitaire – et encore là, toujours dans des livres reliés.

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