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Le danger terroriste au Maghreb

Publié le 07 mai 2011 par Alex75

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Aux nations de l'Islam au Maghreb, celles de la résistance et du Djihad, voici que vos enfants s'unissent sous la bannière de l'Islam et du Djihad, contre les Etats-Unis, la France et l'Espagne, et entreprennent de nettoyer nos terres de leurs esclaves : Mouhammar Kadhafi, Zin-el-Abadine Ben Ali, Abdelaziz Bouteflika et Mohammed VI“. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, cette proclamation appelant à renverser les dictateurs du Maghreb, n'est pas liée à l'actualité immédiate. Elle a été rédigée en 2007 et son auteur, n'est autre que le numéro deux d'Al-Qaïda, Al-Zaraoui, le second d'Oussama Ben Laden, qui rendait ainsi hommage au créateur d'Aqmi. Cette organisation qui fait régner la terreur dans le Sahel et qui a procédé à plusieurs prises d'otages, dont celle où deux jeunes Français ont trouvé la mort, au Niger. Mais alors qu'un attentat a ensanglanté Marrakech, quels sont risques pour le Maroc, à l'heure actuelle ? Quelles sont les faiblesses de la vieille monarchie allaouite, les risques d'aggravation ? Quel danger représente réellement Aqmi et les salafistes pour le Maghreb, en général ? Une question qui est soulevée parmi d'autres, d'autant que les révolutions démocratiques qui viennent de secouer le monde arabe, peuvent être aussi interprétées comme une défaite des thèses islamistes.

Le Maroc se trouve confronté à un certain nombre de crises et de défis : terrorisme avec les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca, d'avril 2011 à Marrakech, émeutes sociales de Sidi Ifni, en 2008. L'économie marocaine est étroitement liée au tourisme. Par ailleurs, la très forte présence de l'économie informelle et la faiblesse du taux d'investissement apparaissent comme ses principaux points faibles. Le Maroc est aussi une grande puissance maritime. Cela faisait des années, qu'aucun attentat aussi spectaculaire n'avait été perpétré au Maroc, mais aucun mouvement extrémiste marocain ne semblait avoir manifesté de telles intentions. Par ailleurs, le Roi a récemment remis en liberté quelques prisonniers politiques et des personnalités associées au terrorisme. On pourrait avancer qu'Aqmi ait souhaité semer le trouble, réveillant le spectre endormi du terrorisme. Le Maroc est resté relativement épargné par les révoltes secouant le monde arabe,  à l'exception de quelques manifestations. Le mouvement du 20 février réclamant plus de démocratie et de justice sociale, a agité plusieurs villes, dont Casablanca, où la répression a fait des dizaines de blessés. Le roi Mohammed VI avait annoncé d'importantes réformes démocratiques, allant notamment vers un renforcement des pouvoirs du Premier ministre et “l'élargissement des libertés individuelles”.

Il est certain que cet attentat portera un coup, à la manne touristique, dans une certaine mesure. Cette attaque pourrait aussi geler les réformes entreprises. Mais selon certains spécialistes, la monarchie et le mouvement du 20 février, devraient former une union sacrée contre le terrorisme. Le Maroc est plus stable que ses pays voisins. Le Maroc a la chance d'avoir un jeune Roi, qui est une personnalité, une figure très populaire, et qui a réussi l'achèvement de la politique de son père. Mohammed VI est dans une phase de grand renouvellement. Il a appelé les gens de sa génération au pouvoir, et il a créé, ces dernières années, des instances régionales, permettant localement à des jeunes élites de passer aux affaires. Alors qu'auparavant, tout redescendait du Palais, par le biais des gouverneurs locaux, ce qui est important sur le plan intérieur. Mais le danger serait peut-être, pour Mohammed VI, d'aller plus loin, ce qui risquerait dans l'immédiat de mettre en péril, l'architecture même de l'Etat royal marocain. C'est une problématique actuelle importante. Le Roi conserve son rôle de Commandeur des Croyants, aspect religieux, mais on le pousse aussi à abandonner son rôle politique, notamment son cousin. Un courant ultra-gauche n'ose pas attaquer directement le Roi, qui est populaire au Maroc, mais essaye de rogner ses pouvoirs, dans une forme de subversion. On essaye de le faire aller plus loin, non seulement dans les réformes nécessaires, mais aussi dans l'évolution constitutionnelle. Car il est à la fois chef de guerre, chef spirituel, chef du peuple, et il est à la confluence de toutes les tribus du Maroc. Il fait la synthèse. Mais c'est un élément, car le corps social marocain est particulier.

Le danger terroriste au Maghreb

Il y a deux grandes faiblesses au Maroc. La première faiblesse, c'est le nombre important de ses diplômés chomeurs - comme en Tunisie -, et des gens de grande qualité. Les enseignants marocains sont formés. Et comme le Maroc n'a pas opéré sa transition démographique, il y a une surpopulation, avec trop de dipômés chomeurs aussi. Deuxièmement, il y a les immenses inégalités sociales. D'un autre point de vue, presque moral, il y a aussi le problème d'un tourisme jet-set, particulièrement envahissant.  La présence de toute cette nomenclatura, suscite des réactions et de l'hostilité, car l'on est pas très porté sur le badinage moral et le laxisme vestimentaire dans la région de Marrakech, en particulier. Le Maroc est un pays qui se tient, et les étrangers se comportent souvent mal, ce qui est mal perçu.  De plus, l'achat massif de riads par les Occidentaux a fait bondir les prix de l'immobilier. Une étude récente de 2008 établit que près de 35 000 Français sont installés à Marrakech, en particulier des retraités. Cette ville est depuis toujours une obsession pour les djihadistes salafistes, symbole de débauche, où a eu lieu ce sanglant attentat, qui a fait seize morts, dont huit Français. Le café Agrana était à cet effet, un symbole. Et un certain discours rencontre un succès évident, dans la rue à Marrakech, sur fonds de misère sociale. Mais le Maroc reste l'Etat  le plus solide de la région, vieil Etat-nation - dirigé par la vieille dynastie des sultans alaouites, depuis 1664, etc. A titre de comparaison l'économie tunisienne voisine repose aussi sur le tourisme. La Tunisie était presque arrivée à un niveau de développement comparable, à certains pays d'Europe du sud, avant les évènements. Mais elle vient de faire un bonds en arrière, l'industrie touristique s'étant effondrée et le PIB ayant chuté vertigineusement. La conjoncture économique faisait qu'il y avait tout de même une problème de chomage, qui a créé les conditions de l'explosion.

Le problème de la Tunisie, comme le Maroc, c'est que ce sont des élites qui sont trop formées, avec toute une génération qui est éduquée, des diplômés, qui sont chomeurs sur le marché du travail. En Algérie, par exemple, le problème se pose moins. La transposition de la démocratie et de nos modèles de développement créent la pagaille. On crée des bacheliers, puis des diplômés, là où il n'y a pas de travail, comme l'analysait récemment Bernard Lugan. Ce sont des gens déracinés, aigris, et des gens dangereux pour le régime, en cas de révolution. La Tunisie et l'Egypte étaient d'ailleurs deux sociétés dirigées par deux vieux dictateurs, en mauvaise santé, qui étaient tous deux sous l'emprise de leurs clans, de leurs familles ou de leurs belles familles. Ce n'est pas le peuple, mais la petite bourgeoisie urbaine qui a fait le mouvement. En Egypte, dans ce pays à cheval sur l'Afrique et le Moyen-orient, le peuple des fellahs n'est pas descendu. Nassérien, nationaliste, il ne s'est guère manifesté. En Tunisie, le peuple n'était pas réellement de la partie. Les revendications étaient bourgeoises. La Tunisie et l'Egypte se ressemblent en ce sens, en présence de vieux dictateurs, soutenus, puis trahis par l'armée. Mais les dangers de la démocratisation et de la subversion islamiste, ne sont pas les mêmes dans les deux pays. Pour se recentrer sur le Maghreb, l'Algérie voisine est une cleptocratie, avec l'armée au pouvoir depuis 1962, avec quelques périodes d'alternance. L'Etat algérien, les élites sont corrompus. Il y a des revenus considérables, avec les hydrocarbures. Le gouvernement ne fait rien pour le peuple, mais l'Algérie n'est pas endettée, riche en devises. Ce qui permet à l'Etat d'acheter la paix sociale, tous les quatre - cinq ans, en réprimant puis en donnant de l'argent. Car ce sont des émeutes de la faim. Mais il faut dire que le spectre de la récente guerre civile, est toujours dans tous les esprits, contenant certains débordements de ce terrorisme sanglant, qui fut d'ailleurs manipulé par le pouvoir. Les Algériens aspirent avant tout à la paix et la concordance civile.

Mais il y a toutefois une raison d'espérer. Le printemps arabe tel qu'il se développe en Tunisie, est aussi une défaite de l'islamisme, tel que le conçoit Al-Qaïda. Au Maroc, le tourisme pourrait être de nouveau visé. Personne ne peut être catégorique. Mais ce pays reste parmi les plus stables de la région, avec la Tunisie et son régime est le plus solide. Et cette volonté de démocratisation, sous cette forme toutefois, va exactement à l'encontre de la stratégie islamiste…

   J. D.


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