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Grèce, Irlande, Portugal : ce que risque la France

Publié le 09 mai 2011 par Lecriducontribuable
Le Premier ministre grec George Papandreou et le directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn

Quand la dette publique d’un pays atteint 100 % du PIB, une augmentation des taux d’emprunt de 4 % à 14 %  accroît le déficit public de 10 % du PIB chaque année. Sa dette devient insoutenable et la situation financière irrémédiable. La Grèce, dont la dette publique approche 150 % du PIB, vient de connaître des taux de 14 % pour ses nouveaux emprunts. L’Irlande et le Portugal font le maximum pour les éviter : ils acceptent des prêts de l’Europe et du Fonds Monétaire International, (FMI) assortis de conditions draconiennes, pour remplacer les prêts aux taux trop élevés que demandent les marchés financiers internationaux.

Si la France ne réagit pas aussi vigoureusement que l’Allemagne il y a dix ans et le Royaume-Uni depuis un an, elle se retrouvera dans une situation comparable à celles de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal.

La plus importante dépense publique étant la rémunération des fonctionnaires, les trois pays l’ont fortement réduite. Le Portugal a gelé globalement toutes les embauches de fonctionnaires : toute administration qui embauche ne peut embaucher que des fonctionnaires d’une autre administration. Il a diminué leurs salaires de 3,5 % à 10 % suivant le niveau. Il a baissé les budgets des ministères de 10 à 13 % pour la Défense, l’Education, la Justice, les Affaires étrangères. En Irlande les salaires publics ont été réduits de 14 %  et les pensions publiques de 4 %. Aucun salaire public ne peut maintenant dépasser 250 000 € par an. Le nombre de fonctionnaires va être réduit de 25 000. En Grèce les salaires publics ont été réduits de 15 % et les pensions publiques de 10 %. Le nombre de fonctionnaires va passer de 800 000 à 650 000 en 2013.

Dans les trois pays les dépenses dites « sociales », qui sont le deuxième poste des dépenses publiques,  ont été réduites. Au Portugal, les minima dits « sociaux » ont été réduits de 20 %, les allocations familiales ont été réduites de 25 % pour les bas revenus et supprimées pour les hauts revenus, 4000 bourses d’étudiants ont été supprimées, les pensions ont été gelées, y compris les plus basses (à 246 € par mois). Pour réduire les fraudes et renforcer les contrôles, l’accès aux comptes bancaires des bénéficiaires d’allocations (chômage, famille, minima dits « sociaux », etc)  a été ouvert aux administrations. En Irlande les allocations familiales ont été réduites de 10 € par enfant et par mois, soit de 7 %. En Grèce, les 13e et 14e mois de retraite ont été supprimés, soit une baisse de 14 %, l’âge de départ en retraite des femmes a été reculé de 5 ans à 65 ans.

Les impôts ont été augmentés, notamment ceux qui rapportent le plus, les impôts indirects. Au Portugal le taux normal de TVA  passe de 20 à 23 %. En Irlande ce taux va passer de 21 % à 24 % en 2014 et en Grèce de 19 à 23 %. Pour mieux assurer les contrôles, les Grecs doivent fournir des reçus pour toutes leurs dépenses.

Des privatisations ont été décidées. Au Portugal la Poste, la compagnie aérienne TAP, le reste du capital public du réseau électrique portugais (REN) et du groupe électricien EDP seront privatisés. La Grèce prévoit 50 Mds € de privatisations, soit l’équivalent pour la France de 440 Mds € : les chemins de fer, la majorité de la production et de la distribution électrique, de très nombreux terrains publics vont être privatisés.

Des investissements publics ont été supprimés : au Portugal, le métro de Porto, le troisième pont sur le Tage, le nouvel aéroport de Lisbonne, le TGV Madrid-Lisbonne.

Le droit social va être revu. Par exemple les entreprises grecques pourront sortir des conventions collectives. Les protections fournies à certaines professions seront supprimées, comme celles des camionneurs grecs. Le salaire minimum portugais a été gelé, l’irlandais a été baissé de 12 %.

Ces plans rigoureux d’économies sont réalisés par des gouvernements socialistes en Grèce et au Portugal. En Irlande, les travaillistes participent à la coalition au pouvoir.

Les trois pays ont subi des baisses importantes de leur PIB : 10 % pour l’Irlande, 12 % pour le Portugal, 14,5 % pour la Grèce. Si bien qu’aucun de ces pays n’est pour le moment tiré d’affaire. Dominique Strauss-Kahn s’était dit « admiratif de l’extrême rigueur choisie à Athènes ». Et pourtant le plan grec de 2010 va être encore renforcé le 16 mai 2011. Quand un pays commence à perdre la confiance des prêteurs, il entre dans un cercle vicieux : des plans successifs d’austérité sont lancés, l’activité baisse, les impôts rentrent moins, les prévisions de baisse des déficits  ne sont pas réalisées, la confiance s’effrite.

Si elle veut éviter le sort peu enviable de ces pays, la France devra faire plus d’efforts financiers qu’elle n’en fait actuellement. De 2009 à 2013, la France prévoit d’augmenter ses dépenses publiques de 10 % ; l’Irlande prévoit de les baisser en quatre ans de 11 %. Le gel du point d’indice des salaires des fonctionnaires français n’empêchera pas ces salaires d’augmenter de 3 à 4 % par an, du fait des mesures catégorielles ou individuelles. La règle du « non-recrutement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, avec reversement aux fonctionnaires de la moitié des économies » devait procurer à l’Etat 400 M € d’économies par an. La Cour des comptes a signalé que les économies réalisées étaient inférieures à 200 M €. La France ne réduit pas ses investissements publics. Au contraire elle multiplie les « investissements d’avenir ». Au lieu de privatiser ses entreprises, l’Etat crée un fonds public de 20 Mds € pour prendre des participations dans des entreprises privées. Aucune allocation dite « sociale  » n’a été réduite ; on en prévoit même de nouvelles pour les personnes âgées dépendantes. A chaque discours du Président de la République on constate son allergie aux économies. Le terme de rigueur a même été proscrit. Et une année préélectorale n’incite pas aux efforts budgétaires. La France aura donc perdu deux ans sur le Royaume-Uni pour lancer un véritable plan d’économies.

Pour éviter la spirale infernale dans laquelle se lamentent Grecs, Portugais et Irlandais, les futurs dirigeants français de 2012 feraient bien de prévenir leurs compatriotes : la France ne pourra échapper en 2012 à des économies au moins aussi rigoureuses que celles que subissent actuellement les Britanniques.

Alain Mathieu, président de Contribuables Associés.

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