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Lettre de Luce Lapin aux responsables politiques de gauche qui n'en ont rien à cirer des animaux

Publié le 13 mai 2011 par Taomugaia

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Luce Lapin est affligée par le désintérêt, c'est un euphémisme, du camp de la gauche de gouvernement vis-à-vis de la condition animale. Elle a a adressé une lettre ouverte remarquable à quelques uns de ses représentants les plus connus (Aubry, Ayrault, Hollande, Duflot etc).
Je prends l'autorisation de la publier in extenso car elle vaut le détour et je sais que parmi les lecteurs de ce blog, il y en a qui sont fidèles au PS, militent chez EELV ou s'apprêtent à rejoindre N.Hulot.
Ce serait bien, pour les sans-voix, qu'ils relaient le message que Luce lapin fait passer. 
Tout est là : http://www.charliehebdo.fr/corrida 

"Je me permets, en tant que journaliste de l’hebdomadaire Charlie Hebdo, rédactrice depuis dix-huit ans de la chronique de défense animale « Les Puces », de vous alerter sur un sujet de société dont vous ne semblez pas, malgré les nombreux messages d’information délivrés à votre attention par les associations de protection animale engagées dans la lutte contre la corrida en France, mesurer l’importance, grandissante, galopante.
Le monde politique de gauche va pourtant devoir sérieusement prendre en considération ce qui est en passe de devenir — si ce ne l’est déjà — un enjeu électoral. Car l’abolition est en marche. En Europe (Espagne, France, Portugal), mais aussi en Amérique du Sud.

Rappel des faits. Vendredi 22 avril, en pleine feria d’Arles, André Viard, président de l’Observatoire national des cultures taurines, ancien matador qui a peint une toile, Minotaure, avec le sang d’un taureau qu’il a lui-même tué (romantique), apparaissant, ô surprise, comme s’il était le porte-parole du gouvernement des aficionados Fillon et Sarkozy, a déclaré que le ministère de la Culture (oui, la « Culture »…) avait donné son accord en janvier dernier pour que la corrida soit inscrite sur la liste du patrimoine culturel immatériel français. Dans l’objectif, seconde étape, de son inscription au patrimoine de l’Unesco.
Il apparaît ainsi qu’en France la priorité, ce n’est pas la crise économique. Ce n’est pas le chômage, ni la pauvreté, ni la baisse du pouvoir d’achat, ni les expulsions, ni les SDF, ni la régularisation des sans-papiers, ni la lutte contre le racisme, grandissant et inquiétant. Non. Le plus important, c’est d’immortaliser la torture d’un herbivore à l’arme blanche dans un patrimoine mondial, afin de préserver de l’abolition, déjà votée en Catalogne espagnole le 28 juillet 2010 (effective le 1er janvier 2012), cette barbarie d’un autre âge. La corrida tout comme la tarte Tatin, le fest-noz, la tapisserie d’Aubusson et les parfumeurs de Grasse. Maintenant entachés du sang des taureaux.

Quelles réactions politiques compte-t-on, deux semaines plus tard ? Celles de Muriel Marland-Militello (UMP) et Geneviève Gaillard (PS), les deux courageuses députées qui ont déposé, mi-juillet 2010, la proposition de loi n° 2735 visant à annuler l’alinéa 7 de l’article 521.1 du Code pénal — proposition dont on attend toujours qu’elle soit mise à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale. Une cinquantaine de membres du Groupe d’études parlementaire « protection des animaux » (Geneviève Gaillard, présidente, Muriel Marland-Militello, vice-présidente, Armand Jung, vice-président) ont « [exigé] du Ministre, Monsieur Frédéric MITTERRAND, le retrait immédiat de cette inscription inique […] ». Celle d’Éric Besson — que l’on ne présente plus, selon la formule consacrée —, qui, poussé dans ses retranchements, a fini par déclarer qu’il n’aimait pas la corrida (sur France 2, le 30 avril, « On n’est pas couché »). Celle d’Henriette Martinez, députée UMP des Hautes-Alpes, qui, dans Le Dauphiné Libéré du 30 avril, rappelle que 66% des Français (donc des Français en âge de voter) sont contre la corrida — 71% dans le Gard, région taurine… par excellence et par « tradition ». De qui d’autre ? De l’extrême droite.

Les animaux font partie intégrante de notre société, mais les politiques ont du mal à l’entendre. Depuis déjà longtemps, j’ai envie de dire depuis toujours, la gauche, d’une façon générale, se désintéresse complètement de ces êtres reconnus sensibles (article L214 du Code rural), et de leur souffrance. Ce manque, ce défaut, cette brèche, n’échappe pas au Front national.
Sa présidente n’a pas manqué, ce 5 mai, sur LCI, de s’y engouffrer : « La présidente du Front national, Marine Le Pen, a jugé “très critiquable” l’inscription au patrimoine culturel immatériel national de la corrida, en estimant que la tauromachie n’est qu’une tradition locale. “Cette décision heurte de surcroît nombre de Français qui, sans remettre en cause l’existence de cette tradition, sont interpellés par la souffrance animale”, ajoute-t-elle. » Analyse facile : Marine Le Pen critique l’inscription au patrimoine, mais ne condamne pas la corrida pour autant, ce qui lui permet de jouer sur les deux tableaux. D’une part, de se ranger du côté des anticorrida, espérant ainsi capitaliser un élan de sympathie bénéfique à son parti, mais uniquement sur ce point précis. Et, d’autre part, de ne pas se couper de ce qu’elle croit être son électorat en ne se déclarant pas pour l’abolition, que de toute façon elle ne souhaite pas. Point important, et même capital : Mme Le Pen reconnaît « la souffrance animale », niée sans vergogne par bon nombre de toreros, de matadors, d’aficionados et même, encore plus scandaleux, par quelques vétérinaires… et politiques, de tout bord.
Certes, Marine Le Pen soutient les chasseurs, elle fut à leur côté il y a quelque temps dans une de leurs manifestations. Mais les animaux chassés et ceux qui sont toréés ne sont pas systématiquement, je le déplore mais le constate, l’objet de la même compassion.

Je vous prie de bien vouloir mesurer les graves conséquences qui ne manqueraient pas de résulter si la gauche abandonnait la défense animale à l’extrême droite, et espère prochainement un signe rassurant et encourageant de votre part. Je suis bien volontiers à votre disposition pour en parler et vous rencontrer si vous le souhaitez.

Je vous remercie de l’attention que vous avez bien voulu accorder à ces propos dont la sincérité, du moins je l’espère, ne vous échappera pas, voire vous touchera, et assure de ma profonde confiance ce peuple de gauche qui est le mien."


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