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Une mémoire oubliée ?

Par Borokoff

A propos de Revolución de Mariana Chenillo, Patricia Riggen, Gael García Bernal, Diego Luna… 3.5 out of 5 stars

Une mémoire oubliée ? (en attendant Godot)

A l’occasion des cent ans de la Révolution mexicaine (Novembre 1910-Mai 1911), dix cinéastes mexicains se sont interrogés sur les traces douloureuses mais éparses laissées dans l’inconscient collectif par cette Révolution et la guerre civile qui s’ensuivit …

Que retenir de ces dix courts-métrages très panachés ? Qu’ils sont bien sûr inégaux et que chacun les appréciera différemment, mais qu’il y a assez d’énergie créatrice et d’originalité en eux pour qu’ils méritent que l’on s’y attarde.

La guerre civile sanglante de dix ans qui suivit la Révolution mexicaine coûta la vie à entre 500 000 et un million de Mexicains, laissant un goût immense d’inachevé et de gâchis.

C’est le premier sentiment que procurent ces dix courts-métrages. Le sentiment d’inachevé. Dans chaque scénario, la chute met soit brutalement fin à la scène du héros en pleine réalisation de lui-même soit en laissant planer une attente pleine de frustration chez lui, tantôt de déception tantôt de résignation.

Une mémoire oubliée ? (en attendant Godot)

Dans La Bienvenue (La Bienvenida), de Fernand Eimbcke, film en noir et blanc, un joueur de cor corpulent d’une fanfare de San Felipe Otlaltepec, bourg perdu, attend indéfiniment et en suant un invité prestigieux qui n’arrivera pas. Ebauche de l’humour absurde qui marque ces dix courts métrages.

Dans A notre bien-aimé (Lindo y Querido) de Patricia Riggen, un vieux Mexicain meurt aux Etats-Unis mais demande à sa fille comme dernière volonté d’être enterré sur son sol natal, ce qui va obliger cette dernière à maquiller le cadavre en vivant assoupi capable de passer la frontière. A son arrivée dans son village natal, le défunt est célébré en héros car il a toujours envoyé de l’argent à son village. Seuls souvenirs de la Révolution qu’il restait au mort : un pistolet et une photo de son père que l’on enterra avec lui…

Le prêtre pendu (El Cura Nicolas Colgado) d’Amat Escalante est une vraie curiosité et l’un des meilleurs courts de la sélection. Soit une épopée bizarre et buñuellesque en noir et blanc où deux enfants qui ont sauvé la vie à un prêtre pendu par les pieds à un arbre dans le désert finiront par atterrir… dans un McDonald !

Dans Ceci est mon royaume (Este es mi reino) de Carlos Reygadas, film documentaire, des Mexicains de toutes couches sociales se rassemblent dans un village pour une orgie aux allures de catharsis collective où ils détruisent à coups de pierre et dans le feu une voiture garée au milieu d’un champ… Tout un programme !

Une mémoire oubliée ? (en attendant Godot)

Le film le plus cruel mais aussi le plus touchant est sans doute Le magasin de l’hacienda (La tienda de raya) de Mariana Chenillo, dans lequel une caissière de supermarché, séduite par un collègue, souhaite à tout prix refaire sa dentition désastreuse mais pour cela manque de liquidités. Avant la Révolution, les patrons avaient l’habitude de payer leurs employés avec des bons échangeables uniquement dans leurs magasins, connus comme les « Magasins d’Etat ». Ces mêmes méthodes existent encore dans certains magasins, pour le plus grand malheur de la jeune femme qui, faute de pouvoir payer son dentiste, restera seule…

Citons pour terminer les excellents 30/30 de Rodrigo Plá et 7th street & Alvarado de Rodrigo García. Dans le premier, une cérémonie en hommage au petit-fils d’un héros de la Révolution tourne à la mascarade et à l’autopromotion pour le maire d’une petite bourgade. Dans le second, des héros de la révolution surgissent à cheval et au ralenti dans la 7ème Avenue de Los Angeles…

Programme hétéroclite donc pour ces dix courts métrages où une certaine attente contemporaine (liée à l’absurde) renvoie à une Révolution qui fut d’abord synonyme d’espoir puis de désillusion. Dix cinéastes inquiets que la mémoire mexicaine ne s’étiole et ne s’oublie. Menacée de disparition…

www.youtube.com/watch?v=XGu-oG1WvVo


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