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METROPOLITAN OPERA (MET), DIE WALKÜRE de R.WAGNER, le 14 mai 2011 au cinéma (Dir.Mus: James LEVINE, Ms en Scène: Robert LEPAGE avec Jonas KAUFMANN, Eva Maria WESTBROEK, Deborah VOIGT et Bryn TERFEL)

Publié le 15 mai 2011 par Wanderer

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J’ai donc voulu revoir le spectacle, cette fois-ci sur grand écran. Il s’agissait pour moi de mesurer la distance entre la salle et l’écran et de revoir la mise en scène. Tout d’abord, il faut souligner l’incroyable succès de l’entreprise, de très nombreuses salles de cinéma en France affichaient complet. C’est dire l’intuition de Peter Gelb, le manager du MET, qui a compris tout ce que la retransmission en direct de l’ensemble de la saison allait apporter au MET en termes de notoriété, d’image, et sans doute aussi de finances (En France, le billet est quand même à 27 Euros). Quand on pense que des centaines de salles à travers le monde retransmettent en même temps le spectacle  (qui commence à midi à New York), on imagine le nombre de spectateurs et les effets induits sur l’attrait de l’opéra. D’autres opéras ont commencé à s’y mettre, avec trois ans de retard, alors que l’opération MET est installée désormais dans les habitudes. De l’efficacité américaine…

Et il faut dire que le spectateur sort satisfait: plus cinq heures de spectacle, les entractes animés par Placido Domingo (qui était Siegmund en 2008 lors de la dernière du Ring précédent) et Joyce di Donato, des reportages sur les musiciens,des interviews de sortie de scène des chanteurs, un long reportage sur Placido Domingo répétant Simon Boccanegra avec James Levine . Bref, une vraie machine à montrer que le MET c’est le must en matière d’opéra.Ce qui fascine dans ce type de retransmission,c’est la vitalité, le côté cool de l’ambiance induite, Placido Domingo va même jusqu’à demander aux spectateurs de faire des dons au MET pour ce programme HD. Cela amène tout de même à réfléchir sur l’avenir des opéras, et notamment des plus petites salles: si tous les grands théâtres s’y mettent, et cela semble en prendre le chemin, vu le succès de l’opération MET, les collectivités ou l’Etat n’en profiteront-ils pas pour réduire encore plus la voilure lyrique? Car rien de plus facile que de mobiliser les cinémas. Plus facile et moins cher en tous cas que de monter un spectacle et d’entretenir un opéra.

Mais rien ne remplace évidemment la respiration d’une salle, le contact physique avec les artistes, l’acoustique authentique plutôt que le son digital. Et ce soir, où le deuxième acte a été lourdement perturbé par des interruptions et de nombreux problèmes de transmission, nous avons touché du doigt les limites de l’exercice. Mais si rien ne remplace la présence au théâtre, il est clair que l’ersatz, malgré les problèmes techniques, n’est pas à mépriser, bien au contraire car bien des impressions vécues en salle se sont vérifiées à cette seconde audition. D’abord, nous avons entendu James Levine, alors que dans la salle malheureusement, nous avions eu droit à l’assistant- à cause d’une maladie passagère du chef -. Il est vrai que les grandes lignes et l’architecture de la direction ne différaient pas, j’ai pu le vérifier ce soir, et qu’on constate les mêmes problèmes: un premier acte trop lent,  qui force les chanteurs à respirer différemment, à appuyer les notes, à tenir un tempo qui s’étire et qui ne favorise pas la montée de l’énergie et du désir, ce crescendo passionnel qui caractérise la seconde partie du premier acte. Deuxième et troisième actes sont vraiment magnifiques, avec des moments d’exception notamment l’entrée du coupe Siegmund/Sieglindeou deuxième acte, la chevauchée des Walkyries avec un ensemble très bien chanté et toute la scène finale. Levine fait entendre l’orchestre, on en perçoit plein de détails. Du beau travail et une interprétation qui tout en restant sans surprise, peut satisfaire les plus exigeants. Le public du MET fait toujours, après 40ans, des ovations titanesques au chef, mais d’autres mélomanes ne le supportent pas, l’accusent de routine, et certains musiciens le critiquent également. Pour ma part, j’ai aimé ces premiers enregistrements (Vespri Siciliani, qui reste pour moi une référence), je trouve que son Wagner n’est pas aussi inventif que celui de Boulez, pas aussi lyrique qu’Abbado, pas aussi varié que Barenboim, mais c’est un travail classique, solide, très symphonique, que je préfère à celui de Thielemann par exemple.
Du point de vue du chant, on n’a que la confirmation de ce que j’écrivais dans mon précédent compte rendu (du 6 mai dernier) à savoir que vocalement, je me demande bien si on peut trouver mieux, notamment pour Westbroek, Kaufmann, Terfel, Blythe. Stéphanie Blythe est impressionnante: pur produit du MET , elle fait partie de ces chanteuses sûres, très bonnes techniciennes, formées à l’école américaine et dotée d’une voix puissante. J’aimerais l’entendre dans Verdi: elle va chanter en prise de rôle Amnéris la saison prochaine.

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Bryn Terfel  est vraiment stupéfiant de sûreté lui aussi: un chant vibrant, des aigus triomphants, une puissance rare, il distance tous les Wotan actuels. Quant à Eva Maria Westbroek et Jonas Kaufmann ils sont d’une intensité rare.S’ils n’ont pas l’urgence passionnelle d’un Peter Hoffmann et d’une Hannelore Bode (ou Jeanine Altmeyer) chez Chéreau, ou l’énergie lyrique d’un Domingo ou d’une Waltraud Meier,  ils sont sublimes de tendresse et montrent une sorte de fragilité bouleversante. Hans Peter König est un Hunding certes un peu brutal, mais en même temps humain avec une voix d’une incroyable chaleur. L’impression produite par Deborah Voigt est moins négative qu’en salle, même si le deuxième acte n’est quand même pas convaincant, son troisième acte est vraiment réussi, comme lors de la représentation à laquelle j’ai eu le bonheur d’assister. Il reste que les attitudes scéniques, les regards et certaines intonations n’emportent pas l’adhésion.

Quant à la mise en scène, si globalement je reste impressionné par la performance, mais moins convaincu des options globales de mise en scène (il ya des moments qui tirent en longueur et où il ne se passe pas grand chose), la prise de vues, qui cerne essentiellement les chanteurs, en gros plan, laisse voir des gestes, des regards, des attitudes qui montrent la précision du travail de Lepage, de manière plus évidente et plus fouillée que l’impression que  laissait la représentation en salle.Mais c’est encore une fois le décor protéiforme qui stupéfie, et la vidéo accentue même quelquefois l’illusion.
L’image finale reste bouleversante.

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Voilà donc une entreprise qui va marquer sans nul doute les esprits, et la grandeur musicale incontestable de ces représentations, qui ont été un peu perturbées par des maladies diverses (Westbroek, Levine), la puissance des images à la Tolkien, tout cela va alimenter la légende du MET…et provoquer l’envie d’en voir plus la saison prochaine en novembre (Siegfried) ou en février (Götterdämmerung) ou en avril/mai (Ring complet).

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