Magazine Culture

Lire en coree

Publié le 16 mai 2011 par Abarguillet

LIRE EN COREE

Lire entre Pyongyang et Séoul

Après une longue traversée de l’immensité chinoise, nous rejoignons la Corée et, à dessein, nous conserverons le singulier car il n’y a aucune raison valable pour évoquer deux Corée, en littérature au moins. Il serait tellement dommage de chercher des lignes de fracture dans cette littérature tellement riche qui puise désormais abondamment dans l’immense souffrance que ce pays a connue et connaît encore, au nord. La souffrance n’est ni du sud, ni du nord, elle est pour les pauvres Coréens qui ont subi l’invasion japonaise, les dictateurs, aussi fous au sud qu’au nord. Et, si Hwang Sun-Won évoque les malheurs des paysans du nord lors de la réforme agraire, Hwang So-Yong, lui, nous parlera des malheurs des pauvres étudiants et ouvriers qui voulaient lutter contre la dictature au sud. Et, comme si la misère n’était suffisante en Corée, Chang Rae-Lee est allé en chercher un supplément sur les champs de bataille du Sud-est asiatique avec les Coréens de la diaspora émigrés aux Etats-Unis. Pour visiter ces différentes faces de la littérature coréenne, nous voyagerons avec Kim Won-Il comme Monsieur Lee a voyagé dans le roman de cet auteur.

Le voyage de Monsieur Lee

Kim Won Il (1942 - ….)

Quand Monsieur Lee rencontre Choi, c’est Ouranos qui rencontre Chthonos, le nomade qui rencontre le sédentaire, le yang qui se confronte au yin, l’activité qui s’oppose à la tranquillité. En effet, Lee, trop pauvre pour vivre dans son village, quitte son pays pour un long périple qui le conduira de Mandchourie en Sibérie puis en Chine pour un long voyage et enfin au Japon avant de revenir en Corée, à Ipam, où il se fixe définitivement auprès de la femme du bistrot. Ce long périple, qui ne l’a point enrichi, lui a valu mille misères pour mille aventures, la faim, le froid, la guerre, la mort des compagnons, la torture, l’errance, … avant de connaître un peu de repos auprès de la veuve qui l’a accueilli dans sa couche. Mais à présent, il sent son corps se décomposer et la mort rode dans ses nuits d’insomnie, alors il décide d’organiser sa postérité en choisissant le lieu de son tombeau avec le concours de son ami Choi le géomancien qui lui n’a jamais quitté son village où, en bon fils aîné, il a cultivé la terre de ses ancêtres malgré son désir de voir le monde.

A travers la rencontre de ces deux personnages, Kim aborde le thème du sens de la vie et du bilan que l’on fait au moment de partir pour l’autre monde. Il explore les deux possibilités : une vie d’errance et de quête où le plaisir a plus de place que l’effort mais où la douleur et la souffrance ont, elles aussi, une place non négligeable, et une vie paisible de labeur et de dévotion sur la terre des ancêtres. Les deux solutions laissent leur part de frustration et d’inquiétude et la rédemption n’est pas acquise à priori. Le passage dans le monde des morts fait aussi partie de la vie, « mourir, c’est seulement changer de façon de vivre », et il faut trouver le bon chemin vers un monde meilleur mais quel est-il, celui de Bouddha ou celui de Jésus ou ni l’un ni l’autre ? Lee et Choi s’interrogent sur le sens de leur vie et sur l’avenir de leur âme à travers les expériences qu’ils ont vécues, les souffrances qu’ils ont endurées, les efforts qu’ils ont consentis mais aussi les péchés et les fautes qu’ils ont commis.

Lee et Choi peuvent aussi être considérés comme le symbole de la Corée divisée en deux, le Sud, Lee plus enclin à l’ouverture sur le monde et aux plaisirs malsains qu’on y rencontre et le Nord, Choi solidement ancré et enfermé dans son territoire où il n’est pas capable de faire vivre ses enfants. C’est l’histoire de toutes les souffrances subies par la Corée depuis les guerre d’indépendance avec l’invasion, la guerre à nouveau et la partition qui séparent les Coréens comme la destinée qui éloigne ces deux êtres qui ne peuvent se séparer mais que tout oppose.

Les sombres feux du passé  de Chang-Rae Lee  ( 1965 - ... )

Très belle lecture que ce livre de ce Coréen émigré aux Etats-Unis qui raconte l'histoire d'un autre Coréen qui s'est installé lui aussi en Amérique après la guerre de 1945 et qui a fait tout ce qu'il convient de faire pour s'intégrer dans sa nouvelle patrie et devenir un citoyen américain respectable. Mais tout dérape quand sa fille adoptive, qu'il n'a sans doute pas su élever, en la gâtant trop, quitte la maison pour rejoindre ses amis marginaux.

Hata, notre Coréen, perd peu à peu pied et détruit sa maison, le symbole de sa réussite américaine et surtout le symbole de son triomphe sur son passé qu'il avait tenté d'oublier mais qui le rattrape au moment où sa fille fuit. Il se souvient du rôle qu'il a joué dans un hôpital militaire où des filles indigènes étaient offertes aux soldats envahisseurs.

Un livre sur l'émigration et l'insertion mais surtout sur la culpabilité et la rédemption.

Les descendants de Caïn de Hwang Sun Won

Né en Corée du Hwang Sun-Won est l’une des figures majeures de la littérature coréenne, il l’est l’un des témoins privilégiés des bouleversements sociaux et économiques qui ont affecté le pays au cours du siècle dernier. Dans ce roman, il raconte la vie d’un jeune propriétaire qui hésite à fuir vers le sud car il est follement épris de la fille de son intendant, mais il ne sait pas faire face à cet amour ni comment approcher la belle.

C’est aussi l’histoire de la Corée du nord qui bascule dans le stalinisme et de la réforme agraire qui risque de poser bien des problèmes à ce jeune propriétaire. Un document très intéressant sur toutes les vicissitudes qui ont accompagné ce changement politique et sur la fracture qui partage ce pays de plus en plus largement. Une très belle lecture.

Le vieux jardin  de Hwang Sok-Yong  ( 1943 - ... )

Après dix-huit ans de détention, un opposant au régime dictatorial en Corée du Sud recherche son dernier amour qui, hélas, est mort depuis un certain temps déjà. Il se réfugie alors dans la maison de celle qu’il a aimée et lit les lettres et documents qu’elle lui a laissés. Ainsi, il revit les années de lutte, les années qu’il a passé avec elle et tout le parcours de cette femme quand elle était encore jeune et qu’elle s’est engagée dans l’opposition active au régime. Ce récit s’entremêle avec son histoire et notamment son séjour en prison qu’il décrit par le menu jusqu’à en faire un véritable manuel du parfait petit détenu.

Un très beau livre qui plonge au cœur de l’âme humaine et conduit aux limites de la vie, qui navigue de la tendresse la plus douce à la cruauté la plus sévère.

Denis BILLAMBOZ ( alias DEBEZED )

Pour prendre connaissance de la liste complète des articles concernant LES VOYAGES LITTERAIRES de DEBEZED, cliquer  ICI 

 

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Abarguillet 168 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazine