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Les Mystères de Lisbonne sur Arte

Publié le 18 mai 2011 par Petistspavs

A partir du 19 mai, Arte diffuse en VM (une fois n'est pas coutume) la version tournée pour la télévision de Mystères de Lisbonne. C'est un événement assez considérable à l'échelle de la petite lucarne pour être relevé ici et salué. Le choix de diffuser le film par séries de trois épisodes (donc en deux fois trois heures) est évidemment paradoxal, mais on ne peut pas râler tout le temps et il est incontestable que se plonger dans la durée participe au plaisir de l'immersion dans l'univers de Raul Ruiz.

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Arte

Jeudi 19 et vendredi 20 mai
à partir de 20h40 (3 épisodes d'1 heure par soirée)

Un film français, portugais, brésilien
de Raoul Ruiz (2010)
Image : André Szankowski
Musique : Jorge Arriagada
Montage : Carlos Madaleno, Valeria Sarmiento
Acteurs : Afonso Pimentel, Joana de Verona, José Airosa, Maria João Bastos, Vânia Rodrigues, Adriano Luz (Père Dinis), Albano Jerónimo (Comte de Santa Bárbara), João Baptista (Le père de Pedro), João Luís Arrais (João Pedro da Silva (enfant)), João Paulo Santos (Le père d'Angela), Rui Morrison (Marquis de Montezelos), avec Clothilde Hesme, Léa Seydoux, Melvil Poupaud.
Auteur : Carlos Saboga
Production: Alfama Films Production, Arte France, Clap Filmes, RTP
Producteur: Paulo Branco (producteur habituel de Ruiz et de Manoel de Oliveira)

Il s'agit d'un des films les plus excitants de 2010. Si Apichatpong Weerasethakul ne nous était pas arrivé d'Orient avec son hallucinant Oncle Boonmee, celui qui se souvient..., Mystères de Lisbonne aura été sans contestation possible LE grand film de l'année, celui qui nous réoriente vers les salles de cinéma, nous qui avions été tentés fortement de croire que le cinéma était, sinon fini, du moins finissant. Et on n'y voit aucune image de Lisbonne.

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Il faut voir et revoir ce film si différent de tout ce que le vocabulaire des Frères Lumière nous avait appris. Pour l'esprit, parce que l'intelligence fait du bien. Pour l'imagination, parce que tout ce qui nous permet de nous évader vers des contrées plus belles et hospitalières nous grandit. Et pour bien d'autres raisons. Pour le romanesque des personnages rencontrés, des histoires racontées, des situations fréquentées. Pour la poésie, l'esprit d'enfance, pour le respect de la tradition populaire du feuilleton. Pour l'amour du cinéma, du théâtre, des faux-semblants, des gigognes, des zigzags et des chemins détournés. Pour le plaisir de mots tels Aventure, Coïncidence, Chausse-trappe, Destin, Destinée, Duel, Jalousie, Trahison, Epée, Filiation, Don, Mélodrame, Epopée, Passion, Chevalerie, Tarot, Poison, Alcove, Rendez-vous, Sortilèges (Enfance et Sortilèges), Sort, Fatalité, Jeux, Prisonnière, Piège, Religieuse, Fortune, Héritage. Portes dérobées, Chambre interdite, Théâtre de marionnettes, Petit Théâtre de la Vie.

La bande-annonce qui dévoile peu mais donne envie. Non ?

Raul Ruiz parle de son film.

On peut considérer le film comme un jeu, de la catégorie jeu de piste, encore que cette définition soit bien malingre pour dire le foisonnement des mystères possibles.

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Le scénario imbrique plusieurs histoires apparemment autonomes mais qui, chacune, font surgir d'un brouet romanesque de nouveaux personnages. Ces personnages génèrent de nouvelles histoires et des liens se forment, souvent ahurissants. On voyage donc dans le véhicule des histoires. On voyage aussi dans le temps, passant du XIX° au XVIII° siècle et, évidemment, dans l'espace, les Mystères se jouant des continents. Le film est un univers de ramifications, de liaisons, de chaines de conséquences, une sorte d'Effet Papillons pluriels dans lequel la plus petite action peut avoir une conséquence petite ou grande, peu importe, mais généralement inattendue. Mais le jeu des conséquences s'inverse lorsque l'entrelacs des récits retourne vers les origines. On pourrait dire aussi bien que le film joue des conséquences à l'envers, le point de départ d'une situation étant le résultat, le scénario s'efforçant d'en retrouver les causes dans le labyrinthe des possibles.

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Tout ça peut paraître bien compliqué, mais c'est moi qui complique, par nécessité (le discours sur le film est en fait bien plus compliqué que le film lui-même) ; le film est limpide comme de l'eau, mais il faut imaginer alors, non un fleuve paressant au soleil de sa source à l'océan, mais un système complet d'irrigation, proche en la forme du système vasculaire. Cette image convient bien et m'amène à penser que le film (4h30) laisse en contrechamp une belle partie du système destinée à n'être dévoilée qu'au spectateur de la série télé, avec son heure et demie supplémentaire qui récèle probablement d'autres mystères mais offre manifestement un joli trousseau de clés dérobé à la version cinéma. Dans la version "courte" en effet, bien des énigmes sont énoncées sans être expliquées. Arte va nous démêler tout ça.

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Un mot pour finir, non de technique, mais de manière cinématographique. Raul Ruiz ose des plans abracadabrants, parfaitement raccords avec la densité fantasque de ses récits empilés. Il place la caméra à des endroits déconseillés par l'Académie et c'est tant mieux, il joue avec les miroirs et les ombres comme un Cocteau des plus enfantins et, comme Cocteau ou encore Méliès (et pourquoi pas Apichatpong ?) il ose certaines grosses ficelles et se joue de la logique du spectacle moderne en les exhibant. C'est un prestidigitateur bonnasse qui ne répugne pas à montrer le dessous des cartes.

Au final, loin de tout intellectualisme, Ruiz nous fait le cadeau d'un film enfantin pour adultes, d'un film-fleuve coulant d'un rêve d'enfant.

Pour le plaisir, les titres des six épisodes de la version télé (chaque épisode dure une heure) :
- L’Enfant Sans Nom
- Le Comte de Santa Barbara
- L’énigme du Père Dinis
- Les Crimes d’Anacleta dos Remédios
- Blanche de Montfort
- La Vengeance de la Duchesse de Cliton

Quelques images avant de vous quitter.

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A visiter : le très beau et très riche SITE officiel du film, beau comme un DVD avec plein de boni, CLIQUER ICI.
Ce post est resté silencieux, alors que la musique composée par Jorge Arriagada pour Mystères de Lisbonne est magnifique et colle bien au climat romanesque voulu par Ruiz, mais n'est disponible nulle part.

Très bonnes soirées sur Arte. Vous me raconterez ?


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