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Mutations des organisations et intégration des dispositifs numériques de communication

Publié le 09 mai 2011 par 10h11 @10h11

Peut-on aujourd’hui parler de mutations des organisations ? Quelle place prennent selon vous les techniques d’information et de communication dans les évolutions organisationnelles en cours ?

Depuis le début du XXe siècle aux États-Unis et l’introduction du modèle tayloro-fordiste, les organisations n’ont cessé d’évoluer. Aujourd’hui, l’idée selon laquelle l’émergence des nouvelles formes d’organisation du travail liées à l’usage des Nouvelles Techniques d’Information et de Communication (NTIC) depuis les années 1980 est venue améliorer les conditions de travail dans l’entreprise est largement répandue. Il est toutefois légitime de s’interroger sur la nature de ces évolutions : constituent-elles une mutation à part entière, ou ne sont-elles qu’une simple adaptation des modèles anciens aux nouvelles réalités économiques ?
Après avoir étudié les changements opérés dans l’organisation du travail, nous tâcherons d’analyser les tendances actuelles et de déterminer si oui ou non ils constituent une véritable mutation. Enfin, nous essayerons, au travers d’exemples concrets, de montrer la place des NTIC dans l’évolution des organisations.

Qu’est-ce qu’une mutation des organisations ?

Mutations des organisations et intégration des dispositifs numériques de communication

L’organisation du travail désigne les différents systèmes mis en place dans les entreprises pour accroître la productivité, grâce à une utilisation plus rationnelle du travail.

Du Taylorisme au Toyotisme

Avant de présenter les nouvelles formes d’organisations, il convient d’étudier ce qui a conduit à l’abandon de l’ancien système. Ainsi, je vais revenir brièvement sur les 3 étapes qui correspondent aux trois grandes mutations des organisations, avant de commencer à évoquer l’évolution du travail d’aujourd’hui et de déterminer si elle correspond à une mutation des organisations.

La machine-outil au service du savoir-faire humain

Au XIXe siècle, avant le début de l’ère industrielle, on parle d’une organisation traditionnelle du travail. La machine est universelle, utilisée comme un outil grâce à la compétence et au savoir-faire de l’ouvrier. L’homme est au cœur de l’organisation, car il possède un métier, un savoir-faire, il y a peu de contrôle sur son rythme de travail autre que sa clientèle et sa conscience professionnelle. Le travail est organisé par un chef d’atelier qui est l’ouvrier le plus ancien, celui qui a le plus d’expérience.

L’ingénieur et l’ouvrier

Mais au XXe siècle et surtout des années 1920 aux années 1970 le modèle qui domine l’organisation du travail est le taylorisme puis le fordisme. La machine est spécialisée pour une opération, actionnée par un ouvrier lui-même spécialisé, incapable de la régler ou de l’entretenir. Celui-ci ne possède pas de métier, il a juste acquis un tour de main. L’organisation et le rythme de travail, conçus par des spécialistes, échappent à l’ouvrier. Le chef d’atelier n’est plus un compagnon qui organise le travail, mais un chef qui fait respecter la discipline imposée par le bureau des méthodes.

Le travail automatique

Puis à partir des années 1970, on assiste à l’avènement du système automatique. Le travail est effectué par un ensemble de machines intégrées et autonomes. L’ouvrier effectue un travail de contrôle et de surveillance et n’est plus un maillon de la production. Ce n’est plus la cadence de la machine qui impose le rythme de travail de l’ouvrier, mais ses horaires de fonctionnement : le travail en équipe se développe pour rentabiliser le capital.

Ce rapide tour d’horizon nous permet de nous intéresser à la véritable définition d’une mutation des organisations. Soulignons que l’un des premiers enjeux de ces évolutions du travail a été la recherche constante de gains de productivité et l’élargissement des débouchés pour les organisations. Il est important de signaler qu’il ne peut y avoir une mutation qu’à partir du moment où il y a une crise. Prenons l’exemple du système de Taylor qui, poussé au maximum, en particulier grâce au travail à la chaîne, et vidé de toutes ses relations humaines, a abouti à la fin des années 1960 à des effets contre-productifs. C’est ainsi qu’est apparue la nécessité de la mise en place de nouvelles formes d’organisation du travail, comme le toyotisme, plus souples avec plus d’autonomie, de flexibilité et de polyvalence.

Maintenant que nous avons mieux cerné ce qu’est une mutation des organisations, nous allons nous attacher à définir les évolutions d’aujourd’hui.

Les tendances d’aujourd’hui

Mutations des organisations et intégration des dispositifs numériques de communication

La construction de la société de l’information est accompagnée de changements dans le travail et les métiers. Cependant, il n’existe pas de déterminisme technologique, car les mêmes technologies n’induisent pas les mêmes effets. Tout dépend de la combinaison avec les autres innovations, moins spectaculaires en général, mais souvent aussi importantes, voire plus importantes : innovations politiques, commerciales, organisationnelles et sociales. Malgré ce non-déterminisme, on peut constater de grandes évolutions liées à l’utilisation massive des NTIC.

Le bouleversement relationnel

De plus en plus, nous allons vers un travail abstrait et interactif : la position assise devient la position de travail du plus grand nombre et 50 % des utilisateurs restent plus de quatre heures par jour devant un écran. Le travail s’effectue à partir de la représentation numérisée de la réalité qui apparait sur l’écran informatique, et non plus sur la réalité, et consiste souvent en un dialogue personne-machine.
Souvent perçue comme une barrière entre les membres d’une organisation, l’utilisation massive des technologies a permis une mise en réseau des salariés. Comme le disait le comte de Saint-Simon, en rapport avec la théorie de l’héliocentrisme, la relation entre les êtres humains dépend de la capacité du réseau à établir le lien. C’est dans ce sens qu’aujourd’hui on assiste à une hyper communication interne et à une proximité entre l’organisation et ses clients.

Il y a donc un bouleversement des relations personne-machine et du rapport humain dans les organisations.

La gestion du temps

De plus en plus d’entreprises travaillent en réseau et utilisent les nouvelles technologies pour créer des marchés à échelle mondiale. Mais contrairement à l’idée reçue qu’« internet abolit le temps et l’espace », le travail exige une gestion du temps de plus en plus délicate. En effet, les technologies « de pointe » sont terriblement dévoreuses de temps (temps d’apprentissage, d’exploitation, de dépannage…). Parallèlement, le travail en réseau induit une gestion de l’espace de plus en plus difficile, car il faut savoir choisir entre les activités à distance et celles qui ne peuvent être efficaces qu’à proximité. Télétravail et travail nomade doivent être équilibrés par des contacts humains avec les collègues et les partenaires.

Vers des compétences variées

Nous assistons aujourd’hui à un réajustement du cadre de référence de l’efficacité. Ce cadre de référence ne concerne plus la réalisation d’une tâche, mais la réactivité de la personne : il faut savoir s’adapter à la situation, réagir au changement. Les organisations recherchent des qualités de coopération et d’adaptation. Ces nouvelles compétences doivent être transversales. Les formations sont de plus en plus globales (prise de parole, gestion de mails) et les personnes qui composent les organisations doivent avoir des compétences qui vont bien au-delà de leur métier, ce sont des compétences transversales.

Mutation ou évolution des organisations ?

L’organisation aujourd’hui ne se limite plus à un seul modèle, on peut seulement parler d’une tendance de rupture avec l’organisation du travail tel que Taylor l’a conçu. Il n’y a jamais de stabilité, nous sommes dans un mouvement permanent. Les organisations statiques telles qu’elles étaient conçues au début du 19e ne peuvent plus fonctionner à l’heure actuelle. Elles se situent dans une logique de réactivité et d’évolution permanente. Le changement est nécessaire pour garder sa place sur le marché, mais il est également recherché pour satisfaire la quête d’évolution perpétuelle. Les organisations courent désormais après le changement, plus qu’après le résultat.

Il faut toutefois garder à l’esprit que les NTIC n’ont pas complètement bouleversé les organisations, elles ont plutôt permis aux organisations de s’adapter aux nouvelles réalités économiques.

Les TIC au cœur de l’évolution des organisations

Comme tout changement technologique important, la diffusion massive des TIC au sein des entreprises s’accompagne d’une modification de l’organisation du travail et de la qualification exigée des salariés.

Mais dans quel sens ? Et avec quels rapports de causalité ? Modifient-elles l’organisation du travail dans un sens valorisant certaines caractéristiques ou sont-elles de simples conséquences de choix d’organisation du travail reposant sur ces caractéristiques ?

Les TIC modifient les organisations à tous les échelons

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Les Systèmes d’informations : de nouveaux outils d’aide à la décision ?

L’utilisation de moyens informatiques, électroniques et de télécommunication permettant d’acquérir, de stocker, de structurer et de communiquer des informations dans des organisations. Ils permettent de faciliter la gestion et de favoriser la production de rapports. Ils sont aujourd’hui des outils indispensables pour l’aide à la décision

Le contrôle

L’informatisation contribue aussi à accentuer la contrainte commerciale, en mettant en relation le travailleur et le client. Ainsi, les dispositifs de traçabilité permettent au client de savoir à tout moment où en est sa commande et qui la traite. La deuxième contrainte qui va venir peser sur le travailleur réside dans les progrès du contrôle. L’ordinateur jouant en quelque sorte le rôle du contremaître. La mesure des performances peut quant à elle conduire à une compétition entre salariés.

Mais l’évolution technologique continue assurément de transformer nos façons de travailler. Tout particulièrement, les systèmes collaboratifs de type Web 2.0, qui font déjà partie de notre paysage sous la forme des YouTube, Facebook, MySpace et Wiki, se présentent de plus en plus aux gestionnaires comme des solutions intéressantes pour encourager le partage d’information et la collaboration, que ce soit entre les employés ou avec leur clientèle.

La manière de travailler

Les plateformes de travail à distance deviennent de véritables lieux de travail en mesure de relever les défis de la mondialisation, mais également de régler les problèmes de déplacement. Chacun peut travailler chez soi ou à l’autre bout du monde tout en étant connecté en permanence.

Les limites de l’usage des TIC dans les entreprises

Nous reprenons souvent l’exemple de Philippe Lemoine : les nouvelles technologies ont largement contribué à favoriser le phénomène de crise.

Il définit trois crises principales :

Une crise de la valeur

Nous sommes aujourd’hui confrontés à une crise de la valeur, Internet définit la complexité des actifs immatériels. Pour exemple, le numérique a bouleversé la relation entre le travail et la représentation de son coût pour l’utilisateur. Les personnes ont du mal à définir la valeur de leur travail.

Une crise du périmètre

Basé sur la revanche des externalités, le secteur des entreprises est de plus en plus flou. Les entreprises ne se définissent plus par domaine, mais par grand principe (Google est cool, Apple est fiable…). Cette nouvelle manière de définir les structures pose des problèmes en interne pour créer une culture d’entreprise et fédérer les acteurs.

Une crise sur le rôle des personnes

Le consommateur, au-delà du consom’acteur, est devenu un collaborateur des entreprises. Il participe à sa vie, à sa communication et donne des feedbacks importants sur les produits et services. L’envie des personnes n’est plus de consommer quelque chose, mais plutôt de participer à la création de l’œuvre. Ainsi, le salarié peut rapidement être remis en cause et son rôle au sein de la structure n’est pas clairement définit.

Comprendre cette multiplicité des crises permet d’y porter de l’intérêt pour comprendre les enjeux, les conséquences, le bouleversement des mœurs qu’elles engendrent.

Le stress au travail

L’absence d’influence sur le système est de plus en plus dure à accepter. Le salarié va devoir gérer la vulnérabilité des systèmes, dont la fragilité est liée à une complexité croissante. D’où la nécessité, pour les personnes, de savoir gérer les nombreux aléas : pannes, intrusions, virus… Ces évolutions des métiers ont des conséquences sur les conditions de vie et de travail. L’utilisation massive des nouvelles technologies, ajoutée à la réduction du temps de travail, intensifie certaines activités. L’analyse des conditions de travail doit aujourd’hui prendre en compte l’évaluation de l’équilibre des temps (professionnels, sociaux et personnels), et l’évaluation de la charge de travail. Le développement de la fatigue physique et mentale, du stress tend à s’imposer comme un nouveau fléau au travail.

Au cours de cette réflexion, nous avons constaté que l’organisation d’aujourd’hui ne répond plus d’un seul modèle. Les nouvelles technologies ont accentué cette tendance de rupture avec l’organisation du travail classique. De plus, nous avons souligné que les techniques d’information et de communication sont présentes à tous les étages des organisations et rendent cette évolution particulièrement importante pour les structures.

Au regard de la mutation des organisations et de l’augmentation du stress au travail, nous pouvons nous poser la question de savoir si de nouveaux modèles, plus centrés sur le bien-être des employés, ne deviendrons pas la prochaine tendance ? Les NTIC devenant des NTID, nouvelles technologies de l’information et du divertissement, peuvent-elles renverser la tendance pour apporter le bol d’air nécessaire à l’évacuation du stress ?

Crédit photo : Antoine Evrard – FlickR


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