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DSK et les limites du direct télévisuel

Publié le 20 mai 2011 par Francoisjost

J’ai commenté dans le dernier billet l’absurdité de « casser » les programmes ordinaires pour commenter en continu l’affaire Strauss-Kahn, alors même qu’on ne savait rien des faits qui lui étaient reprochés. Hier, la décision du juge d’inculper l’ex-directeur du FMI et de le libérer sous caution a donné lieu à une pratique identique, malgré le code de bonne conduite élaborée avec le CSA pour réagir dignement dans de tels cas. D’un point de vue sémiologique et éthique, il y a quelques leçons à en tirer.

Sur I-télé comme sur BFM, l’écran était partagé en deux : d’un côté, le journaliste présentateur ou l’expert convoqué (un avocat aux barreaux de Paris et New York), de l’autre la séquence de 15 secondes, dans laquelle on voyait Stauss-Kahn apprendre la décision, esquisser un sourire et sortir de la salle. J’ai arrêté de regarder la télévision, alors que séquence venait de passer 15 fois en boucle : à peine était-elle parvenue à son terme qu’on la rediffusait. Cette reprise incessante ne pouvait masquer la pauvreté de l’information, que dis-je : la vacuité de l’information !, et l’ennui que provoquait son ressassement. La deuxième fois, ce n’était d’ailleurs plus une information, puisque nous ne n’apprenions plus rien.

Le procédé n’est pas nouveau : nous avons vu mille fois les avions percutant les tours du World Trade Center ou la vague du tsunami déferlant sur l’Indonésie. Même si ces répétitions étaient aussi inutiles, elles se justifiaient au moins par le fait qu’elles avaient pour objet des événements visibles. Et qu’on était dans l’attente de nouvelles images. Mais l’image extérieure d’un homme ne nous dira jamais ce qu’il pense et, surtout, une fois une décision connue, il n’y a plus rien à y ajouter si ce n’est le bref commentaire d’un spécialiste (comme on fait un commentaire d’arrêt). Au mieux, on aurait compris que l’on arrêtât le flux télévisuel par une « breaking news ». Mais pourquoi faire une émission spéciale sur une décision qui est purement verbale et dont la suite est programmée à deux semaines ? D’où vient cet acharnement à nous faire croire que quelque chose d’autre va survenir ou qu’un secret va émerger au cœur du visible de ce retour continuel du même ?

J’y vois quelque chose d’assez puéril, assez proche de cette réaction des enfants qui, dans le train, demandent à leurs parents toutes les deux minutes : « Quand est-ce qu’on arrive ? ». Pourtant quand il s’agit d’une information seulement verbale qui tient en quelques mots, il n’y a rien à attendre. On a l’impression que les chaînes essayent de conjurer la linéarité du temps, de « l’accélérer » comme on dit. Pourtant, il faut se rendre à l’évidence, rien n’y fait : on n’est pas « arrivé » au 6 juin. En agissant de la sorte, les chaînes, au lieu de montrer la prééminence de la télévision, révèlent sa faiblesse. Quand nous allons sur un site de presse en ligne, en effet, les liens nous permettent d’augmenter nos connaissances et d’en apprendre bien plus dans un ordre et à une vitesse qui est la nôtre. Nous allons véritablement contre le cours du temps. La télévision apparaît alors comme un média qui se bat contre des moulins à vent et qui rêve d’une victoire impossible sur le cours des choses.

comprendrelatele

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