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Wikimédia : revue de presse (XVI)

Publié le 25 mai 2011 par Pierrotlechroniqueur

Beaucoup de choses à dire pour cette seizième revue de presse, tant l'actualité autour de Wikipédia a été intense ces deux dernières semaines, même si Jimbo Wales, ce petit joueur, n'a pas été arrêté à New York pour tentative de viol (mais, comme vous allez le voir, l'affaire DSK telle que débattue et traitée sur Wikipédia n'a pas été ignorée par les journalistes), entre le G8 de l'Internet, l'accord avec Michel Houellebecq, la perspective d'une inscription de Wikipédia au patrimoine mondial de l'UNESCO, et j'en passe... Bonne lecture !

Je l'avais indiqué dans ma précédente revue de presse, se déroule hier et aujourd'hui, à Paris, le e-G8 forum, en prélude au G8 à venir. Parmi les invités, le Grand Schtroumpf de Wikipédia, venu parler de la place d'une encyclopédie libre et universelle dans l'Internet d'aujourd'hui et de demain. Comme rapporté, notamment, par le site Internet du Figaro, par Écrans et par le Journal du Net, Jimbo a hier expliqué que Wikipédia a permis la recherche directe, simple et gratuite d'une information et d'un ensemble de connaissances. Et ce dans le plus de langues possibles (il prend ainsi l'exemple du swahili, dont la Wikipédia est la première encyclopédie en cette langue et est composée de plus de 20 000 articles). Et le Créateur bien-aimé de renchérir en comparant Wikipédia "à un éléphant" car un éléphant se souvient de tout (mais il trompe aussi énormément, a oublié de dire Jimbo, et là on retombe dans le classique débat autour de la fiabilité de Wikipédia). Voilà en ce qui concerne l'encyclopédie collaborative en ligne. J'ai bien sûr un grand intérêt (et des avis) pour le reste des thèmes abordés, mais ils ne regardent pas ce blog. J'ajoute malgré tout que deux sujets, a priori au menu du G8 à venir, me semblent regarder de près Wikipédia : le respect de la vie privée (et nous verrons si, comme l'affirme Paul Hermelin, cité ici, il s'agit d'un concept bientôt révolu parce que la tendance globale de la société tendrait vers une économie entièrement personnalisée présupposant l'abolition de la protection de la vie privée) et l'éventuelle construction d'un droit international de la propriété intellectuelle réactif à Internet.

La Foundation a décidé, nous apprend par exemple Atlantico, de lancer une pétition visant à soutenir l'inscription de Wikipédia au patrimoine mondial de l'Humanité géré par l'UNESCO. Une initiative, cependant, qui a très peu de chances d'aboutir, compte-tenu de la jeunesse et du caractère immatériel de l'encyclopédie collaborative en ligne, et compte-tenu, Numerama renchérit d'ailleurs sur ce point, du conservatisme culturel de l'UNESCO. L'enthousiasme de Wales dans le New York Times et le soutien, semble-t-il, de l'Allemagne à la proposition risquent donc de s'avérer largement insuffisants même si, finalement, on pourra déjà parler de succès si la pétition lancée emporte un grand nombre d'adhésions (je pense du reste que c'est l'objectif réel de l'entreprise...). Une solution, remarque Numerama, serait ensuite de se rabattre sur le Registre de la mémoire du monde, lui aussi tenu par l'UNESCO, mais beaucoup moins prestigieux, évidemment.   

Vous vous souvenez très probablement de l'affaire du "plagiat" (le terme est en réalité incorrect, mais son emploi est plus simple) des quelques articles de Wikipédia par Michel Houellebecq sans son livre La Carte et le territoire. Nouveau, et en principe dernier, rebondissement dans cette histoire avec l'obtention par Wikimédia France d'un accord avec l'écrivain et son éditeur Flammarion : dans les prochaines éditions, y compris numériques, du roman, figurera dans les remerciements, nous apprend NouvelObs.com, le paragraphe suivant : "Je remercie aussi Wikipedia (http://fr.wikipedia.org) et ses contributeurs dont j’ai parfois utilisé les notices comme source d’inspiration et notamment celles relatives à la mouche domestique, à la ville de Beauvais ou encore à Frédéric Nihous". Un "demi-succès" selon Adrienne Alix, présidente de Wikimédia France, dans la mesure où cette mention ne constitue qu'un minimum syndical. Mais c'est déjà mieux que rien : comme le dit la cheffe, "nous estimons qu’il s’agit là d’un premier pas de la part de Flammarion, qui a su admettre que les contributeurs de Wikipédia n’étaient pas «rien» et que leur travail devait être reconnu". La préservation du droit moral d'auteur, c'est à mon sens l'essentiel dans cette affaire, en effet. En revanche, je suis moins emballé, il faut le dire, par l'autre aspect du "combat" mené par WMfr, et relevé par l'Express.fr : "Nous souhaitons simplement que la licence Creative Commons soit respectée, pour nous, mais aussi pour tous ceux qui utilisent cette licence, bien au delà de Wikipédia". Mon avis, et je le partage, est que l'association Wikimédia France, c'est son but affiché, doit défendre et promouvoir les projets francophones de Wikimedia. Et c'est tout. Autrement dit, les combats juridiques, voire idéologiques, même s'ils sont probablement partagés par la plupart des Wikipédiens, n'entrent pas dans la compétence de l'association, à qui ne revient donc pas de militer indirectement pour la licence Creative commons. Licence qui, à ma connaissance, n'est pour l'heure pas sécurisée par le droit et la jurisprudence français au moins. Ce point mis à part, je félicite Wikimédia France pour le résultat ici obtenu.

En ce qui concerne justement le rapport de Wikipédia (plutôt de la Foundation, d'ailleurs) au droit, je relève cet intéressant article paru sur le site du quotidien économique français Les Échos. Il s'agit entre autres d'un vade mecum pour entrepreneur désireux de voir disparaître de Wikipédia des informations à caractère mensonger, diffamatoire ou violant le droit de la propriété intellectuelle. Et surtout du moyen d'obtenir réparation en justice. La journaliste conseille tout d'abord de faire constater par huissier, rien de moins, le contenu litigieux (si besoin en plongeant dans l'historique des contributions). Ensuite, selon la nature du problème, est indiquée la juridiction (en tout cas, en France) à saisir pour faire valoir ses droits (le tribunal de commerce si l'auteur du passage litigieux est un concurrent, le tribunal de grande instance autrement, le tribunal correctionnel pour une diffamation. Enfin, si j'ai bien suivi). La journaliste relève de plus que la juridiction est en mesure d'obtenir par injonction l'adresse IP du contributeur à poursuivre, que la Foundation devra lui fournir (ce qui est parfaitement exact, il faut en avoir conscience). Les informations nécessaires supplémentaires sont ensuite obtenues du FAI de la même manière. De même, d'après l'article, que le juge est en mesure d'obtenir le masquage complet des versions problématiques. Enfin, il est intéressant de noter que l'auteur poursuivi est indirectement victime du succès et du ranking de Wikipédia sur Google : selon l'avocat cité dans l'article, une condition nécessaire est le constat d'une large diffusion, or la présence de l'article dans les premières pages référencées par Google semble y suffire. C'est donc une nouvelle illustration du fait qu'il faut être extrêmement prudent en contribuant à Wikipédia, et avoir bien conscience qu'éditer une encyclopédie collaborative sur Internet et sous pseudonyme ne nous dédouane pas de nos responsabilités légales.

En bref, et pour terminer, je signale aussi :

  • que le traitement chaotique de l'affaire DSK sur Wikipédia, avec profusion de débats interminables et parfois tendus, a attiré la presse, notamment 01net.com. On peut y voir une description assez fidèle des divers clivages ayant opposé les contributeurs. Sur fond de nature, toujours non fixée, de ce qu'est Wikipédia par rapport à l'actualité.
  • à ce sujet, la petite analyse intéressante d'un universitaire québecois sur ce qu'aurait pensé Diderot de Wikipédia (il aurait adoré, paraît-il). Avec un intéressant parallèle sur les idées de départ des deux fondateurs (Diderot et Wales) par rapport au contenu et à la nécessité d'une organisation hiérarchique et rationnelle des contributeurs, changées ensuite par la force des choses et l'immensité des connaissances. Dommage qu'il n'y ait pas de comparaison plus poussée sur le contenu et les méthodes. Il y a pourtant de quoi, pour cet universitaire, faire une étude complète et qui ne manquerait pas d'intérêt.
  • le compte-rendu par la Tribune de Genève de la conférence d'Anthere, il y a une dizaine de jours, sur le modèle économique et le financement de Wikipédia. 
  • la présence, annoncée par le site du quotidien suisse 24 heures, de Jimmy Wales au prochain "Zermatt Summit". 
  • et enfin, mais cette lecture est franchement dispensable, un nouvel opus des critiques (de mauvaise foi) formulées sur un blog hébergé par le site de Courrier international, blog dont j'avais déjà parlé dans ma précédente revue de presse.

Voilà, c'est tout, et c'est déjà pas mal, pour cette fois.

[Edit] Finalement, ce n'est pas tout. M'étant fait (à juste titre) taper sur les doigts par un membre de la NCO (qui n'existe pas, bien sûr), je signale la belle initiative de la non-cabale à Rennes pour les 10 ans de Wikipédia : la mise en place, avec le concours de la mairie, de panneaux reproduisant quelques articles, bien dans le sujet, de Wikipédia. Plus de détails sur cet article de Ouest France et, avec une belle photo à l'appui, sur le blog de Benoît Evellin.

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