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Le jour où Sarkozy s'est arrêté de gouverner

Publié le 01 juin 2011 par Juan
Le jour où Sarkozy s'est arrêté de gouvernerNicolas Sarkozy se veut plus discret, plus bosseur, « au travail ». C'est le message qu'on nous rabâche depuis ce 28 octobre au matin, au lendemain de l'adoption de la réforme des retraites. Depuis, quelle immobilité !
Ce mardi 31 mai, il était parti pour son pèlerinage annuel aux Glières, le quatrième depuis son élection en 2007. Une pure opération de communication sans aucun rapport avec les urgences du moment.
Son gouvernement est tout autant immobile, comme figé avant la bataille électorale. Fillon fait le SAV des réformes, les ministres meublent l'actualité. Tout le monde parle mais personne n'agit.
Discret Narcisse
C'est un peu sa roche de Solutré, « une façon efficace de montrer par l'image qu'il sait prendre de la hauteur » commentait Charles Jaigu, l'envoyé spécial du Figaro en Sarkofrance. François Mitterrand aimait marcher accompagné de ses proches et courtisans, une fois l'an. Sarkozy préfère la fausse sobriété solitaire et narcissique sur le plateau des Glières (Haute Savoie), haut lieu de résistance. « sobre », « discret », il vient toujours accompagné d'une centaine de journalistes, caméramans et photographes. Il commence toujours par serrer quelques mains devant la nécropole de Morette, où sont inhumés les résistants tués pendant les combats de janvier à mars 1944. Une centaine de militants UMP l'ont salué à la mairie voisine du Petit-Bornand où, à la différence de l'an passé, il n'a pas prononcé de discours. Il a ensuite filé en hélico sur le plateau des Glières, pour aller déposer une gerbe devant l'immense monument blanc dressé en l'honneur des résistants du maquis.
L’association « Citoyens Résistants d’Hier et d’Aujourd’hui » a dénoncé la mascarade médiatique. Le 15 mai dernier, 3 à 5.000 manifestants étaient présents sur les lieux pour dénoncer, par avance, la récupération sarkozyenne.
Sarkozy n'a pu s'empêcher de penser à cette fichue interview de son « ami » Jean-Louis Borloo, dans les colonnes de la Voix du Nord. Son ancien ministre du développement durable annonçait qu'il se préparait à la présidentielle, et qu'il comptait bien gagner la course (« Je me prépare pour gagner  »). Sa candidature sera officiellement annoncée après l'été. Borloo vise large : « je suis pour une nouvelle majorité que je veux incarner. Elle ira des socialistes déçus à une partie de l'UMP ».
Et pour le moment, il ne se prive pas de petites phrases assassines à l'encontre de son ancien Monarque : « Je vais présenter un projet pour une France juste. » Ou encore : «Le président, n'est pas un super premier ministre » ; « Pour moi, équipe de campagne devra rimer avec éthique de campagne.» Après l'affaire Tron, les déboires de Lagarde, voici le troisième pépin qui vient ternir cette séquence enchantée ouverte par l'arrestation de DSK le 14 mai dernier. C'est agaçant. Sa côte de popularité venait justement de reprendre 4 points ...
Gouvernement immobile
François Fillon meuble. Depuis l'automne dernier, rares ont été les réformes ou les programmes d'importance. Les sujets ne manquent pourtant pas (chômage de masse, précarité croissante, désordres financiers, inflation). A l'agitation communicante des deux premières années du quinquennat Sarkozy a succédé une immobilité préélectorale qui a débuté au lendemain de l'adoption de la réforme des retraites. Depuis début novembre, François Fillon et son gouvernement tentent donc de meubler l'espace politique, en recyclant notamment de vieilles décisions.
Christine Lagarde, pas encore partie au FMI, a encore une fois sermonné les pétroliers. Il paraît qu'ils ne répercutent pas suffisamment la baisse (provisoire) des cours du pétrole. Bruno Le Maire, à l'Agriculture, est obligé de bosser, rattrapé qu'il est par l'actualité de son secteur, de la sécheresse qui menace aux concombres espagnols empoisonnés.
Claude Guéant, à l'Intérieur, inaugure des « radars pédagogiques ». François Baroin, au Budget, a répété que le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite serait respecté jusqu'au dernier budget du quinquennat. Il devait faire face à une nouvelle grogne dans la Fonction publique, un périmètre qu'il a repris au démissionnaire George Tron.
Grande innovation, Luc Chatel, le ministre de l'Education nationale, a décidé de communiquer sur les 17.000 embauches plutôt que les 16.000 suppressions de postes de son ministère. Son collègue de l'Emploi, Xavier Bertrand, préfère critiquer l'éventuelle candidature de Borloo ou commenter le départ de Tron. Pour la journée mondiale sans tabac, mardi 31 mai, il a bien annoncé le déremboursement total du Champix. Il n'a même pas voulu commenter la récente livraison statistiques de ses services sur le chômage des 15-29 ans : 17% étaient au chômage en 2010 et le sous-emploi progresse.
A l'Assemblée, les députés planchent depuis hier sur le durcissement des conditions d'internements en psychiatrie, un texte qui fait frémir personnel médical et parents de patients. Fort opportunément, l'IGAS a publié ce même mardi 31 un rapport sur la situation des HP. Quelque 10.000 patients fugueraient chaque année. L'IGAS n'a relevé que 19 homicides en cinq ans. C'est trop, mais sans doute sans mesure avec le tableau apocalyptique dressé par Nicolas Sarkozy l'an dernier quand il promettait de transformer les HP en prisons de Haute sécurité. A la lecture du rapport de l'IGAS, d'aucuns pourraient conclure que ces hôpitaux manquent de moyens. Comme souvent, le gouvernement Sarkozy a avancé une autre réponse : la video-surveillance.
Fillon en SAV
François Fillon, lui, sillonne la France pour faire le Service Après-Vente des réformes sarkozyennes. Il ne s'en cache même pas. Fillon n'existait pas quand Sarkozy jouait à l'omniprésident. Le voici qu'il n'agit pas davantage maintenant que son Monarque tente de se faire oublier.
Lundi 30 mai, le premier ministre était ainsi à Strasbourg pour annoncer « 2,4 milliards d'euros d'investissement dans la santé ». Il visitait l'Institut de recherche contre le cancer des maladies digestives, qui avait reçu 67 millions de subventions publiques pour un investissement global de 215 millions d'euros en matériel d'imagerie médicale.
Fichtre ! On croyait que les caisses étaient vides. Rassurez-vous. Ces nouveaux milliards viennent d'une enveloppe déjà ancienne, le grand emprunt de janvier 2010, réservé à ces « investissements d'avenir » : « notre démarche, c'est celle de la modernisation, c'est celle de l'innovation. C'est également l'objectif du programme Investissements d'avenir, qui consacre environ 2,4 milliards d'euros à des projets ciblés sur la santé. Ce que nous pouvons voir ici, c’est la pertinence du programme d’investissements d’avenir de 35 milliards d’euros que nous avons engagé avec le Président de la République.»
L'exercice, depuis les premiers jours de ce Grand Emprunt, est sémantique. Il s'agit d'illustrer, exemples à l'appui, combien notre Monarque investit avec efficience l'argent public pour le bien commun. Chaque année, d'autres dizaines de milliards d'euros non étiquetés « d'avenir » mais tout aussi indispensable (comme le renouvellement des matériels de sécurité ou des équipements de l'Education nationale), sont réalisés sans tout ce foin médiatique pré-électoral. Et ces « investissements  d'avenir » font même parfois l'objet d'une attribution par des jurys internationaux, et non pas seulement pour des critères politiques, un processus que Fillon, ce lundi encore, qualifiait de « révolution culturelle ».

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