Croisière Camargue Débutants – Troisième jour

Pâques 2011, 3e jour: les Marins d’Eau Douce passent une matinée tranquille sous le soleil d’Aigues-Mortes avant de tracer plein Ouest, vers de nouvelles aventures au pays des monstres de ferraille qu’il faut croiser vaille que vaille et poursuivre patiemment même sous les orages imprévus …

De nouveau réveil vers 7h avec le jour, mais nous avons décidé de rester la matinée profiter des infrastructures d’Aigues-Mortes et prendre le temps de décider de la suite du programme selon la météo.

Notre grande fille de 12 ans nettoie à fond le pont du bateau (cela se salit tout le temps!) et aide à faire le plein d’eau, interminable vu le débit apparemment très modeste du robinet, pendant que je rédige les aventures de la veille pour le futur blog…

La petite pour sa part a découvert la facilité du vélo sur le quai et y fait des allers-retours le long des remparts. Nous n’avons pas réussi à recevoir la télé ni à faire marcher la radio, alors c’est par le téléphone portable que nous prenons la météo. Un peu de pluie prévue ce soir, mais la journée devrait être correcte et sans trop de vent, avec deux belles journées mardi et mercredi: je propose donc d’avancer vers les plages de La Grande-Motte, Carnon, Palavas-Les-Flots, en espérant y trouver un amarrage plus facile qu’à Aigues-Mortes pour notre paquebot et surtout ses marins d’eau douce.

Nous passons encore la fin de la matinée à faire un peu de shopping en famille avant d’aller manger – pas avant 12h30, nous demandent les serveurs, surprenant pour les filles habituées à “dîner” à 11h30 en Suisse, mais la salade de seiches pour moi et des pâtes ou pizzas pour le reste de l’équipage nous récompensent finalement de notre patience. Rapidement de retour au port, nous “décollons” finalement vers 13h30.

A la sortie d’Aigues-Mortes, dans le grand plan d’eau de l’intersection de la déviation, il n’y a personne et on en profite pour s’entraîner à manoeuvrer une dizaine de minutes. Il y a du courant et surtout du vent et franchement ce n’est pas très convaincant. Tant pis, il faut y aller – nous repartons plein Ouest direction Sète.

Le canal est bordé de grandes étendues marécageuses sans grand intérêt à part quelques oiseaux. Le temps se couvre et fraîchit de nouveau – le vent quasiment de face (Sud-Ouest) semble forcir, je reste confiante vu l’avis météo du matin et le bleu sur la mer, mais le capitaine commence à voir des éclairs sur sa droite. Je le rassure, cela doit être sur les Cévennes, à au moins 50km, ou éventuellement sur l’étang de Thau, on n’ira pas jusque-là. Nous passons la Grande-Motte où aucun amarrage ne convient pour un monstre de notre gabarit, et arrivons dans la zone des étangs, sous un ciel de plus en plus couvert et un vent de plus en plus frais. La grande m’aide à ranger les parasols et je rentre au chaud.

Pour ne rien arranger, en passant dans le hameau des cabanes du Roc à la sortie de la Grande-Motte, nous voyons un monstre arriver en face, genre le Titanic mais en version péniche sombre, à moitié en crabe au milieu du canal, qui est très étroit à cet endroit. Notre pilote serre à droite et nous voyons le monstre se rapprocher avec angoisse – soudain notre paquebot à nous nous paraît bien frêle et fragile, avec ses « petits » 14*4m! l’autre doit plutôt faire 80*8m, il y a même une voiture dessus! les enfants le prennent maladroitement en photo depuis le hublot de la cabine où elles lisaient tranquillement au chaud jusque-là… en haut sur le pont nous n’en menons vraiment pas large, surtout qu’au ralenti le bateau réagit avec tellement d’inertie qu’il paraît presque incontrôlable. La sinistre bête de ferraille noire nous dépasse lentement, seule consolation l’un des bateliers à bord nous salue gentiment… donc on en déduit qu’on n’a rien fait de mal… ouf!

Pas le choix… il faut encore aller jusqu’à Carnon à une petite heure de navigation car les berges ne sont pas du tout adaptées à un amarrage sauvage – des bouées marquent de hauts-fonds de part et d’autre du canal.

Au loin devant nous voyons un autre monstre, et un bateau de plaisance le croise à gauche. Ce monstre se déplace si lentement que même à la jumelle, il me faudra être à moins de 200m pour constater qu’il va dans le même sens que nous, et à ce moment le canal est trop étroit et trop près de Carnon pour oser le dépasser. Nous descendons donc la vitesse pour le suivre… et pendant ce temps perdu, devant nous l’orage est devenu une réalité toute noire avec des éclairs indéniables: les météorologistes de Météo France devaient faire le pont de Pâques ce matin!

Orage sur les étangs de Camargue

Je n’ai pas peur des guêpes ni même des frelons, mais les orages c’est une autre histoire… traumatisme des paniques en camping de mon enfance, mais nous avions toujours alors la fameuse cage de Faraday de la voiture où nous réfugier… là nous sommes coincés! Impossible d’aborder sur les côtés, impossible de dépasser le monstre au ralenti, quant à faire demi-tour, cela nous éloignera encore plus du port le plus proche, Carnon est à moins de 1km à présent! Je mets les gilets de sauvetage aux enfants et j’enfile le mien, je fais le tour du bastingage pour préparer les 4 amarres, je ferme les fenêtres, et je vérifie la carte toutes les 2mn avec le capitaine de plus en plus crispé sur son volant à la perspective d’une manoeuvre difficile – prévoir de faire demi-tour pour revenir plus facilement dans le port, d’après le guide fluvial…

Un éclair tombe assez près pour faire longuement gronder le ciel, droit devant nous, et les premières gouttes tombent alors que nous arrivons dans Carnon. Je ravale ma panique! A gauche il y a un ponton d’amarrage avec diverses embarcations, sur l’une d’elles les gens sont dehors, je leur explique depuis le pont qu’on est débutants et qu’on ne sait pas quoi faire… c’est le capitaine de la base locale, qui nous propose de nous arrêter là une demi-heure, en double file si besoin, le temps de laisser filer le monstre au ralenti – visiblement, l’orage lui n’est pas trop un souci, c’est déjà çà de rassurant pour moi… Le capitaine enclenche la marche arrière, et le batelier au sol lui explique du quai comment manoeuvrer pour glisser le Royal Mystique en créneau entre 2 bateaux, pendant que je lui jette l’amarre à la figure (littéralement… ce n’est pas glorieux mais obnubilée par le stress de l’orage je n’en menais pas large!)…

Finalement l’orage, une simple averse, passe le temps d’une partie de 7 familles bien à l’abri dans le carré avec les enfants…

Renseignements pris, nous pouvons rester la nuit sur cette base privée pour 10 euros, ce qui nous convient très bien. Une autre famille accoste un peu plus tard et les enfants jouent ensemble à cache-cache dans les herbes.

Nous mangeons tôt d’un émincé de poulet que je marine à la tapenade d’olive noire, avec des pâtes fraîches et des champignons à la crème, tout le monde se régale – les émotions de l’après-midi ne sont plus qu’un souvenir pour le carnet de voyage… Le ciel est encore couvert mais je sors faire quelques photos au crépuscule. La navigation dans le vent nous a fatigués et nous nous couchons tôt – ici aussi la nuit est très calme.