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Winter’s bone

Publié le 06 juin 2011 par Les Lettres Françaises

Winter’s bone

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Le cinéma n’aura pas peu étudié le territoire des Etats-Unis dans sa diversité, avec parfois beaucoup de précision. C’est aux Ozarks que Debra Granik s’est intéressée, en adaptant le roman de Daniel Woodrell, Winter’s bone. Ree Dolly, 17 ans, vit au coeur de ce plateau boisé du Midwest, l’aînée d’une soeur et d’un frère, dont elle assure la subsistance ; leur père est absent physiquement, leur mère mentalement. Dans cette contré reculée, le progrès n’a fait qu’une percée limitée ; les conséquences économiques ne s’en font pas sentir moins, mais différemment. Parce que le père ne s’est pas rendu à son procès, la maison qu’il avait déposée en caution va être saisie.

Winter’s bone

Jennifer Lawrence

Les cinéastes ont traité, principalement sous la forme documentaire, de la crise immobilière sans précédent qui a frappé les Etats-Unis avant de s’étendre à ceux des pays qui avaient le mieux copié leur modèle (American Casino de Leslie Cockburn, Cleveland versus Wall Street de Jean-Stéphane Bron, We all fall down de Gary Gasgarth…) Le phénomène de la dépossession immobilière a également été considéré sous l’angle de la fiction, comme dans Frozen River, de Courney Hunt, où c’est encore la perspective de l’éviction qui poussait aux frontières de la loi une autre héroïne esseulée. Ici, le bondsman, celui qui garantit les dépôts de caution judiciaire, se substitue au repossession agent, l’agent de recouvrement des défauts de paiement ; deux personnages dont l’importance particulière aux Etats-Unis découle de ce qu’aucun autre pays n’a fait peser autant de menaces sur le foyer de ses citoyens (notamment par l’usage fanatique du crédit, mais pas seulement, comme on le voit ici). A ce personnage du monde judiciaire viennent s’ajouter le policier local – le shériff- et un recruteur de l’armée. Ce sont les trois seules figures extérieures qui viendront au contact de la communauté de Ree Dolly, ou de ce qu’il en reste ; trois figures de l’autorité. L’Etat américain ne se fait plus connaître que sous le visage de la loi, de l’ordre et de la force. Sans surprise, ce sont d’autres formes d’organisation sociale qui se sont établies, et c’est le trafic de drogue, la méthamphétamine, qui anime l’économie locale. Le père de Ree Dolly y a participé, comme son oncle, ses voisins, sous l’autorité silencieuse et distante d’un patriarche redoutable. Comme dans le mafia italo-américaine, la plus célèbre des Etats-Unis, ou comme dans les autres, ce sont les liens familiaux, des liens dynastiques, sur lesquels s’appuie l’organisation,  se fondent les règles intériorisées. Les gestes d’humanité sont rares et peuvent coûter cher ; la dureté des temps imprègne les caractères. Lorsque Ree Dolly trouve un allié, son oncle Teardrop, elle ne peut que lui confier qu’il lui a toujours inspiré de la crainte. Et lui de répondre : « C’est que tu n’es pas stupide».

Pour son interprétation, la jeune Jennifer Lawrence a reçu plusieurs prix, une convocation aux Oscars et des louanges mérités.

Sébastien Banse

Winter’s bone, réalisé par Debra Granik, USA, 2011
Avec Jennifer Lawrence, John Hawkes, Lauren Sweetser, Garrett Dillahunt


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