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Au Japon, le "Corps des vétérans" se propose de remplacer les jeunes salariés en poste à Fukushima

Publié le 06 juin 2011 par Josepha @josepha45

Le Monde | 06.06.11 | 11h47

Tokyo, correspondant 

Ils sont près de 250, âgés d’une soixantaine d’années et plus, prêts à braver les risques d’irradiation à la centrale nucléaire Daiichi à Fukushima, endommagée par la catastrophe du 11 mars.

Ces hommes, ingénieurs, médecins, ou simples salariés, ont répondu à l’appel de Yasuteru Yamada (72 ans), ingénieur retraité de Sumitomo Metal Industries : en voyant à la télévision les employés qui se relaient chaque jour auprès de réacteurs 2 et 3, dont

les barres de combustible sont en fusion partielle, M. Yamada a pensé qu’il devait faire quelque chose.

Il estime que sa génération a, "consciemment ou non", soutenu la politique nucléaire dont on constate aujourd’hui les carences et que c’est à elle d’en assumer les conséquences et non aux jeunes envoyés pour stabiliser les réacteurs. "Ce n’est en rien une mission suicide !, explique-t-il. Nous avons peut-être quinze ou vingt ans à vivre : pas assez pour développer un cancer dû aux radiations !"

Après son appel, 247 retraités se sont manifestés pour exprimer leur sens de la responsabilité. Ainsi est né le "Corps des vétérans". Les volontaires seniors ont pris contact avec des hommes politiques et Tokyo Electric Power Company (Tepco), opérateur de la centrale. Mais leur proposition n’a pas été retenue.

Un autre groupe de seize vaillants seniors volontaires, anciens experts nucléaires, procède au nettoyage des maisons dans l’agglomération d’Iitate, à une dizaine de kilomètres à l’extérieur de la zone de confinement (20 kilomètres), où a été néanmoins détecté un taux élevé d’irradiation.

A FUKUSHIMA, LA SÉCURITÉ DU PERSONNEL EST LOIN D'ÊTRE ASSURÉE

La situation à la centrale de Fukushima est loin d’être stabilisée. Tepco a annoncé, dimanche 5 juin, l’envoi par camions de 370 citernes pour entreposer des dizaines de milliers de litres d’eau contaminée, qui a été déversée pour refroidir les réacteurs. Ces citernes ont u

ne capacité totale de 40 000 tonnes. Tepco, dont l’action a fortement chuté (27,62 %), lundi 6 juin, minée par des informations faisant état de pertes massives, espère stabiliser la température des réacteurs en dessous de 100°C d’ici à janvier.

Près de trois mois après le séisme et le tsunami du 11 mars, la sécurité du personnel qui travaille par roulement à tenter de refroidir les réacteurs est loin d’être assurée. Selon le docteur Takeshi Tanigawa, directeur du département de santé publique à l’université d’Ehime, qui s’est rendu à plusieurs reprises à la centrale de Fukushima, "les conditions de travail et de repos, souvent en dortoir, se sont améliorées, mais elles restent très précaires et le manque de sommeil pour récupérer peut entraîner des accidents". "Les employés sont victimes de stress : ils sont confrontés au danger et parfois portent en eux la douleur de la perte d’un proche ou de leur maison lorsqu’ils vivaient à proximité, analyse le médecin. Lorsqu’ils rejoignent leur famille dans des centres d’accueil, certains se sentent ostracisés par les autres sinistrés qui, tout en admirant leur courage, les critiquent d’avoir travaillé pour Tepco."

Deux employés qui travaillaient dans la salle de contrôle des réacteurs 3 et 4 ont été officiellement reconnus, vendredi 3 juin, irradiés par des doses supérieures au seuil limite de 250 millisieverts par an.

Les personnes âgées ont été la couche de la popul

ation la plus touchée par la catastrophe. C’est aussi une génération qui, ayant connu les difficultés et les sacrifices au lendemain de la seconde guerre mondiale, a un sens civique enraciné. Le dévouement des volontaires seniors suscite d’autant plus d’admiration que la classe politique – composée pour une bonne partie de sexagénaires – a donné une piètre image d’elle-même avec le dépôt, jeudi 2 juin, d’une motion de censure, pour le moins mal venue dans la crise que traverse le pays. Elle a été rejetée à la suite d’un engagement du premier ministre, Naoto Kan, de se retirer dans les prochains mois.

Mais ce chaos politique a été ressenti avec amertume, sinon avec colère, par l’opinion, alors que chaque jour des hommes risquent leur santé à la centrale, que 100 000 personnes vivent toujours dans des centres d’accueil et que des sinistrés fouillent encore les décombres à la recherche des restes de leurs proches.

Philippe Pons

Le Monde | 06.06.11 | 11h47

Tokyo, correspondant - Ils sont près de 250, âgés d’une soixantaine d’années et plus, prêts à braver les risques d’irradiation à la centrale nucléaire Daiichi à Fukushima, endommagée par la catastrophe du 11 mars.

Ces hommes, ingénieurs, médecins, ou simples salariés, ont répondu à l’appel de Yasuteru Yamada (72 ans), ingénieur retraité de Sumitomo Metal Industries : en voyant à la télévision les employés qui se relaient chaque jour auprès de réacteurs 2 et 3, dont les barres de combustible sont en fusion partielle, M. Yamada a pensé qu’il devait faire quelque chose.

Il estime que sa génération a, "consciemment ou non", soutenu la politique nucléaire dont on constate aujourd’hui les carences et que c’est à elle d’en assumer les conséquences et non aux jeunes envoyés pour stabiliser les réacteurs. "Ce n’est en rien une mission suicide !, explique-t-il. Nous avons peut-être quinze ou vingt ans à vivre : pas assez pour développer un cancer dû aux radiations !"

Après son appel, 247 retraités se sont manifestés pour exprimer leur sens de la responsabilité. Ainsi est né le "Corps des vétérans". Les volontaires seniors ont pris c

ontact avec des hommes politiques et Tokyo Electric Power Company (Tepco), opérateur de la centrale. Mais leur proposition n’a pas été retenue.

Un autre groupe de seize vaillants seniors volontaires, anciens experts nucléaires, procède au nettoyage des maisons dans l’agglomération d’Iitate, à une dizaine de kilomètres à l’extérieur de la zone de confinement (20 kilomètres), où a été néanmoins détecté un taux élevé d’irradiation.

A FUKUSHIMA, LA SÉCURITÉ DU PERSONNEL EST LOIN D'ÊTRE ASSURÉE

La situation à la centrale de Fukushima est loin d’être stabilisée. Tepco a annoncé, dimanche 5 juin, l’envoi par camions de 370 citernes pour entreposer des dizaines de milliers de litres d’eau contaminée, qui a été déversée pour refroidir les réacteurs. Ces citernes ont une capacité totale de 40 000 tonnes. Tepco, dont l’action a fortement chuté (27,62 %), lundi 6 juin, minée par des informations faisant état de pertes massives, espère stabiliser la température des réacteurs en dessous de 100°C d’ici à janvier.

Près de trois mois après le séisme et le tsunami du 11 mars, la sécurité du personnel qui travaille par roulement à tenter de refroidir les réacteurs est loin d’être assurée. Selon le docteur Takeshi Tanigawa, directeur du département de santé publique à l’université d’Ehime, qui s’est rendu à plusieurs reprises à la centrale de Fukushima, "les conditions de travail et de repos, souvent en dortoir, se sont améliorées, mais elles restent très précaires et le manque de sommeil pour récupérer peut entraîner des accidents". "Les employés sont victimes de stress : ils sont confrontés au danger et parfois portent en eux la douleur de la perte d’un proche ou de leur maison lorsqu’ils vivaient à proximité, analyse le médecin. Lorsqu’ils rejoignent leur famille dans des centres d’accueil, certains se sentent ostracisés par les autres sinistrés qui, tout en admirant leur courage, les critiquent d’avoir travaillé pour Tepco."

Deux employés qui travaillaient dans la salle de contrôle des réacteurs 3 et 4 ont été officiellement reconnus, vendredi 3 juin, irradiés par des doses supérieures au seuil limite de 250 millisieverts par an.

Les personnes âgées ont été la couche de la population la plus touchée par la catastrophe. C’est aussi une génération qui, ayant connu les difficultés et les sacrifices au lendemain

de la seconde guerre mondiale, a un sens civique enraciné. Le dévouement des volontaires seniors suscite d’autant plus d’admiration que la classe politique – composée pour une bonne partie de sexagénaires – a donné une piètre image d’elle-même avec le dépôt, jeudi 2 juin, d’une motion de censure, pour le moins mal venue dans la crise que traverse le pays. Elle a été rejetée à la suite d’un engagement du premier ministre, Naoto Kan, de se retirer dans les prochains mois.

Mais ce chaos politique a été ressenti avec amertume, sinon avec colère, par l’opinion, alors que chaque jour des hommes risquent leur santé à la centrale, que 100 000 personnes vivent toujours dans des centres d’accueil et que des sinistrés fouillent encore les décombres à la recherche des restes de leurs proches.

Philippe Pons


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