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Fraude sociale contre fraude fiscale. Quand le Figaro fait déjà campagne.

Publié le 06 juin 2011 par Juan
Fraude sociale contre fraude fiscale. Quand le Figaro fait déjà campagne.Rappelez-vous, il y a une éternité, en août 2009, Eric Woerth alors ministre du budget brandissait une liste de 3.000 exilés fiscaux. Le krach boursier n'avait pas fêté sa première bougie. Nicolas Sarkozy fustigeait les banksters et les patrons voyous avec une énergie toute revigorante. Il fallait paraître gauchiste pour mieux endormir la stupeur populaire devant les déboires de la finance mondiale.
Quelques semaines auparavant, en mars, Nicolas Sarkozy s'était distingué lors d'un G20 de crise à Londres. Il avait assuré avec un aplomb inégalé parmi les chefs d'Etat occidentaux que les paradis fiscaux avaient été supprimés sur la planète entière.
A peine deux ans plus tard,on ne parle plus des paradis fiscaux. L'UMP en revanche, a bien l'intention de replacer la fraude sociale et l'assistanat comme deux sujets majeurs de la prochaine présidentielle.
Fraude fiscale...
Mercredi 1er juin dernier, le Forum mondial pour la transparence et l'échange d'informations s'était réuni aux Bermudes (sic !), sous l'égide de l'OCDE. Ce forum évalue les efforts des pays en matière de coopération fiscale. Au printemps 2009, Nicolas Sarkozy criait sur tous les toits et à toutes les sauces que les paradis fiscaux avaient disparu. Deux ans plus tard, le Forum note qu'il n'en est rien, même si des efforts avaient été accomplis. Ainsi, «  la Barbade, les Seychelles, Saint-Marin et Trinité-et-Tobago, ne respectent pas encore la norme internationale », rappelait-il dans un rapport préliminaire en janvier dernier. Mercredi dernier, c'est la Suisse qui fuit pointée du doigt. Justement, en mars 2009, Nicolas Sarkozy avait menacé la Suisse d'une inscription sur la liste noire des paradis fiscaux. Il n'en fut finalement rien. Cette fameuse liste noire se réduisit rapidement à une peau de chagrin. Les paradis fiscaux ne disparaissaient pas. Ils changeaient de nom.
Et la Suisse continue d'entretenir son secret bancaire, comme l'ont relevé les participants à ce forum la semaine dernière. En France, le parquet de Paris a finalement ouvert une enquête préliminaire sur les pratiques commerciales de la banque UBS. Cette décision date de février, mais elle ne fut révélée que le 1er juin. Elle fait suite à une dénonciation anonyme.
Pendant l'affaire Bettencourt, on avait bien compris que la fraude fiscale n'était qu'une préoccupation somme toute marginale en Sarkofrance. Grâce à quelques écoutes clandestines, on avait appris que l'employeur de l'épouse du ministre du budget avait caché une belle centaine de millions d'euros au fisc français, et qu'elle n'avait jamais subi de contrôle fiscal depuis au moins une décennie.
... ou fraude sociale ?
La fraude sociale, en revanche, était un autre sujet, bien plus prioritaire. La Sarkofrance toute entière est concentrée à imposer la lutte contre l'assistanat et son pendant délictuel - la fraude aux alloc - dans l'agenda politique de l'élection présidentielle de 2012.
Mercredi, le ministre du Travail Xavier Bertrand planchait devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Il était trop heureux de se féliciter qu'il travaillait depuis plus de 5 ans sur le sujet. Il fallait l'écouter, le ministre, livrer ses réprimandes. «Les fraudeurs sont des voleurs. (...) La fraude n'est pas un système D. »
Il avait déjà répété les mêmes termes cinq semaines auparavant en annonçant un alourdissement des sanctions, lors d'un déplacement à Rennes : « La fraude, ce n'est pas du système D, c'est du vol.» Et d'ailleurs, pour cette année 2010, il arrivait avec de bons résultats de chasse :  « En cinq ans, plus de 1,7 milliard d'euros de fraudes a été détecté ». 
Ce mercredi, sans preuve mais avec chiffre, le ministre s'était lancé : cette fameuse fraude sociale « est beaucoup plus importante mais par nature difficile » à évaluer, mais il est sûr qu'elle se chiffre en « plusieurs milliards d'euros par an ». Toujours sans chiffre, il paraît - dixit le ministre - que'à l'assurance-maladie, les contrôles des arrêts de travail au domicile des assurés sont « plus nombreux ».
Le Figaro, évidemment
La fraude sociale est le pendant pénal de la chasse à l'assistanat, lancée voici trois semaines par le jeune Laurent Wauquiez. Ce weekend, un plein article était consacré au sujet par le Figaro, baptisé « La France des assistés ». Cliver les pauvres sans emploi contre les pauvres avec emploi est un sport national en Sarkofrance. Pourquoi cette charge soudaine ? Pour deux raisons, évidentes. Il s'agit d'abord de mobiliser à droite. Il faut, ensuite, économiser : « le RSA est devenu un boulet pour les finances publiques » écrit l'auteure.
L'article, écrit par Sophie Roquelle, débutait par ce sinistre cliché : « On les surnomme parfois «les canapés». Dans le milieu de l'insertion professionnelle, on connaît bien ces demandeurs d'emploi qui ne demandent plus grand-chose, sinon de rester chez eux devant la télévision. Le travail n'est plus qu'un vieux souvenir. Leur univers se résume à un gros sofa face à un immense écran plat qui ronronne en permanence pour meubler la solitude. » Il fallait faire frémir la France qui se lève tôt et trime dur.
Puisque cette « journaliste » commence avec un cliché des plus bas, usons du même artifice. Attachons nous à la messagère. Sophie Roquelle, au Figaro, s'est spécialisée dans les articles de fond sur l'assistanat et cette solidarité nationale « qui nous coûte si cher ». Et inutile de convoquer son mari. Chacun de ses articles est très largement repris par les blogs et sites d'extrême droite. En mars dernier, elle interrogeait le ministre Xavier Bertrand, avec un titre éloquent :  « les fraudeurs volent les Français». En octobre dernier, elle s'indignait de l'aide médicale d'Etat qui permettait à des immigrés clandestins malades d'être soignés gratuitement en France :  « Aide médicale d'Etat : ces vérités qui dérangent » . En avril 2010, elle s'enthousiasmait pour l'étrange repreneur russe du quotidien France Soir, (« Pougatchev, l'homme qui veut relancer France Soir»). En octobre 2007, cette rédactrice en chef adjointe du Figaro, livrait une tribune, dans la page Débats du Figaro, sur l'école privée : « Le succès croissant de l'école privée va obliger le système public à se réinventer.»
Sophie Roquelle n'a pas travaillé son sujet. Elle explique, sans preuve ni calcul, mais imprimé sur le papier glacé du Figaro Magazine, que l' « on peut bénéficier d'un complément de RSA jusqu'à 2755 euros de revenus mensuels » . C'est faux. C'est dommage.
Elle répète quelques tracs de l'UMP : « Pouvoir cumuler tellement de minimas sociaux qu'on n'a pas intérêt à aller travailler pose «un problème» et il n'est pas anormal de demander «un geste de contrepartie» à ceux qui vivent de la solidarité nationale. Voilà pour le fond.» Quel fond ? A-t-elle seulement vérifié ses propos ? Les minimas sociaux ne se cumulent qu'exceptionnellement et dans des situations exceptionnelles. Ils sont déjà plafonnés, et largement en-deça du SMIC. Mais la journaliste a ses sources : « Selon une étude qui fait autorité (2), les aides locales peuvent en effet représenter jusqu'à 20 % du revenu d'un foyer au RSA  » écrit-elle. 20% d'un foyer au RSA ? 20% de quoi ? De 500 euros mensuels ? L'étude à laquelle cette vieille journaliste fait référence était un exercice de simulation mathématique et théorique sur le RSA avant sa mise en oeuvre.
Nous l'écrivions le 10 mai dernier. Sur les 9 minima sociaux existants, le minimum vieillesse est réservé aux plus de soixante-cinq ans n'ayant pas ou peu de droits à l'assurance vieillesse; l'allocation de parent isolé a été fondue dans le RSA (460 euros par mois pour une personne seule); l'allocation temporaire d'attente ne concerne plus que les détenus libérés (il faut donc sortir de prison !) ; l'allocation adulte handicapé et l'allocation supplémentaire d'invalidité  sont, par définition, réservées à des ... invalides. Reste l'allocation équivalent retraite, destinée aux chômeurs de moins de 60 ans ayant cotisé 160 trimestres, mais sa suppression est prévue pour bientôt.
Sophie Roquelle, apprenti-journaliste donc, a eu bien de la chance de travailler pour un employeur indulgent. Et le Figaro bien de la chance que ses journalistes ne dénoncent pas l'horrible assistance financière publique que leur journal reçoit chaque année de l'Etat.
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