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Assedic, intermittence et déphasage

Publié le 12 février 2008 par Jean Lançon

Quand j'avais vingt ans (Dieu qu'ils sont loin !), je gagnais très bien ma vie en tant que musicien. Quasiment pas un seul jour sans travail. La plupart du temps dans tel ou tel studio parisien. Je gagnais à peu près, net avant impôts, 450 à 500.000 francs (grosso modo entre 70 et 75.000 €) par an. Autant dire que j'ai énormément cotisé au régime des intermittents, sans jamais en bénéficier.

Puis il y eut une mode : celle de remplacer les musiciens par des machines. Le travail, en termes de volume, baissa donc énormément, tant pour moi que pour mes confrères guitaristes, batteurs, etc. Je zappai donc le métier et me mis à faire d'autres choses, professionnellement parlant (tout en continuant à travailler comme musicien à titre secondaire).

J'ai repris du service il y a quelques années. La profession de musicien n'est rien d'autre qu'un désert brûlé. Sauf à être un des 30 ou 40 "musiciens mégastars" du studio ou de la scène, ce que je ne suis pas, impossible de gagner décemment sa vie sans passer par ce fameux régime des intermittents du spectacle.

Si certains s'en accomodent très bien, en ce qui me concerne, et sans vouloir cracher dans la soupe, je ne me suis jamais senti très à l'aise dans ce système. Il ouvre la porte à de nombreuses dérives, auxquelles je n'ai jamais cédé. Ce qui a pour effet de limiter encore davantage mes opportunités de travail. Il fait de nous des "assimilés fonctionnaires" en état de précarité quasi permanent. Et quand nous arrivons à boucler le mois avec à peu près l'équivalent d'un SMIC, nous sommes quasiment des privilégiés.

Là, aujourd'hui, alors que mon "dossier" a expiré le 12 janvier, je viens d'apprendre par l'ASSEDIC que je bénéficie, pour une durée qui ne m'est pas précisée (mais a priori 6 mois éventuellement renouvelable), de l'ASS (Allocation Spécifique de Solidarité), à hauteur de 14,74 € par jour (hors jours travaillés bien sûr). Soit, environ 440 € par mois.

Si j'additionne la précarité du métier, les revenus très bas et le statut qui m'est inconfortable, la raison me guide à sortir de ce système et à faire autre chose. C'est en cours de réflexion, d'ailleurs. Au pire, si j'ai la "chance" (comme cela semble probable d'ici fin avril) de reconstituer un nouveau "dossier" (= 243 jours indemnisés), ce sera le dernier. Après quoi je tirerai ma révérence et, en toute probabilité, quitterai le métier de musicien. Ce qui ne m'empêchera pas de continuer la musique... bien au contraire ! Voire même que j'y retrouverai peut-être davantage de plaisir, me sentant plus libre. A l'heure actuelle, je me sens en total déphasage avec le statut d'intermittent. Et nombre de mes pairs ont l'exact même ressentiment.

A suivre.

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