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Mon chien Dop, 3ème partie

Par Sandy458

Flanqué de mon coquillage en quête d’un lieu douillet pour survivre à la marée basse, je regagne mon home sweet home.

Dans le salon, ma mère Prozac s’abrutit devant une stupidité télévisuelle qui met en scène des personnages insipides avec l’accent du sud.

Son joli brushing tout frais du jour nous souriant à sa place, elle nous salue d’un « bonsoir, les jeunes ! »  qu’elle veut enjoué.

« Si vous voulez dîner, il y a ce qu’il faut dans la cuisine, servez-vous, j’avais prévu beaucoup trop pour ta sœur et moi…

- Merci, on a déjà dîné. Bonne soirée, maman. »

Ses yeux se reposent sur l’écran plat démesuré qui happe toute vie intellectuelle de ses neurones et s’évertue à remplacer la réalité par des images falsifiées qu’elle prend pour argent comptant. Téléachats, séries anglo-saxonnes, talk-show capables de tirer des larmes à un dictateur africain, elle est imbattable, elle connait tout, un vrai magazine de télé-trash à elle-toute seule.

Tout comme Momo, elle peut conseiller n’importe qui sur la meilleure façon de se vider la tête…il aurait fait un couple très intéressant ces deux-là…

Je reste un instant à la regarder, le cœur serré par ce que je contemple : une femme, encore belle, entourée d’un luxe bourgeois discret mais palpable, l’esprit anesthésié sur ordonnance et terriblement seule. J’ai envie de bondir dans le salon, balancer l’écran de télé par la baie vitrée, lacérer le sofa en cuir avec mes ongles, saccager ce mobilier hors de prix, arracher le câblage du home cinéma et la trainer de force devant le premier miroir venu pour la contraindre à examiner ce que le reflet renverrait…le vide insondable du même regard partagé par une mère et son fils.

Deux bras chauds m’enlacent et étouffent mes velléités de destruction.

Le coquillage approche ses lèvres humides de mon oreille et susurre d’un air coquin « Allez, on y va, j’ai hâte qu’on soit seul tous les deux… ».

Son souffle chaud électrise mon épiderme, des frissons d’excitation parcourent mon corps. Ma petite patelle s’y entend pour susciter le désir et je peux lire dans ses yeux  la promesse d’un corps à corps enflammé.

A l’étage, nous passons le plus silencieusement possible devant la porte de la chambre de ma sœur qui dort déjà, du moins, je l’espère.

Impossible de rater l’entrée de son royaume sucré : une plaque en bois vernis annonce « LEA » avec moult fioritures florales.

Fixée au-dessous, une affiche à l’effigie d’une chanteuse blonde adulée par les petites filles pour sa musique pop-corn et son marketing bien huilé semble nous narguer.

Passer devant cette porte, c’est ressentir une nausée tenace qui ne vous lâche plus tant la vision de ce monde propret aux angles bien limés préfigure celui de la femme hypnotisée sur son sofa au rez-de chaussée.

Franchir la porte de ma chambre a l’avantage d’offrir un écran protecteur, même fragile.

D’ailleurs, Dop, mon chien ne s’y est pas trompé. Il passe le plus clair de sa journée à ronfler sur ma moquette ou à mastiquer un vieux jouet informe en caoutchouc dont il a malencontreusement avalé le sifflet.

Ce canidé a une formidable philosophie de vie, je peux même affirmer qu’il a tout compris à l’existence. Il préfère vivre cacher dans ma chambre, vaquer à ses saines et simples occupations plutôt que de trôner ridiculement sur le coussin 3 étoiles qui lui est réservé dans le salon et rejoindre la cohorte de  nos bibelots.

A sa vue, Amélie se réfugie sur mon lit avec un petit cri effarouché qui excite la curiosité manifeste du chien. Dop a la fâcheuse habitude de venir renifler un peu vulgairement le fondement de chaque personne qui franchit la porte de ma chambre et, ce geste amical pour la gent canine, incommode fortement la gent féminine que je fréquente occasionnellement.

Assemblage entre plusieurs races canines, ce sacré cabot à la tronche de travers a remplacé Prince Azor lors du guillotinage anticipé de l’aristocrate afghan.

Une portion dalmatien sans ponctuation, une portion chien de berger indéterminé, un soupçon de terrier pour le caractère entêté et une louche de boxer pour la face légèrement écrasée, il détonne fortement pour qui connait le penchant de ma mère pour les lévriers élégants, fins et racés. Faute de savoir à quoi ou à qui je dois le miracle de la venue de Dop dans ma vie, quadrupède que j’ai moi-même eu l’immense avantage de choisir au milieu d’une portée de bâtards patentés, je remercie dévotement Saint Prozac, soupçonnant qu’un mauvais dosage du psychotrope soit à l’origine de cette faute de goût inaccoutumée.

Comble de l’abrutissement maternel, on m’a laissé baptiser notre nouvel ami. Me remémorant une stupide publicité pour un shampooing largement utilisé par les enfants douillets,  j’ai décidé de le désigner du nom du lavant capillaire qui ne pique pas les yeux et évite les nœuds : Dop.

Apprenant mon choix pour le moins farfelu, Momo m’avait fait remarquer, une fois qu’il était enfin parvenu à calmer son rire inextinguible, que je devais être plutôt raide ce jour-là et sacrément barré pour oser un tel pied de nez.

Finalement amusé par mon incommensurable bêtise, j’ai décidé de conserver le patronyme ambigu.

Après tout, entendre toute ma famille appeler le chien à tue-tête a quelque chose d’assez risible : ça produit un drôle de caquètement capable de réduire un poulailler au silence par son incongruité : « Dop-dop-dop-dop-dop-dop-dop-dop-dop ».

La tête posée sur le rebord du lit, le regard mordoré de Dop passe alternativement d’Amélie à mes mains qui fouillent le fond de mes poches à la recherche du paquet de Momo.

Les oreilles velues se soulèvent franchement, trahissant un mouvement d’Amélie-la-patelle, qui, tout sourire, exhibe ledit paquet dans le creux de sa main. Avant que je n’ai pu esquisser le moindre geste, elle le camoufle dans son corsage et prend une pose aguicheuse.

Je croise les bras et la regarde d’un air condescendant.

La réaction désirée ne se fait pas attendre.

Amélie se jette sur moi et me renverse sur le lit.

Joueuse jusqu’au bout, elle me mordille le lobe des oreilles, me couvre de baisers, me lèche dans le creux du cou. Elle s’amuse à passer ses lèvres humectées sur mon visage et à souffler doucement. C’est un délicieux supplice qui commence à terriblement m’exciter. J’en ai la chaire de poule, le souffle court. Celui qui manipule n’est pas celui qui s’en charge habituellement mais je veux bien condescendre à me laisser tourner la tête devant de tels procédés.

Je passe les mains sous son top et lui caresse le dos, je perçois sa peau qui frémit à mon contact. Elle exhale une senteur de cerise sucrée, dont l’intensité est juste assez dosée pour ne pas faire tourner le cœur mais pour marquer l’esprit d’une empreinte olfactive indélébile bien plus intensément que le souvenir des moments partagés.

A suivre...


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