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Cannabis : l'attaque surprise de la gauche sur la sécurité

Publié le 19 juin 2011 par Bernard Girard
Une fois n'est pas coutume, la gauche vient, grâce à Stéphane Gatignon, le maire de Sevran qui veut des casques bleus dans sa ville, et Daniel Vaillant, de prendre la droite en revers sur l'un de ses sujets préférés : la sécurité.
En avançant l'idée d'une dépénalisation du cannabis, elle ouvre un débat inédit en France, met en évidence l'échec de la politique de sécurité de Nicolas Sarkozy sur un sujet central (puisque c'est le trafic de drogue qui nourrit l'essentiel de la criminalité, et pas seulement dans les banlieues, mais aussi, semble-t-il, beaucoup des accidents au travail et sur la route) et l'attaque de front sur sa philosophie : la répression à tout crin. Elle reprend, par ailleurs, à son compte le discours catastrophiste de la droite (et de l'extrême-droite) sur certains quartiers et aborde la question policière sous un angle qui ne peut que satisfaire les policiers (le manque de moyens, la fatigue des fonctionnaires sur le terrain…).
Il y a, bien sûr, des difficultés, tout le monde à gauche n'est pas disposé à aller dans cette direction, mais les réactions ne sont pas toutes négatives. On a beaucoup parlé de l'opposition de Ségolène Royal. Sans doute est-elle hostile à la dépénalisation, mais sa réaction est pour le moins nuancée. Stéphane Gatignon, dit-elle dans un entretien au Monde, "pense que si on dépénalise le cannabis, il n'y aura plus de trafic puisque l'État contrôlera le commerce du cannabis et donc il y aura un prix fixé et on ne pourra plus faire de trafic comme autrefois l'alcool. Le raisonnement économique se tient. Le problème, c'est que la toxicomanie est aussi un problème gravissime de santé publique. La vraie question, c'est les polytoxicomanie, c'est-à-dire ceux qui se droguent, boivent de l'alcool, fument, ont des conduites à risque. La question fondamentale, c'est la prévention, l'éducation. On ne peut pas relâcher la répression sur le trafic. Pas de légalisation." On a vu critique plus sévère!
Il y a aussi quelques bénéfices secondaires : sans aller aussi loin que Daniel Vaillant et Stéphane Gatignon, Dominique de Villepin s'oriente dans la même direction et d'autres à droite pourraient faire de même. Je pense notamment à cette remarque de Jean-Pierre Raffarin, cité dans l'Express, qui se dit "très franchement" opposé à l'idée avant de préciser : "Je comprends qu'il y ait débat. Parce que c'est vrai que c'est parce que c'est interdit qu'il y a un marché. Je vois bien qu'il y a une difficulté."
Le plus insolite est que cette idée de dépénalisation vient des libertariens, ces penseurs très à droite qui ne jurent que par les vertus du marché. Mais ce n'est qu'un détail.
Cette attaque est risquée mais elle vient des deux meilleures sources que la gauche ait pu trouver : un maire de banlieue au contact, au quotidien, avec les problèmes de la drogue, et un ancien ministre de l'intérieur qui connait de l'intérieur les problèmes policiers. On peut penser que les socialistes finiront pas nous expliquer, un peu à la manière de Raffarin, qu'il faut organiser un grand débat pour approfondir les solutions et résoudre les problèmes de santé qu'évoque Ségolène Royal. Leur attaque surprise et, semble-t-il, non concertée (le hasard fait parfois bien les choses!) a le mérite de pointer un vrai problème et d'éclairer d'un jour nouveau, celui de l'échec, la politique de sécurité de Nicolas Sarkozy. Celle-ci aura du mal à s'en remettre!


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