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[Critique DVD] La jument verte

Par Gicquel

Il y a le roman de Marcel Aymé , c’est une évidence. Mais l’adaptation de Claude Autant-Lara, bien que datée par ses couleurs et sa mise en scène  démonstratrice, demeure à mes yeux une séance de cinéma de première importance. On y (re)découvre un demi-siècle après, une page de notre histoire de France, les mœurs et coutumes de nos campagnes du début du XX è siècle, et les prémices d’un monde en chamboulement.

Il y a plusieurs récits dans cette aventure (on peut imaginer le film en saynètes) qui grosso modo raconte une querelle de clochers à Claquebue entre cléricaux et républicains, à travers  deux familles qui se font la gueule pour des raisons quasi ancestrales.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La jument verte que possèdent les Haudouin pourrait en être la cause principale mais allez savoir ,quand  ,autour du phénomène canin, on se bat comme des chiffonniers pour magouiller à la mairie, tandis que les femmes sont l’objet de comportements salaces et sexistes. Le harcèlement sexuel à cette époque était à la fois monnaie courante et monnaie d’échange.

Le plus étonnant aujourd’hui à l’heure du massage des pieds municipal, c’est que Claude Autant-Lara nous rapporte de telles scènes avec une truculence bonhomme, un bon sens populaire égal à celui qu’affiche les paysans de Claquebue.

Toutes les séquences ne sont pas  du même acabit, et le ton général est plutôt rigolo, un peu à la façon de «  Jour de fête ». Mais à la différence de Jacques Tati , Claude Autant-Lara s’engage politiquement et socialement dans cette peinture de la France profonde, trouvant en Marcel Aymé le partenaire idéal « pour faire voler en éclats les apparences », selon son biographe, Michèle Lécureur.

[Critique DVD] La jument verte
Des scènes à la Tati

L’autre surprise et bonheur de ce film c’est de découvrir un Bourvil gaillard et trousseur de jupons, qui joue son rôle avec la drôlerie que l’on lui connaît mais tout aussi malin quand il s’agit de ruser avec le voisin. Ce qui nous donne des scènes jubilatoires, en compagnie d’un facteur tout aussi bien interprété par Julien Carette .

Les suppléments

«  La jument verte, une épopée rabelaisienne » de Dominique Maillet (28 mn)

Freddy Buache, l’ami de Claude Autant-Lara et ancien directeur de la cinémathèque Suisse rappelle la ligne de conduite iconoclaste du réalisateur pour qui «  le cinéma devait jouer un rôle et pas uniquement un spectacle. Ca devait alors impressionner, voire scandaliser ». Une allusion aux réactions de la fraction conservatrice et catholique des années soixante qui s’opposa au film de la même façon que pour «  Le blé en herbe » .

[Critique DVD] La jument verte

Des scènes polissonnes dont le film raffole

A l’image de Marcel Aymé dont son biographe Michel Lécureur souligne «  son refus de l’ordre établi » pour Claude Autant-Lara le cinéma était « une mise en question des valeurs d’une société qu’il n’aimait pas ». Sur la genèse du film on apprend que le romancier ne souhaitait pas voir  Bourvil au générique, mais le réalisateur «  n’en fit qu’à sa tête ». Heureusement pour nous.

Un réalisateur montré du doigt par Valérie Lagrange , qui avec ses dix-sept ans de l’époque jouait la fille de Bourvil. Elle garde un souvenir cuisant du tournage : «  avec moi il était vulgaire, me traitait de pute et de salope quand je ratais une scène. Il me stressait et chaque matin j’arrivais sur le plateau la peur au ventre. Mais une fois que le film fut terminé et un succès, lors de la tournée en France il était comme un papa gâteau ».


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