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Ma part du gâteau – critique

Par Tedsifflera3fois

Deux ans après la crise économique la plus grave depuis 1929, Cédric Klapisch livre un film d’actualité qui se propose de dénoncer le monde désincarné de la finance. Mais à force de grossir le trait, c’est le film lui-même qui se trouve désincarné.

Synopsis : France, ouvrière au chômage suite à la fermeture de son usine, devient femme de ménage à Paris pour Steve, un trader sans scrupule qui surfe sur l’argent et la réussite.

Ma part du gâteau - critique
Cédric Klapisch a toujours été intéressé par les problématiques sociétales et la description des moeurs de son époque. Parmi tous les sujets compris dans ce vaste programme, la jeunesse, pour laquelle L’Auberge espagnole et Les Poupées russes répondaient au Péril jeune. Un autre sujet que le réalisateur avait traité au tout début de sa carrière était le monde du travail et de l’entreprise, avec le très pertinent Riens du tout, qui opposait déjà le nouveau patron d’un grand magasin à la ribambelle d’employés qui travaillaient dedans. A l’époque, la mode managériale était au team building, aux incitations à mieux gérer le personnel pour le rendre plus heureux, plus concerné et partant, plus efficace.

Aujourd’hui, quand on pense management, entreprises ou économie, on pense délocalisation, crise et bourse. La finance a imposé sa marque sur la vie socio-économique et Klapisch, comme il l’avait fait avec L’Auberge espagnole pour Le Péril jeune, répond donc à un autre de ses premiers films, Riens du tout, avec Ma part du gâteau. Confrontation entre les « managers » d’aujourd’hui, ou en tout cas certains de ces managers, des financiers qui cherchent simplement à trouver des « leverages », des leviers financiers, pour augmenter le profit, et les ouvriers qui subissent cette politique insensée.

Une sorte de Pretty Woman (la chanson est d’ailleurs utilisée) amer car le financier est un requin sans coeur et la femme du peuple est une mère de famille dépressive et terre à terre. Sauf que si Klapisch faisait auparavant des portraits de nos moeurs drôles et réalistes, utilisant la parodie avec parcimonie et pertinence, aujourd’hui il dessine des clichés bêtes et méchants.

France (au prénom métaphorique) est une gentille fille un peu idiote, qui ne comprend rien à son monde mais qui comprend les hommes, les femmes et les enfants. Steve est un success man intelligent, purement égoïste, un peu idiot aussi en ce qu’il ne comprend pas les réactions basiques des gens autour de lui. Un homme qui a perdu le sens des réalités, certes, mais jusqu’à être méchant dans tous les compartiments de sa vie. Le salaud intégral. Avec les femmes, les enfants, les collègues. Pas de famille, pas d’amis, un homme si dégueulasse que la critique ne peut plus prendre : elle devient trop évidente et Steve, à force de représenter le monde individualiste de la finance, ne ressemble plus à personne de la vraie vie. Il n’est plus qu’une vignette, une idée, tellement stéréotypée que le débat est forcément faussé.

A partir de là, le film n’est ni subtil ni particulièrement intéressant et avance sur les chemins balisés de la romance improbable. Pour entreprendre, à dix minutes de la fin, un virage à 180 degrés pour le moins surprenant. Ma part du gâteau adopte alors un autre ton, une autre histoire, presque un autre genre. L’atmosphère devient flottante, le spectateur se réveille un peu et se demande où va aller le film. Le problème, c’est que Klapisch se posait visiblement la même question. Ayant avancé son film dans un terrain moins connu mais plus instable, il abandonne son histoire en plein milieu, visiblement incapable de l’amener plus loin, de lui donner un sens ou une résonance.

Le spectateur devra se débrouiller avec ça, un dénouement qui ne dénoue rien mais qui ne laisse aucun noeud non plus, une fin molle, sans saveur, sans esprit, bâclée comme par aveu d’impuissance. Ma part du gâteau était peut-être un film ambitieux, ce devait être une chronique sociale bien dans son temps, mais Klapisch ne sait plus faire ça. Son film ne pose pas de question, ne donne pas de réponse. Finalement, il n’y a pas d’enjeu et on en ressort sans rien avoir à se mettre sous la dent. Seulement du vent. Un divertissement qui se donne des airs.

Note : 2/10

Ma part du gâteau
Un film de Cédric Klapisch avec Karin Viard, Gilles Lellouche et Audrey Lamy
Comédie dramatique – France – 1h49 – Sorti le 16 mars 2011


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