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Notre entretien avec JP Nataf

Publié le 25 juin 2011 par Chroniquemusicale @chronikmusicale

JP Nataf On vous a laissé avec l’album Clair en 2009, que s’est-il passé depuis cet album ?

Rien de dingue…

Quand le disque est sorti on a eu un tout petit peu de difficulté à partir en tournée aussi vite qu’on aurait voulu. A cause de la crise du disque, qui n’est pas qu’une crise d’une disque, mais une crise de la musique en général. Je crois que c’est un peu facile de dire que c’est unique le disque parce qu’en réalité c’est aussi très compliqué d’arriver à jouer autant qu’on voudrait.

Après ça a fini par prendre…

Clair a eu un très bel accueil…

Oui, il y a eu un peu de passage radio et tout ça, mais c’est vrai qu’en ce moment c’est un secteur un peu sinistré.

Moi qui ai été élevé à l’époque « fast ». Par exemple, le premier album des Innocents on en a vendu 15 000 à l’époque c’était vraiment un four, mais on avait réussi à faire 120 dates quand même, à faire donc un vraie tournée.

Là maintenant avec un album qui est bien reçu, c’est compliqué, ça prend du temps, tout est étiré en longueur, les gens hésitent. C’est un secteur qui est très frileux alors du coup on vient à peine de rentrer de tournée. Mais je ne peux même pas appeler cela une tournée, c’était des concerts mais c’était très décousu.

Le bénéfice de ça c’est que finalement de prendre le temps m’a permis de vraiment trouver le groupe. C’est un moment important quand on est complètement en osmose avec ses musiciens, qu’on a trouvé son équipe, son organisateur. Là j’ai une équipe vraiment béton donc pour le futur c’est rassurant.

Je n’aime pas enchaîner deux albums, on les enchaîne forcément, mais ce que je veux dire c’est que je ne me mets pas du tout la pression dans ce sens-là. Je trouve que si on ne vit pas des choses entre deux disques on raconte un peu toujours la même chose, on reste sur les mêmes sentiments, on recopie ses propres sentiments, ses propres sensations. J’aime bien la nouveauté, j’aime bien savoir que j’ai des émotions différentes qui me donnent envie d’écrire comme çi ou comme ça, que j’ai rencontré des gens qui font que je pense la musique un peu autrement.

J’ai très envie de commencer à écrire mais je ne me dis jamais « je ferai un album l’année prochaine ». J’ai plutôt envie de me disperser un peu. J’ai dit oui à beaucoup de projets, écrire un peu pour du cinéma, pour d’autres chanteuses, j’ai fait un peu de réalisation artistique avec Mina Tindle qui chante sur mon album, et dont on est en train de terminer le disque.

Après il y a les contingences de la vie. J’aurais voulu enchaîner un petit peu plus vite éventuellement avec le groupe, mais par exemple ma violoniste attend un bébé. Il y a des choses comme ça qui viennent se glisser.

Pour moi, enfant c’étaient tellement important les disques, ça m’a tellement aidé, ça m’a semblé totalement un univers, un monde, que pendant longtemps j’ai beaucoup sacrifié à ça avec une sorte de douleur au travail de me dire « il faut que j’y arrive ». Avec le temps je me rends compte que finalement je suis beaucoup plus satisfait de ce que j’arrive à faire quand la vie est autour, quand on prend le temps, qu’il n’y a plus d’urgence. En fait, ne jamais sacrifier à un projet quelque chose qui se passe d’important dans sa vie. Un disque peut toujours attendre, les gens peuvent toujours attendre, il n’y a pas vraiment d’urgence.

Bêtement, je crois que dans le travail c’est important parce que du coup on a plus de recul. Il m’arrive parfois d’être persuadé qu’une chanson est fantastique, il y a douze copains qui vous disent que c’est fantastiques et puis un an après il y a un truc qui est passé, c’était une chanson très immédiate. Alors en 63 ,je l’aurais sortie en single tout de suite et puis c’est pas grave. Mais là vue que les projets sont un peu longs, au bout d’un moment, ça dessine une cohérence, parce qu’on se débarrasse d’un truc qui correspond à une humeur d’un moment. Les poubelles sont pleines de choses…

En plus en vieillissant j’essaie de me débarrasser de tout ce qui est le travail un peu laborieux. J’ai passé tellement d’années à tellement chérir l’objet chanson que parfois j’étais un peu dans le besogneux. J’étais un peu perfectionniste pour pas grand chose. Depuis quelques années il y a une sorte de libération. J’aime bien quand ça va vite. J’aime bien jouer des chansons sur scène quand on n’est pas complètement prêts. J’aime bien le goût du danger, j’aime bien quand ça produit des belles choses, des émotions assez fortes.

Vous prenez un temps pour vivre…

Vivre… faire de la musique surtout. Pour moi vivre, c’est faire de la musique. Allez voir un peu ailleurs.

Je suis vraiment, complètement serein avec ma carrière, comme elle a tourné. Je suis vraiment très heureux avec ce que je fais, avec les gens avec qui je collabore, maintenant il reste une frustration, je voudrais jouer plus, être sur scène plus souvent.

Je pense que c’est peut-être du à la façon dont j’ai appréhendé le métier, peut-être je ne suis jamais allé trop dans le sens de ça. J’ai peut-être mis du temps à me dire que c’était vraiment là que j’étais complètement bien et donc je n’ai pas toujours poussé au niveau stratégie les curseurs de ce coté là. Je pourrais faire partie d’une troupe de je ne sais pas quoi. Je suis en même temps solitaire et en même temps j’adore être sur la route avec des gens alors du coup il y a un espèce d’entre deux qui ne me satisfait pas complètement. Parfois le soir vers 21h00 je me dis « tiens tu devrais être sur scène là ». L’avantage c’est que du coup je suis un peu en recherche de ça, donc je joue souvent avec des copains. Pour un oui, pour un non on va chanter les uns avec les autres, on s’appelle, on va jouer un coup de guitare.

Je sais que dans les années 90 c’était plus facile. On faisait un album puis une très grosse tournée, quand on rentrait ça nous faisait du bien de nous imaginer rester un peu à la maison et faire autre chose. Là vue que les tournées m’épuisent pas complètement, quand je rentre j’ai encore un peu envie de jouer. C’est comme quand on quitte la table et qu’on a un peu faim. Du coup on grignote en attendant.

Dans vos chansons, les mots sont très mélodieux, comment composez-vous ?

Je suis un musicien, il y a d’abord mon plaisir de jouer. Je connais des gens qui commencent la musique de manière plus conceptuelle, parce qu’ils savent exactement où ils veulent aller. Comme il y a des cuisiniers qui ont une recette très précise. Moi j’adore cuisiner, mais j’aime bien le coté empirique des choses. Ça part souvent du plaisir de couper les légumes…

Je pourrais jouer un truc que j’aimerais entendre, mais si je ne prends pas de plaisir à le jouer je pense que ça ne marche pas. A un moment il faut qu’il y ait déjà du plaisir.

Après, composer, c’est le truc le plus excitant. Je crois qu’il n’y a rien dans ce métier de plus dingue que le moment où une mélodie arrive. Pour le peintre, le moment où il y a le geste.

Avant d’être auteur, je suis aussi chanteur. Le musicien, le compositeur et le chanteur, tyrannisent l’auteur. Finalement les trois disent à l’auteur « pond nous quelque chose qui ne frustrent aucun d’entre nous ».

Après malheureusement je n’ai que la voix que j’ai, donc très vite ça va influer sur le choix des mots parce que je ne peux pas tout chanter non plus. Avant de trouver le bon mot, on peut en essayer 37 parce que bêtement il y a des syllabes qui freinent, il y a des syllabes qui accélèrent.

Sans arrêt il y a un choix drastique qui est de dire « qu’est-ce que je sacrifie : le sens ou le son ? ». En fait quand les gens disent de mes textes qu’on ne les comprend pas forcément c’est qu’à un moment, je suis obligé de faire ces choix. Il y a un moment effectivement, il y a un mot qui ramènerait du sens, mais je suis assez d’accord avec Murat qui disait « faire son c’est plus facilement faire sens, que le contraire ». On peut écrire quelque chose de très intelligent, mais si ce n’est pas très bien chanté, que la musique n’est pas très agréable ça fera une petite chronique éventuellement, mais ce ne sera pas une bonne chanson. Alors qu’une bonne chanson qui dit pas grand chose il y en a eu beaucoup dans l’histoire de la musique, des chansons un peu bébêtes qui peuvent être fantastiques. Banana Split pour moi c’est une super chanson.

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