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Refinancement collatéralisé : émergence des contreparties centralisées

Publié le 28 juin 2011 par Sia Conseil

Refinancement collatéralisé : émergence des contreparties centralisées La crise financière, consécutive à la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008, s’est caractérisée par un assèchement brutal du marché interbancaire non sécurisé, résultat de la crise de confiance globale engendrée par l’effondrement de la bulle des subprimes.

Privées de leur source habituelle de refinancement à court terme, les banques se sont massivement retournées vers 1) les aides d’Etats, 2) les injections de liquidité prodiguées par les Banques Centrales, 3) et le marché interbancaire sécurisé.

Peu connu du grand public, les opérations de refinancement sécurisées (ou collatéralisées) ont connues une forte croissance (relativement au refinancement interbancaire non sécurisé) lors de la crise financière. Ce marché, majoritairement constitué des opérations de repo, est en pleine expansion depuis près d’une décennie. Multiplié par 2,5[1] entre 2001 et 2007, il a rejoint ses niveaux d’avant-crise dès Juin 2010. Cette expansion continue, accélérée lors de la crise, s’explique par le fait que: 1) le refinancement « secured » offre des taux d’intérêts moindres que le refinancement « unsecured », 2) les réglementations mises en place (Bâle II,..) incitent à l’utilisation de tels produits, 3) la tension sur les marchés est toujours présente.

Pour rappel, un repo[2] (contraction de sale and repurchase agreement, pension livrée ou nantissement en français) représente un prêt garanti par des titres : en cas de défaut de l’emprunteur, la propriété des titres est automatiquement transférée au prêteur. Pour le prêteur, l’intérêt de tels produits réside principalement dans leur faible risque : en effet, il est très peu probable que l’emprunteur et l’émetteur du titre fasse défaut simultanément. Ce faible risque offre ainsi à l’emprunteur la possibilité de se refinancer à moindres coûts en utilisant un investissement de son portefeuille d’actifs.

LE REFINANCEMENT COLLATERALISÉ VIA UNE PLATEFORME DE COMPENSATION

La crise financière de 2008 à vue croître avec elle les contreparties centralisées (CCP) dédiées aux opérations de repo. Le nombre d’opérations exécutées via des CCP a ainsi augmenté de plus de 30% entre décembre 2007 et décembre 2010, porté par les principaux acteurs que sont EuroCCP, EUREX et la Cassa di Compensazione e Garanzia (Italie).

Pour rappel, le principe de compensation par contrepartie centrale est le suivant : après que deux parties se soient accordées sur une transaction (directement ou indirectement via un système d’offre), la plate-forme de compensation se substitue dans chacune des deux jambes de la transaction, jouant le rôle de contrepartie de chaque côté. Par ce mécanisme, appelé novation, la plate-forme devient « l’emprunteur de tous les prêteurs et le prêteur de tous les emprunteurs ». L’avantage de ce mécanisme est qu’il permet la compensation[3] des engagements multilatéraux et la centralisation du collatéral. Par ailleurs, afin de réduire le risque et les impacts liés au défaut d’un membre de la plate-forme, les CCP se sont dotées de plusieurs niveaux de couverture. Le premier niveau de protection est constitué par un dépôt de garantie (appelé marge initiale) requis pour toute opération effectuée via la plate-forme. En deuxième instance, afin de se prémunir des évolutions du risque dues à la variation des prix au fil du temps, les CCP effectuent périodiquement des appels de marge. En outre, les plates-formes de compensation constituent généralement des coussins de sécurité additionnels, via des fonds de garantie mutuels ou la souscription d’une couverture d’assurance. Enfin, l’accès aux CCP est généralement soumis à certaines obligations financières qui visent à réduire la probabilité de défaut.

Ci-après un exemple d’une opération de repo via une CCP :

  1. Une banque A (l’emprunteur) souhaite emprunter 100 millions € pour une semaine via un repo (= offre).
  2. La banque B (le prêteur) accepte l’offre.
  3. Une opération est alors générée, et la CCP devient la contrepartie légale des deux banques.
  4. La CCP procède au « settlement » et au « clearing » de l’opération (règlement par compensation).
  5. Une confirmation de l’opération est envoyée aux banques.
  6. La CCP transmet les informations relatives au « settlement » aux Security Deposits des banques.
  7. La CCP transmet les informations relatives aux marges à un Margin Deposit.

Refinancement collatéralisé : émergence des contreparties centralisées

EXEMPLE DU MARCHE ITALIEN

Durant la crise financière, afin de palier au manque de liquidité sur le marché interbancaire italien, la Banca d’Italia a mis en place le MIC (Mercato Interbancario Collateralizzato). Dans cette structure, la Banca d’Italia joue le rôle de « facilitateur » : elle permet l’anonymat des participants, elle sert de custodian (dépositaire), elle administre et évalue les garanties, et elle gère les défauts.

  • Pour les prêteurs, une telle structure permet d’éliminer le risque de crédit et le risque de liquidité et minimise les besoins de capitaux.
  • Pour les emprunteurs, une telle structure permet avant tout l’élimination du « stigma effect »

Le système de garanties requiert que chaque participant dépose auprès de la Banca d’Italia suffisamment de collateral pour couvrir sa position de débiteur. Par ailleurs, en cas de défaut, un partage mutuel des pertes (à hauteur de 10% du collateral déposé) est prévu. Enfin, la position d’un participant ne peut dépasser plus de 5 milliard €, et ne peut représenter plus de 50% de son capital réglementaire. Une taxe est également prévue (0,25%) si du collateral non éligible est utilisé, ce dernier ne pouvant dépasser 90% du collateral déposé.

Fort de son succès pendant la crise, la Banca d’Italia a décidé de prolonger la durée de vie du MIC, initialement prévu jusqu’au 31/12/2009. Ses attributions ont donc été reconduites pour une durée indéterminée et son accès a été ouvert aux banques européennes.

AVANTAGES ET RISQUES

L’émergence et la croissance des CCP, et notamment l’expérience italienne, montrent la grande utilité que peuvent présenter de telles structures.

En effet, il existe de nombreux avantages :

  1. En gérant le risque de contrepartie et via le mécanisme de clearing, les CCP permettent à leurs membres d’économiser du collateral (en comparaison à des opérations bilatérales, et à niveau de risque équivalent).
  2. Par ailleurs, la charge consacrée à la surveillance des différentes contreparties est transférée des membres vers la CPP, cette dernière étant par construction l’unique contrepartie vue par les participants.
  3. L’unicité de la contrepartie permet également de réduire drastiquement les coûts et les délais post-négociation (FO, BO, département légal…).
  4. Du fait de la centralisation des ordres et des titres, les CCP peuvent donner la possibilité à leurs membres de pratiquer le « re-use » de titres reçus en garantie. Un tel fonctionnement permet une optimisation notable du collateral.
  5. Enfin, de tels dispositifs de centralisation permettent aux régulateurs de disposer de référentiels de données complets et facilement accessibles.

Cependant, outre les problématiques d’inter-connectivité des systèmes et des législations nationales (problématiques sur lesquelles se penchent l’ICMA[4] et le COGESI[5]), le modèle des CCP présentent un risque majeur : « l’effet de second tour ».

Si un établissement financier se voit contraint de céder un titre (du fait d’une hausse de la volatilité), cette vente déprime les prix. De ce fait, les autres établissements doivent alors revoir à la baisse l’évaluation de leurs positions à la valeur de marché et répondre aux appels de marge des CCP. Leurs systèmes de gestion du risque, généralement analogues – car reposant sur les mêmes modélisations (VaR, …) et observant les mêmes indicateurs (Bâle II, …) – réagiront alors de manière coordonnée à ses signaux négatifs en procédant à leur tour à une réduction du risque. Cette réaction en « second tour » déprimera à nouveau les prix, générant ainsi une spirale dépressive d’autant plus rapide que les appels de marge automatiques des CCP sont fréquents.

Ce phénomène d’amplification constitue un véritable défi pour les régulateurs. Un changement des règles du jeu, notamment pour limiter l’automatisme des appels de marge et ainsi éviter ces spirales d’effondrement est-il nécessaire? Une première piste pourrait consister en la mise en place d’un centre unique d’évaluation des actifs utilisés comme collateral afin d’harmoniser les prix et éventuellement lisser leurs variations.

Malgré tout, d’aucun perçoivent les CCP comme la clé d’une régulation visant à protéger le système financier et non ses acteurs, les autorités de régulations se concentrant alors sur la seule viabilité des plateformes (notamment via une définition stricte des conditions d’accès aux plateformes par les acteurs). Une telle structure permettrait alors de sortir du dilemme du « too-big-to-fail ».

Sia Conseil


[2] En France, ces opérations sont définies par la loi n°93-1444 du 31 décembre 1993.
A travers les législations, un repo désigne invariablement un contrat dans lequel deux parties s’accordent sur la vente de titres (utilisé comme collateral) ainsi que sur leur rachat à une date ultérieure.
La date de maturité du contrat (= date de rachat des titres) peut être fixée au moment de la signature ou reconduite journalièrement (open repo). Généralement celle-ci court entre un jour et un an.
A date de maturité du contrat de repo, le vendeur est obligé de racheter le collateral à son prix original de vente. En sus, il doit également s’acquitter d’intérêts calculés sur base de la durée du prêt et du montant du nominal.

Lorsque la propriété du collatéral est transférée à l’acheteur à date de valeur, on parle de delivery repo (pension livrée). L’acheteur peut alors faire l’usage qu’il souhaite des titres durant la période de repo, mais il est cependant obligé de les retourner au vendeur à date de maturité. Il est important de noter que, dans cette configuration, l’acheteur est également le bénéficiaire des intérêts et détenteur des droits de vote liés aux titres. Si les obligations sont nanties auprès de l’acheteur sans que la propriété ne soit transférée, on parle alors de repo hold-in-custody. Quoi qu’il en soit, si le vendeur venait à faire défaut, la propriété des titres est alors automatiquement transférée à l’acheteur.

Ci-après un exemple d’opération de repo:

  1. Une banque A (le vendeur) souhaite emprunter 100 millions € pour une semaine.
  2. La banque B (l’acheteur) offre au vendeur un repo à 5%.
  3. Le vendeur accepte l’offre. A la date de valeur, il délivre 110 millions € d’obligations d’Etat à 6% en échange de 100 millions € de cash.
  4. A maturité (1 semaine plus tard), l’acheteur retourne les 110 millions € d’obligations au vendeur. Ce dernier lui reversant les 100 millions € du prêt, ainsi que les 97 222€ d’intérêts (=100 000 000×5/100×7/360).

Refinancement collatéralisé : émergence des contreparties centralisées

Voir également article « Le prêt-emprunt de titres, une source de revenus additionnelle pour les sociétés de gestion ».

[3] Netting ou clearing en anglais
[4] International Capital Market Association
[5] Contact Group on Euro Securities Infrastructures


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