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Prime versus dividendes : le combat est truqué !

Publié le 29 juin 2011 par Jblully

Prime versus dividendes : le combat est truqué !Alors que la sempiternelle – et incontournable – question du partage de la valeur ajoutée reste posée, la réponse du Gouvernement, sous forme du versement obligatoire d’une prime liée aux dividendes dans les sociétés de 50 salariés, soulève de très nombreuses interrogations au risque de ne faire que des déçus, aussi bien parmi les employeurs que les salariés. 

Nouvel imbroglio juridique et économique malgré des avancées

Le dispositif mis en place, dans le cadre du projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale, se veut pourtant simple : toutes les sociétés commerciales employant habituellement 50 salariés et ayant versé des dividendes par part sociale ou action supérieurs à la moyenne des dividendes distribués au cours des deux derniers exercices doivent attribuer une prime, exonérée de cotisations sociales dans la limite de 1 200 € par salarié et par an, à l’ensemble de leurs salariés. Ses modalités d’attribution et son montant sont négociés dans l’entreprise.

Il est vrai qu’au regard du document transmis pour avis au Conseil d’Etat, la version définitive du projet de loi est nettement plus claire.  Ainsi, sur le champ de la mesure : ne sont concernées que les « sociétés commerciales ». On relèvera donc que les SARL ont été incluses dans le projet alors même que l’on pouvait en douter à l’origine. En sont-elles heureuses pour autant ? Je ne le parierai pas … On notera également que les sociétés commerciales employant moins de 50 salariés mais remplissant la condition relative à la distribution de dividendes pourront volontairement mettre en œuvre la prime en leur sein, tout en bénéficiant des avantages sociaux prévus ce qui, là encore, n’était pas envisagé il ya quelques semaines. Sur ce plan au moins, l’égalité entre entreprises est rétablie.

Pour autant, les difficultés restent nombreuses.

Du point de vue des principes, d’abord. Sont invoqués pêle-mêle : la rétroactivité de la loi qui s’appliquera dès 2011, y compris aux entreprises ayant décidé d’attribuer des dividendes avant la publication du texte légal même si on rappellera que le législateur peut adopter des dispositions rétroactives dès lors qu’elle ne porte pas atteinte à des droits acquis ; une rupture d’égalité entre entreprises selon qu’elle verse ou non des dividendes mais surtout selon leur forme juridique puisqu’une EIRL, par exemple, ne pourra, par définition, jamais faire bénéficier ses salariés d’une prime exonérées de charges sociales faute de pouvoir juridiquement attribuer des dividendes ; enfin, une atteinte à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété.

Surtout, on peut déplorer qu’une fois encore le Gouvernement agisse sans concertation préalable des organisations patronales et syndicales comme l’y oblige pourtant l’article L. 1 du Code du travail. Le reproche est d’autant plus vif que les partenaires sociaux ont acté le 26 avril dernier, dans le cadre de la délibération sociale relative à la modernisation du dialogue social, qu’ils aborderont les attributions des institutions représentatives du personnel (IRP) au regard de la création de la valeur ajoutée et de l’affectation des résultats de l’entreprise.

Du point de vue technique, ensuite, le projet de loi laisse de nombreuses questions en suspend. Deux exemples parmi d’autres : comment calcule-t-on l’effectif habituel de 50 salariés ? Comment mettre en œuvre le versement de la prime dans les filiales d’un groupe dont la société mère aurait distribué des dividendes supérieurs à la moyenne des deux dernières années ?

Du point de vue économique, enfin, l’attribution obligatoire d’une prime liée au montant des dividendes alloués est vivement contestable. Le dispositif vient perturber les négociations salariales annuelles, voire les prévisions conventionnelles et économiques lorsque les négociations sont d’ores et déjà closes. De même, la référence au dividende moyen par titre, versé lors des deux derniers exercices, est discutable. La distribution de dividendes dépend largement de considérations extérieures à l’entreprise et la mise en œuvre du dispositif conduira à des solutions étonnantes. Ainsi, une entreprise n’ayant pas versé de dividendes depuis plusieurs exercices et qui décide en sortie de crise d’un dividende minime serait astreinte à la négociation d’une prime à laquelle échappera une autre entreprise qui distribue un dividende important mais stable depuis plusieurs années.

Déception salariale

Du côté salarial, le tableau n’est guère plus réjouissant. La lecture de l’étude d’impact accompagnant le projet de loi suffit à s’en convaincre. Seuls 4 millions de salariés français, soit à peine 20 %, pourraient bénéficier de cette prime dont le montant moyen est évalué à … 700 euros ! On est donc loin des 1.000 euros par salarié annoncés au début du printemps.

Premières victimes, les fonctionnaires, ceux-là même dont l’évolution des traitements est gelée pour la seconde année consécutive : ils sont exclus du dispositif. Deuxième catégorie touchée : tous les salariés des entreprises de moins de 50 salariés – sauf mise en œuvre volontaire -, soit près de 99 % du tissu entrepreneurial français pour 41 % des salariés du secteur privé. Restent donc concernés, au mieux, 1 % des entreprises françaises et environ 10,5 millions de salariés. Et là encore le constat est implacable : moins d’un sur deux serait intéressé par la mesure.

Vers une réforme en profondeur de l’épargne salariale ?

On le comprend donc, la déception sera à la hauteur des espoirs qu’une communication du Gouvernement hasardeuse a fait naitre. La critique est d’autant plus simple que l’étude d’impact révèle un coût pour les finances publiques de 400 millions d’euros à terme !

Quelle solution alors ? Substituer aux mesurettes conjoncturelles, une réforme en profondeur des mécanismes de participation et d’intéressement des salariés aux résultats de l’entreprise. C’est en tous cas la proposition que défend la CCIP de longue date selon le schéma suivant :

-   Un dispositif unique : celui de l’intéressement, qui présente l’avantage de la souplesse notamment dans le choix des critères permettant d’en calculer le montant, en lien avec les résultats et les performances de l’entreprise et l’investissement professionnel des salariés.

-   Des mesures favorisant l’épargne de long terme en vue, notamment, de financer les retraites en rendant l’accès au PERCO plus  au moyen d’une majoration de la prime pour l’emploi (PPE) pour les salariés non imposés sur le revenu, du relèvement et de la simplification des plafonds de versement ou encore de la déductibilité des versements volontaires de l’impôt sur le revenu.

Souhaitons que les partenaires sociaux s’emparent sérieusement de cette question !


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