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« Il va falloir travailler plus pour espérer ne pas gagner moins »

Publié le 29 juin 2011 par Copeau @Contrepoints

A lire sur Atlantico : Michel Godet

« Il va falloir travailler plus pour espérer ne pas gagner moins  »
Contrepoints relaie une interview sans langue de bois de Michel Godet, publiée sur Atlantico. Michel Godet, connu pour son franc-parler, est professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers (Chaire de Prospective Stratégique) et membre de l’Académie des Technologies et du Conseil d’Analyse Economique. Extraits.

[...] Les « moutons » français vont donc être tondus après 2012, mais ils ne le savent pas encore. Si c’est la droite des déficits publics et des renoncements qui l’emporte, on s’effondre, et si c’est la gauche démagogique qui refuse de voir les dégâts des 35 heures, on va se retrouver comme en 1981, avec des promesses dangereuses à tenir à grands renforts d’assistance, d’emplois publics… mais, cette fois, le tournant de la rigueur arrivera au bout de six mois ou neuf mois, car l’euro nous oblige plus que le franc à ne pas trop dérailler.

[...] Je pense qu’il nous faut un choc salutaire comme la Grèce pour remettre les pendules à l’heure et faire prendre conscience de la vérité aux Français. Un jour ou l’autre, on va découvrir qu’on n’est plus AAA, l’Allemagne va nous demander de rentrer dans le rang sous peine de revenir au Mark, car l’euro est un « sous-Mark ». D’ailleurs, si la France est aujourd’hui solidaire du « mauvaise élève » grec, c’est qu’inconsciemment, elle sait qu’elle est dans la même situation.

[...]

Ceux qui disent qu’il faut faire l’école buissonnière des contraintes européennes se fourvoient : ce n’est pas en suivant les cancres qu’on avance. Il faut arrêter de dire que c’est la faute de la mondialisation : comment font l’Autriche, les Pays-Bas ou la Finlande pour avoir une balance commerciale excédentaire ?

La France a dix points de dépenses publiques de plus que l’Allemagne, et elle a perdu dix points de compétitivité-prix depuis dix ans : les deux phénomènes sont liés, et c’est ainsi que 40% de notre déficit industriel vient de l’Allemagne, et non pas des pays à bas salaires.

Les Français doivent comprendre qu’il va falloir travailler plus pour espérer ne pas gagner moins, même si aucun homme politique n’a le courage de dire ce qu’il pense tout bas. Combien de camarades et de bobos me glissent  à l’issue d’émissions : « je suis d’accord avec toi mais je ne le dirai pas devant les caméras ! » C’est bien « le mensonge qui gouverne le monde », comme le relevait Jean-François Revel.

[...]

Le vrai problème, c’est d’améliorer l’efficacité de la dépense publique : on ne doit pas confondre service public et statut public des agents qui le rendent. Dans les administrations, le cumul des  congés et des RTT (58 jours à l’équipement !), gonflé par un absentéisme croissant (20 jours par an dans les collectivités territoriales en 2010 contre 17 jours en 2002) pose la question de l’efficacité décroissante des services publics. Aujourd’hui, il y a une moitié de la France qui ne pense qu’à une chose : poser ses heures de travail autour de ses jours de congé. C’est une armée de protégés et de rentiers d’un système qui ne fonctionne que parce qu’il y a une armée de réserve qui travaille à sa place. La Suède a par exemple supprimé le statut de fonctionnaires au nom de l’égalité entre les citoyens, tout en instaurant un Contrat à Durée Indéterminée (CDI) pour tout le monde.

On a trop d’exceptions françaises, et il faut arrêter de penser qu’on est les seuls à avoir raison : quand on a une bonne idée, en général d’autres l’ont eue et ça marche déjà quelque part ; quand on a une idée que l’on croit bonne et qu’on est les seuls à l’avoir, c’est qu’elle n’est pas si bonne que cela . C’est ce que j’avais dit à Martine Aubry pour les 35h, mais aussi au gouvernement actuel pour le RSA, l’ISF et le Grenelle de l’environnement. Il faut toujours expérimenter, mutualiser les bonnes pratiques, et cesser d’agir d’en haut sur une France que l’on regarde à la jumelle jacobine.

Ces propos ne me font pas que des amis. Mais je me souviens de Jacques Barrot me disant en 1996 : « Godet, la patrie est en danger : allez-y, foncez ! ». Je cherche le ou la candidat(e) qui aura assez de courage et de bon sens pour dire la vérité aux Français et de porter cette bonne nouvelle : le mal est en nous, mais les solutions aussi. Si la France d’en-haut nous a fait tomber bien bas, celle d’en-bas, des entrepreneurs et des rameurs, pourra nous sortir par le haut.

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