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Un tour de passe-passe en attendant la canicule - Jim DODGE - L'oiseau canadèche (Cambourakis - 2010 - trad. Jean-Pierre Carasso) par Lazare Bruyant

Par Fric Frac Club
On avait laissé Jim Dodge entre les doigts embarrassés de notre encoquillé de service. Il nous est revenu en fin d'année dernière sous la forme d'une réédition discrète & bien sentie des éditions Cambourakis qui remettent en selle ce joli trésor de concision. Mini roman aux joues roses, novella d'une sensibilité toute automnale qui devrait rafraîchir nos cœurs en ce début d'été, L'Oiseau Canadèche est aussi un joli conte, un vrai, qui essaie de ne pas trop lorgner vers les chemises à carreaux du Montana & ses gros moustachus alcoolos (Harrison, Crumley, Hugo, Rick Bass... ah non, celui-là est chauve). On y croise une foule de personnages étranges, aux pouvoirs pas toujours coordonnés, un jeune héros (Jonathan Adler Makhurst II, dit Titou, dit Le-gars-qui-va-te-tirer-une-sacrée-larme-dans-100-pages-tout-pile) recueilli par un grand-père farfelu & super attachant, pépé Jake, gardien de la potion magique (le Vieux Râle d'Agonie, bourbon dont la recette lui fut donnée par un indien agonisant dans les rues de Nevada City & dont les propriétés s'apparentent à celles du LSD : « Bois-ça. Tiens-toi peinard & tu seras immortel »), on y trouve des moments tristes, quelques batailles & de grandes leçons de vie à retenir pour plus tard. Magie !
Publié en 1983, 6 ans avant Stone Junction, L'Oiseau Canadèche en est le brouillon métaphysique. Loin de toute figure de style, c'est la cellule souche d'un monde immense que Dodge a sans doute un peu trop fait traîner dans son gros pavé alors qu'ici, dans la fine couche d'une centaine de pages, tout prend place sans à-coups & couvre, emplit l'énormité de nos désirs d'histoires. C'est que Jim Dodge a réussi le tour de passe-passe parfait : conte rupestre du Grand Ouest, L'Oiseau Canadèche est aussi un roman d'apprentissage (le plus petit du monde à ce que j'en sais), une esquisse naturaliste, un traité pratique sur l'éducation aviaire, une frise western de poche (le duel n'est pas tout à fait de même nature que ceux qui nous ont fait trembler dans le magnifique Warlock & le saloon se fait à la maison, par contre, on a un indien mort, une partie de poker, du bourbon, des clôtures plantées dans la Grande Prairie...). L'Oiseau Canadèche c'est enfin un éclat furtif qui, l'air de ne pas y toucher, guinche l'un des mythes les plus imposants de la littérature américaine car, en partant sur les traces de Cloué-Legroin, sorte de sanglier bigger than life responsable de la mort d'un de ses chiens & de l'apparition « magique » de Canadèche, Titou s'est trouvé un Moby Dick à sa taille & choisit de se perdre à la manière d'un Achab miniature. Du coup pépé Jake finira bien par mourir un de ces quatre, mais ça n'est pas grave, on en a eu largement pour notre pop-corn & en plus on pourra y revenir sans avoir la flemme. C'est pas comme si c'était les Frères Karamazov. C'est plutôt un joli tour de passe-passe. Un tour de passe-passe en attendant la canicule - Jim DODGE - L'oiseau canadèche (Cambourakis - 2010 - trad. Jean-Pierre Carasso) par Lazare Bruyant

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