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Remaniement ministériel du 29 juin 2011 : la colère est une courte raison

Publié le 30 juin 2011 par Sylvainrakotoarison

François Baroin et Valérie Pécresse vont occuper en binôme Bercy tandis que Bruno Le Maire voit s’échapper une nouvelle occasion de servir plus haut. 

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La nomination de Christine Lagarde à la direction générale du Fonds monétaire international a été saluée tant au Conseil des ministres qu’à l’Assemblée Nationale lors de la séance des questions au gouvernement du mercredi 29 juin 2011.

Le remaniement ministériel rendu nécessaire non seulement par cette "expatriation" mais également par la démission puis la mise en examen de Georges Tron le mois dernier a été l’objet d’âpres négociations à l’intérieur de l’UMP.

L’annonce du remaniement a été éclipsée l’après-midi de cette même journée par la libération inattendue des deux journalistes de France 3 Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier retenus en Afghanistan depuis le 30 décembre 2009 et par le résultat énigmatique de la primaire des écologistesEva Joly est arrivée largement en tête mais avec seulement 49,7% ; elle devra affronter Nicolas Hulot (40,3%) dans un second tour qui pourrait changer le sens du premier tour (fin des votes prévue pour le 12 juillet 2011).

Pourtant, ces dernières nominations ministérielles avant la campagne présidentielle pourraient être le point de départ de nouvelles rivalités à droite pour la décennie qui commence. Rappelons que c’est l’éviction de François Fillon du gouvernement de Dominique de Villepin le 31 mai 2005 qui décida le futur Premier Ministre à proposer ses services à Nicolas Sarkozy.

Malgré la mise en concurrence pour le poste de Premier Ministre pendant tout l’automne 2010, un petit groupe de quadras chiraquiens avait réussi à préserver leur unité et complicité autour de Jean-François Copé et Christian Jacob qui ont réussi à conquérir respectivement la tête de l’UMP et la tête de l’important groupe des députés UMP. Parmi ceux-là, Valérie Pécresse, Bruno Le Maire et François Baroin.

Ces derniers jours, la querelle a fait rage entre François Baroin et Bruno Le Maire, trop à l’étroit dans son Ministère de l’Agriculture où il a su se faire apprécier tant auprès des agriculteurs qu’au niveau européen.

Bruno Le Maire

Bruno Le Maire, 42 ans, normalien et énarque, a été le directeur de cabinet de Dominique de Villepin à Matignon. Après avoir été élu député en juin 2007 (dans l’ancienne circonscription de Jean-Louis Debré), il a été appelé au gouvernement par Nicolas Sarkozy le 12 décembre 2008, d’abord aux Affaires européennes puis le 23 juin 2009 à l’Agriculture.

D’un fort potentiel, discret dans ses ambitions néanmoins réelles, Bruno Le Maire faisait partie des outsiders pour succéder à François Fillon à Matignon en automne 2010. Il a finalement conservé son portefeuille mais il s’est vu confier le rôle très important de responsable du projet présidentiel à l’UMP. En février 2011, lors de la démission inéluctable de Michèle Alliot-Marie, il était candidat au Quai d’Orsay, ministère qu’il connaît bien pour y avoir commencé sa collaboration avec Dominique de Villepin.

Mardi 28 juin 2011, Bruno Le Maire avait été choisi par François Fillon et Nicolas Sarkozy pour succéder à Christine Lagarde, sur recommandation entre autres d’Alain Juppé et d’Édouard Balladur. Son profil était très adapté à ce poste éminent dont le titulaire doit également assurer la présidence du G20 et être à l’aise dans les négociations internationales en pleine crise financière mondiale.

Hélas pour le "nominé", François Baroin a considéré qu’une telle nomination était un casus belli, se considérant comme le seul successeur possible et mettant sa démission dans la balance. Ce qui est curieux, c’est que Nicolas Sarkozy ait finalement accepté ce chantage et ait remis à plus tard la promotion de Bruno Le Maire.

Cet épisode laissera probablement des traces dans les années à venir, et notamment pour la campagne présidentielle.

François Baroin

Principal "gagnant" de ce remaniement, François Baroin, qui vient d’avoir 46 ans, est donc nommé Ministre de l’Économie, des Finances
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et de l’Industrie. Après avoir occupé dès mai 1995 des responsabilités ministérielles, cet héritier du chiraquisme était resté en retrait de la majorité les trois premières années du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Il était revenu au gouvernement le 22 mars 2010 pour remplacer Éric Woerth après la défaite des élections régionales, ce dernier propulsé sur le front des retraites dans l’optique d’occuper Matignon.

D’un naturel très lisse, journaliste et pas énarque, François Baroin va maintenant avoir l’occasion de montrer qu’il est capable d’être un responsable national de premier plan, qui forcément comptera dans l’avenir.

Alors qu’il était encore porte-parole du gouvernement à l’issue du Conseil des ministres du 29 juin 2011, François Baroin a surpris plus d’un observateur en quittant énervé son pupitre à la suite d’une question provocatrice en (mauvais) anglais. Pendant quelques minutes, François Baroin se tenait derrière la porte de la sortie à répondre laconiquement aux journalistes qui avaient encore des questions à lui poser.

Valérie Pécresse

Postulante aussi à la fonction, la Ministre des Universités et de la Recherche Valérie Pécresse, qui va avoir 44 ans dans quelques jours, est nommée Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’État, porte-parole du gouvernement. Elle aura été une ministre aux universités particulièrement stable et brillante, réussissant à faire accepter par tous les acteurs son importante réforme sur l’autonomie des universités.

Ginette, HEC, ENA, Valérie Pécresse a intégré le Conseil d’État et a donné des cours à Science Po Paris. Comme François Baroin, elle est aussi une "enfant Chirac" et a travaillé à l’Élysée dès 1998 avant de se faire élire députée en juin 2002 et de devenir Ministre de la Recherche le 18 mai 2007.

Périodiquement donnée dans un grand ministère (elle avait postulé à la place Vendôme), Valérie Pécresse avait gagné dans une primaire contre Roger Karoutchi le leadership de l’UMP en Île-de-France mais avait échoué dans sa tentative de détrôner Jean-Paul Huchon de la présidence du Conseil régional en mars 2010.

Laurent Wauquiez

Autre "gagnant" de ce remaniement, Laurent Wauquiez, 36 ans, est nommé Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en remplacement de Valérie Pécresse.

Énarque intégré au Conseil d’État, suppléant de Jacques Barrot dans sa circonscription de Haute-Loire, alors premier président du groupe UMP à l’Assemblée Natioanle, Laurent Wauquiez a été candidat et élu député lors de l’élection partielle du 4 juillet 2004 quand Jacques Barrot a été nommé commissaire européen (il n’a alors que 29 ans).

Un peu avant son élection, il avait participé à la commission sur la laïcité dirigée par Bernard Stasi, lui donnant l’occasion de se servir de son expérience du monde arabe (il a notamment aidé Sœur Emmanuelle au Caire).

Le 19 juin 2007, Laurent Wauquiez fit son entrée au gouvernement comme porte-parole et à la suite de sa conquête de la mairie du Puy-en-Velay, fut nommé à l’Emploi le 18 mars 2008 où il a supervisé la création de Pôle Emploi, fusion de l’ANPE et de l’Assédic, puis aux Affaires européennes le 10 novembre 2010.

Le 8 mai 2011, il initia une polémique stérile en remettant en cause le principe de la solidarité nationale et en pointant du doigt les dérives de l’assistanat et du RSA. Il a par cette occasion montré qu’il est complètement déconnecté de la réalité sociale des plus défavorisés, ce qui est paradoxal avec sa volonté de mener l’aile sociale de l’UMP. Cette polémique ne lui a cependant pas nui puisqu’il accède maintenant à un grand ministère.

François Sauvadet

Journaliste, député expérimenté depuis 1993, François Sauvadet, 58 ans, était l’un des grognards de François Bayrou pendant la campagne présidentielle de 2007. Après l’échec de ce dernier, il fonda avec les autres députés UDF sortants le Nouveau centre et fut élu président du groupe NC à l’Assemblée Nationale.

Président du Conseil général de la Côte d’Or depuis mars 2008, il était originaire du Parti républicain et de cette aile qui refusa en 1998 sa dérive en Démocratie libérale conduit par Alain Madelin, et qui suivit François Léotard, Gérard Longuet et Gilles de Robien dans le PRIL (Pôle républicain indépendant et libéral), pour fusionner ensuite dans la Nouvelle UDF de François Bayrou.

Nouvelle caution centriste du gouvernement, au même titre que Maurice Leroy ou Michel Mercier, François Sauvadet est nommé Ministre de la Fonction publique, succédant à Georges Tron. Sa nomination va entraîner la désignation de son successeur à la présidence du groupe des députés NC.

Jean Leonetti

Cardiologue, député radical depuis juin 1997 et maire d’Antibes depuis juin 1995, Jean Leonetti, 63 ans dans quelques jours, est l’un des parlementaires connus pour son travail et son expertise dans le domaine de la santé. Il est notamment à l’origine d’une loi qui porte son nom sur l’euthanasie passive (loi n°2005-370 du 22 avril 2005).

Souvent donné pour intégrer le gouvernement (en particulier en novembre 2010) mais jamais appelé, ce radical a refusé de quitter l’UMP malgré son échec face à Christian Jacob dans la désignation du président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, et il conteste a priori l’éventuelle candidature de Jean-Louis Borloo à l’élection présidentielle. Il est (enfin !) nommé Ministre délégué auprès d’Alain Juppé chargé des Affaires européennes.

Marc Laffineur

Médecin anesthésiste, député UDF-PR d’Angers depuis 1988, Marc Laffineur, 65 ans, a soutenu dès le premier tour la candidature de Jacques Chirac en 2002 malgré son appartenance à Démocratie libérale d’Alain Madelin, lui aussi candidat, dans la perspective de regrouper tous les partis du centre et de la droite modérée (le projet de la future UMP).

Soucieux des élus locaux en rapportant le budget des collectivités territoriales et en faisant un suivi de la réforme de la taxe professionnelle, fondateur du groupe d’études sur les maladies orphelines, Marc Laffineur est nommé Secrétaire d’État auprès de Gérard Longuet (qui fut président du PR) chargé des Anciens combattants. Sa nomination au gouvernement rend plus aisée la préparation des élections sénatoriales dans son département du Maine-et-Loire.

David Douillet

Célèbre champion de judoka (médaille d’or aux JO d’Atlanta en 1996 et de Sydney en 2000), homme d'affaires et consultant, David Douillet, 42 ans, a parrainé pendant une quinzaine d’années aux côtés de Bernadette Chirac l’opération des pièces jaunes visant à aider les parents des enfants hospitalisés à vivre auprès d’eux.

Très médiatique et très populaire, il jouit d’une très grande reconnaissance, avec son entrée dans le Larousse, au Musée Grévin, et dans les Guignols de l’Info.

En 2009, il quitta ses activités caritatives pour s’investir en politique au sein de l’UMP. Élu député le 18 octobre 2009 à la suite d’une élection partielle, puis conseiller régional en mars 2010, David Douillet est nommé Secrétaire d’État auprès d’Alain Juppé chargé des Français de l’étranger, une fonction très étrange (novatrice) qui rappelle que le dernier découpage électoral a attribué désormais des circonscriptions aux Français de l’étranger pour les prochaines élections législatives alors que jusqu’à maintenant, les Français de l’étranger n’étaient représentés qu’au Sénat.

David Douillet fait partie de la longue liste des sportifs de haut niveau qui ont eu des responsabilités politiques et ministérielles, dont on peut citer (sans être exhaustif) : Chantal Jouanno, Alain Calmat, Alain Bombard, Guy Drut, Jean-François Lamour, Bernard Laporte…

Claude Greff

Claude Greff, 57 ans, est sans doute la moins connue des membres du gouvernement. Née à Briey en Meurthe-et-Moselle et infirmière, elle est devenue élue locale à partir de 2001 dans l’agglomération de Tours. Élue députée UMP depuis juin 2002, elle s’est notamment impliquée dans le projet de loi relatif à la bioéthique.

Claude Greff est nommée Secrétaire d’État auprès de Roselyne Bachelot chargée de la Famille.

Plus ou moins…

À ces nominations, il faut également ajouter que Thierry Mariani, 52 ans, qui reste toujours affecté aux Transports auprès de Nathalie Kosciusko-Morizet est promu ministre délégué.

Autre déçu de ce remaniement (après Bruno Le Maire) parce qu’il était souvent question de lui (il n’hésitait pas à évoquer de sérieuses assurances), le radical Marc-Philippe Daubresse, 57 ans, secrétaire général adjoint de l’UMP depuis que Jean-François Copé est secrétaire général, n’a pas été nommé au gouvernement. Son retour au gouvernement aurait pu être interprété comme une action anti-Borloo.

Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (30 juin 2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Remaniement ministériel du 29 juin 2011.
Martine, Eva, Christine et Valérie…

Les grands argentiers.

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