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Les photographes de Jeff Wall

Par Marc Lenot

Les photographes de Jeff WallCe n'est pas vraiment une exposition sur Jeff Wall que vous pouvez voir à Bozar à Bruxelles (jusqu'au 11 septembre), même si c'est l'occasion de revoir un bon nombre de ces photographies et d'en découvrir quelques autres, comme ce Penseur poignardé (inspiré par un projet de Dürer pour les paysans défaits) et mélancolique ou cet Enfant tombant d'un arbre (ci-dessous), mouvement stoppé sur le vif, paradoxe du pseudo instantané chez ce maître de la composition.

Les photographes de Jeff Wall
Mais le but de l'exposition est surtout de nous montrer des artistes que Jeff Wall aime, de nous renseigner sur ses goûts, non point comme d'ordinaire en replaçant Wall dans l'univers de la peinture classique de Delacroix à Manet, mais plutôt en le confrontant à la photographie et à la sculpture et l'installation. Simplement ce n'est pas là une confrontation, une passerelle entre des oeuvres, mais une simple juxtaposition, une résonance : des oeuvres qui, dit-il, l'ont marqué, des artistes qu'il apprécie et qu'il a laissé choisir quelle oeuvre présenter, mais ni discours, ni appariement, ni éclairage croisé. On se sent un peu seul dans cette exposition. Il faut lire le catalogue où les interviews de Jeff Wall sont indispensables, ce que je suis en train de faire.

Les photographes de Jeff Wall
Voici donc quelques-unes de pièces marquantes. D'abord, autour du thème du studio, Etant donnés de Marcel Duchamp, qui fut le sujet de thèse de Wall : une abondance de notes, de documents et au mur ce collage de Duchamp. Rien que sur cette pièce on devrait passer des heures, sur l'art de la composition chez les deux artistes, la construction du réel, les rapports entre planéité et tri-dimensionalité, et aussi sur le point de vue du spectateur, sur la manière dont une oeuvre se lit, se livre (même si l'hypothèse d'un auteur du catalogue selon laquelle Duchamp aurait fait Etant donné pour se consoler du départ de sa maîtresse Maria Martins paraît un peu simpliste). Au fil des salles, beaucoup de minimalistes, Carl André, Frank Stella, Dan Flavin,...

Les photographes de Jeff Wall
En matière de photographie, ce n'est pas une vision équilibrée de l'histoire de la photo : Jeff Wall ne semble s'intéresser qu'aux Américains (Walker Evans, Robert Frank, Helen Levitt, Sander, Wols et, parmi les contemporains Stephen Shore ou Garry Winogrand) et aux Allemands (Gursky, Struth, Ruff bien sûr). A part Atget, Bustamante et Feigenbaum, aucun Français, absolument personne de l'école humaniste. Et un seul Stieglitz, aucun Steichen. Il y a aussi les grands noms de la photographie conceptuelle US (Douglas Hueber, Robert Smithson, Dan Graham), mais ni Mulas ni Hilliard. On note au passage un beau portrait féminin de Raoul Hausmann (Vera Broido), un enfant sur la plage de Peter Hujar, un très beau et mystérieux Craigie Horsfield (Michal Ronikier, Wyspianskiego 6, Krakow, May 1976).

Les photographes de Jeff Wall
Surprise de voir ici les photographies expérimentales de James Welling, travail aux antipodes de celui de Wall (HC 1981 52 & 53). Pourquoi ? En quoi cela l'intéresse-t-il ? Je ne sais. On l'a compris, ce n'est pas une exposition explicative, juste une série d'ouvertures, de points de vue, de routes à explorer peut-être; c'est une histoire très personnelle que Jeff Wall nous livre ici où les exclusions parlent autant que les inclusions.

Photos 1, 2 & 3 courtoisie du musée; photos 4 & 5 de l'auteur. Marcel Duchamp et Craigie Horsfield étant représentés par l'ADAGP, les reproductions de leurs oeuvres seront ôtées du blog à la fin de l'exposition.


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