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Taxi 5 : Dakaroise Connection

Publié le 02 juillet 2011 par Francisbf

S'il y a un point sur lequel j'ai progressé depuis le début de mon séjour au Sénégal, c'est bien le blasage, en particulier en ce qui concerne la circulation dakaroise. Avant d'oublier mon émerveillement renouvelé devant les situations qui se présentent régulièrement quand je prends un taxi, je vous transcris ici tel quel le dialogue qui eut lieu entre Francis Blasé (FB) et son alter-ego Francis Toubab (FT), lors du trajet entre l'aéroport, où FB allait récupérer FT pour son premier séjour au Sénégal, et la maison de Francis Blasé.

Je précise que toutes les situations sont bien sûr authentiques, et que la plupart sont arrivées à Francis Blasé, mais pas toutes.

FT : -Bon, comment on fait pour choper un taxi ?

FB : -T'inquiètes, on est des toub-ah, en voilà un qui nous fait des appels de phare. On n'a qu'à le prendre. Tu lui indiques où on va, et tu es poli comme je t'ai montré, hein.

FT : -Oui. Salam alikoum monsieur, ça va bien ? Bien, merci. On va à H***-M*******, à côté de l'Ecobank, c'est bon ?

FB : -T-t-t. On ne monte pas sans négocier le prix d'abord.

FT :-Ha oui. 2500 francs, ça va ?

[réponse standard du taximan]

FB : -Deedeet, c'est pas trop petit. Allez, 3000, pas plus. C'est pas ma faute si tu as pris une voiture à essence et pas un diesel. Bon, tant pis, on va aller avec ton collègue qui s'est garé derrière. C'est bon, finalement ? OK, monte.

FT : -Je me mets devant ? Si je me mets derrière, j'aurais l'impression d'être miss Daisy. Je ne veux pas qu'on me prenne pour un sale raciste !

FB : -Vas-y, je fais pareil en général. Non, ne mets pas ta ceint-trop tard. Bon, ben tant pis pour ton T-shirt blanc, hein.

[vroum. On roule.]

FT : -Tiens, on ralentit ?

FB : -Oui, à ce croisement, il y a un flic qui fait la circulation, et comme il y en a pas un qui sache faire, il passe toujours dix minutes avant qu'il fasse bouger une file, c'est normal.

[toc-toc à la fenêtre]

FT : -Hooo, pauvre petit bonhomme ! Il est trop mignon avec ses grands yeux et sa morve au nez et sa boite de conserve sous le bras ! Je lui donne combien ?

FB : -Rien du tout. Si tu commences à donner à tous les petits talibés, on est pas sortis de l'auberge. Allez, pchhh, y'a pas de sangria pour Allah, barre-toi, amoul khaliss, on va pas engraisser ton marabout.

FT : -C'était un peu méchant et raciste, non ?

FB : -Mais non, voyons. Et puis c'est ta faute, aussi, les talibés, on ne les regarde pas, on fixe la route devant sans ouvrir la bouche. Tu verras, tu t'habitueras.

FT : -J'espère bien que non ! Pauvre gamin... Tiens, qu'est-ce qu'il veut, lui ?

FB : -Ben comme tu vois, il vend des cannes à pêche. T'en as pas besoin ? Ni des guirlandes de Noël du type derrière ? T'es vraiment sûr ? Ha, on bouge, ouf.

FT : -Mais c'est normal de passer sur le trottoir comme ça ? Hé, attention, on va écraser les types en chaise roulante ! Ha, ouf, ils se sont poussés.

FB : -Bah, ça avançait pas, apparemment notre chauffeur est pressé. Ha, on arrive sur l'autoroute. Enfin.

FT : -Euh, c'est quoi ça ?

FB : -Tu vois bien, c'est un troupeau de zébus.

FT : -Des zébus sur l'autoroute ?

FB : -Ca arrive. Et encore, là, ils vont dans le bon sens. Bon, va falloir klaxonner un peu pour faire bouger les veaux, là.

[klaxon, accélération, doublage du troupeau]

FT : -Hé, on a failli écraser les gens, là ! C'est autorisé de traverser l'autoroute, comme ça ?

FB : -Bah, tout le monde le fait.

FT : -Même en dessous des passerelles piétonnes qui passent au-dessus, je vois. On va pas un peu vite, là ? [jette un oeil au compteur]

FB : -Te fatigue pas, il ne marche pas.

FT : -Tiens, j'avais pas fait attention aux lampadaires allumés. En plein jour, c'est conceptuel.

FB : -Ce qui est encore plus conceptuel, c'est que de nuit, ils sont éteints.

FT : -Hé, attention au type et son mouton ! On a le droit de faire traverser un mouton en le soulevant par les pattes arrière comme ça, comme une brouette ? Et comment il va sauter par dessus le terre-plein de 60cm ?

FB : -C'est un mystère. Hé, on a dépassé la sortie, là !

FT : -Heuuu, c'est légal, la marche arrière sur l'autoroute, comme ça ?

FB :-Bah, il fallait bien prendre la sortie. Tiens, là-bas, encore un car rapide renversé. On est pas sortis du rond point. Hé, ho, on est pas obligés d'aller voir ! Hé, on sort là-bas ! Bon, OK, on est partis pour faire un tour complet du rond-point.

FT : -Comme tout le monde, apparemment... Hé mais ! [Sanglots]

FB : -Ha merde... Ha bé oui, ils sont morts.

FT :-On était obligés d'aller regarder ça ?

FB : -... On a toujours des surprises, hein.

[…]

FB : -C'était quoi ce bruit ? Pourquoi on s'arrête ?

FT : -Hmmm. Apparemment, la pédale d'embrayage a pété. C'est marrant, j'avais jamais vu ça.

FB : -Ho, fais chier. Bon, ben on va changer de taxi. File-lui 1000 balles, on est pas des bêtes. Bon, voilà un autre taxi. Vas-y, fais-lui signe. Tu négocies ?

FT : -OK. Salam alikoum monsieur, ça va bien ? Bien, merci. On va à H***-M*******, à côté de l'Ecobank, 1500 francs, c'est bon ? Deedeet, c'est pas trop petit. Non, 3000, c'est beaucoup trop gros. 2000. Bon, d'accord, 2500.

FB : -Bon sang, tu vas nous ruiner, t'es vraiment nul.

FT : -Ho, ça va, hein. Puis lui, il met pas de la musique religieuse à fond comme l'autre, ça mérite un petit bonus, non ?

FB : -C'est un point de vue. Ha merde, la rue est pleine de flotte, une canalisation a dû péter, on va faire un détour par la piste, là. J'espère qu'on ne va pas... ha merde, évidemment. On est ensablés. Bon, tant pis, on descend, on va aller au bout de la rue à pied. File-lui 500 balles, on a quasiment pas avancé. Ha, non, il s'est dégagé quand on est descendus. Bon, ben on remonte.

FT : -Ok. Waw, t'as vu le camion renversé là-bas avec son tas de ferraille ? Heureusement qu'on passe pas par là-bas, hein.

FB : -Voui, ça remettrait la fin de l'article à vachement plus loin.

FT : -Hé, attention aux jolies ptites chèvres !

FB : -Bah, t'en fais pas, les chèvres, c'est agile, elles esquivent vachement bien, aussi bien que les mômes de six ans aux carrefours. Non, c'est les moutons qui sont cons et qu'on peut écraser.

FT : -Bon, on est encore arrêtés. Il se passe quoi, là ?

FB : -Ca doit être la voie ferrée, là-bas. Il y a un train qui passe. Bon, qu'est-ce qu'il te montre, lui, dans son sac ?

FT : -Hum... Apparemment, ce sont des magazines pornos. Merci, monsieur, je ne suis pas intéressé. Non, même s'il y a des dames avec des chiens, ça ira, merci. Ha, ouf ! Le train a fini de passer !

FB : -Crie pas victoire trop vite... t'as pas vu que les voitures de notre côté ont pris toute la largeur de la rue ? Ben de l'autre côté, ça va être pareil... On est pas sortis de l'auberge.

[vingt-cinq minutes de bouchons]

FT : -Ouf. J'ai cru étouffer, avec le pot d'échappement du car rapide qui donnait directement sur notre vitre.

FB : -Ouais, on a de la chance de pas être asthmatique. Bon, au moins, on est presque arrivés.

BANG

FB : -Ha, zut, on a crevé.

FT : -C'était ça ? J'ai cru qu'on nous tirait dessus. Je croyais qu'il n'y avait que dans les films que ça explosait, les pneus !

FB : -Ben non. Bon, ben on n'a plus qu'à changer encore de taxi.

FT : -Ok. Je lui paye combien ?

FB : -File-lui le prix de la course, après tout, il doit remplacer son pneu.

FT : -Ok. Vous avez la monnaie sur 5000 ? Ha, merde.

FB : -Attends, il me reste des petits billets. Sur 3000, ça va ? Non plus ?

FT : -Bon, tant pis, on est pas à 500 balles près, hein.

FB : -Oui mais bon, quand même, c'est une question de principe, quoi.

[…]

FB : -Bon. Il reste plus que deux bornes, je crois qu'on ira plus vite à pied.

FT : -Ok.

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