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Le Parti du Peuple Pakistanais survivra-t-il à Benazir Bhutto ? (suite)

Publié le 15 février 2008 par Sujatha Samy-Randy

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Bilawal le pantin

C’est au tour de Bilawal de prendre la parole. L’étudiant d’Oxford s’exprime dans un anglais à l’accent plus britannique que local : « Je remercie le comité électoral de m’avoir fait confiance. Comme tous les autres dirigeants du PPP avant moi, je serai le symbole de la Fédération. Notre longue histoire de lutte politique va se poursuivre avec une vigueur renouvelée. Ma mère a toujours déclaré que la démocratie était la meilleure des vengeances. » La dernière phrase a été prononcée avec plus d’éloquence que les autres.

« Vengeance », c’est un mot souvent lu et entendu au cours des jours qui ont suivi la mort de Benazir Bhutto. N’oublions pas que le Pakistan est encore un pays largement composé de populations rurales et où le taux d’alphabétisation ne dépasse pas 50%. La loi tribale donne souvent lieu à une justice sommaire dénoncée régulièrement par Amnesty International. En choisissant avec soin son vocabulaire, on comprend qu’en dépit de sa jeunesse, le nouveau leader a déjà acquis une certaine maîtrise du métier.

Pourtant, on peut s’interroger sur la réalité du pouvoir détenu par l’actuel Président du parti. «Dans quelques années, il est parfaitement possible, bien sûr, que Bilawal soit amené à exercer pleinement son rôle au sein de ce qui restera du PPP à ce moment-là, mais pour l’heure, c’est un pantin,» affirme Mahir Ali. Yunas Samad, lui, pense plutôt que le jeune homme « est préparé à son futur rôle par son père comme le sont Rahul ou Priyanka par leur mère Sonia Gandhi. »

Première initiative du Président du PPP: convoquer une conférence de presse à Londres le 8 janvier. Il y apparaît souriant, presque charmeur. Il porte un costume occidental noir. Un châle pakistanais recouvre ses épaules. Il demande à tous, journalistes et partisans, de le laisser étudier en paix et de respecter sa vie privée. Depuis, il n’a plus fait aucune apparition publique.

Déjà des tensions

La succession telle qu’elle a été voulue ne satisfait pas pour autant tout le monde. Le PPP a toujours été la chasse gardée de la famille Bhutto. Il aurait pu y avoir, néanmoins, un autre candidat issu du parti lui-même : Aitzaz Ahsan. Jean-Luc Racine le décrit comme « une figure importante incarnant une véritable opposition au Général Musharraf ». Il a confirmé son potentiel lorsqu’il s’est associé au mouvement de protestation des avocats en 2007. Cependant, Benazir Bhutto avait pris ses distances avec lui car « sa montée en puissance la rendait nerveuse », affirme Nirupama Subramanian, correspondante au Pakistan pour le quotidien indien anglophone The Hindu.

L’autre problème, ce sont les Bhutto eux-mêmes. De cette grande dynastie, ne subsistent que deux héritiers directs : les deux enfants de Mir Murtaza Bhutto, frère aîné de Benazir, mort en 1996. Les circonstances de son décès n’ont pas été encore complètement clarifiées.  L’homme s’était lancé en politique en 1993 et était connu pour être l’un des plus farouches opposants à sa cadette. Ce 20 septembre, Murtaza Bhutto rentre chez lui en compagnie de six de ses partisans lorsque la police leur tire dessus. Il succombera peu de temps après. Sa sœur effectue son second mandat en tant que Premier Ministre. Sa veuve, Ghinwa Bhutto, a toujours accusé le couple Zardari d’être complice dans cet assassinat. Elle semble avoir élevé Fatima, 25 ans, et Zulfikar Ali Junior, 17 ans, dans une certaine rancœur vis-à-vis du reste de la famille.

De la fratrie, la sœur est celle qui se pose, pour le moment, en successeur potentiel. Auteur et journaliste, elle a fait connaître son mécontentement dans la presse du monde entier à l’issue de la nomination de Bilawal. Dans le quotidien britannique The Times, elle traite son cousin de « meuble de famille ». Elle dispose déjà d’un certain soutien au sein de l’opinion publique pakistanaise : jeune, jolie, vierge de tout scandale politique, elle ressemble à Benazir au même âge. Mahir Ali est catégorique : « il est difficile d’imaginer comment elle pourrait représenter une véritable menace pour le clan Zardari, du moins pour le moment. »  Pourtant la fronde ne se calmera pas dans l’immédiat. « Les Bhutto ne lâcheront pas le pouvoir », ajoute Jean-Luc Racine. Il y a donc de fortes chances pour que ces luttes fratricides perdurent au-delà de la génération actuelle.


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