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Comment se débarrasser de l’euro ?

Publié le 08 juillet 2011 par Copeau @Contrepoints

Recension du dernier ouvrage de Jean-Jacques Rosa, « L’Euro, comment s’en débarrasser » aux éditions Grasset.

Comment se débarrasser de l’euro ?
Ce court essai n’apprendra sans doute pas grand chose aux familiers de l’école des choix publics et de la théorie autrichienne de la monnaie. Néanmoins, il a le mérite de revenir clairement sur les causes de l’inéluctable faillite de l’euro et, surtout, de proposer une solution qui permettra de limiter les dégâts.

Le titre est provocateur, reflétant sans doute l’exaspération bien compréhensible de son auteur. Jean-Jacques Rosa fait partie de cette catégorie d’économistes qui, à l’instar de Milton Friedman, de Martin Feldstein ou de Paul Krugman, avaient souligné dès le départ l’instabilité sur laquelle reposait la monnaie unique européenne. Son mérite est de n’avoir jamais varié le sens de son analyse, au point que l’histoire lui donne aujourd’hui raison : la crise que traverse la Grèce n’est qu’une première étape vers l’implosion de la zone euro.

L’intégration d’économies aussi hétérogènes que l’Allemagne, la Grèce ou l’Irlande au sein d’un même espace monétaire ne pouvait que déboucher sur un échec. Pour fonctionner, cette intégration doit s’effectuer par le truchement d’un organe centralisateur, la Banque centrale européenne. Calqué sur le Deutsche Mark pour des raisons qui tiennent à la fois du bon sens économique et du calcul politique, l’euro a obligé les gouvernements des États périphériques à suivre les ordres donnés depuis Francfort. D’inévitables divergences n’ont pas manqué d’apparaître entre les économies locales et l’échelon centralisé, obligeant l’organe régulateur (la BCE) à de constants ajustements spécifiques à chaque pays. Pour Jean-Jacques Rosa, il faut chercher dans cette convergence forcée et dans les tentatives de centralisation qui ont suivi, l’une des principales causes de la « stérilisation croissante de nos économies ». Parce qu’il ne s’inscrivait pas dans la logique d’une zone monétaire dite « optimale », l’euro était mort-né.

Ce constat n’a pas empêché les nombreux unionistes à plaider pour toujours plus d’intégration monétaire, en dépit des indicateurs divergents : ni les taux d’inflation ni les politiques fiscales pratiqués dans les pays européens ne permettaient de créer une zone monétaire optimale. À l’inverse de celle des États-Unis, la fiscalité européenne ne permet pas de redistribuer une grosse partie des impôts aux États qui en éprouvent le besoin. La réticence de plus en plus affichée du gouvernement allemand à financer les plans d’aide à la Grèce est un parfait exemple de cette absence de politique budgétaire à l’échelle de l’Union. Or, il est illusoire, pour Jean-Jacques Rosa, d’imaginer une nouvelle centralisation politique européenne en ce début de XXIe siècle : la révolution de l’information que nous vivons depuis 1975 environ induit un mouvement général de décentralisation de toutes les organisations, privées et publiques. Le développement accéléré des marchés a pu se faire grâce à l’information ; il est vain de chercher à contrecarrer le mouvement. Les empires disparaissent, les régionalismes s’affirment et, dans ce cadre, l’Europe fédérale navigue à contre-courant.

L’auteur enfonce encore le clou lorsqu’il évoque les plans de sauvetage et les mesures d’austérité décidés pour sauver de la banqueroute les États de la zone euro. Pour lui, ces rustines d’argent public ne profitent qu’aux grosses banques qui se sont goinfrées de dettes étatiques soi-disant garanties par la BCE. Faute de politique cohérente permettant de dévaluer localement la monnaie et face aux taux d’intérêts maintenus artificiellement bas, les gouvernements se sont lancé dans la course aux déficits pour affronter la crise… avec les conséquences que l’on voit aujourd’hui.

En voulant créer une monnaie « unique et forte », les dirigeants de l’époque ont cherché à privilégier les grands emprunteurs : les États, les grandes banques et les grandes entreprises. Avec l’euro, leurs capacités d’emprunt devinrent extrêmement plus faciles. La suppression des taux de change fluctuants a permis aux cartels étatiques, bancaires et patronaux de s’étendre à l’échelle d’un demi-continent. La règle d’or de ces cartels consiste à éviter l’inflation et l’émission inconsidérée d’obligations de dettes (d’où le « Pacte de stabilité » limitant les déficits budgétaires à une portion de la production nationale). L’euro est ainsi devenu, selon les termes de Jean-Jacques Rosa, une « machine à emprunter » au service du développement exclusif des États, des banques et des grandes entreprises.

Ces conditions expliquent la prise de risque inconsidérée des différents acteurs du cartel, au point d’en arriver au sauvetage des banques, des entreprises et des gouvernements trop gourmands. La cartellisation incite à la tricherie, et les freins du Pacte de stabilité ont lâché, comme le prévoyaient ceux qui, dès 1992, lurent entre les lignes du Traité de Maastricht.

Recourir sans fin à l’endettement ne fera qu’aggraver la crise actuelle. Pour désintégrer ces cartels néfastes, il faut revenir au réalisme économique. Et pour Jean-Jacques Rosa, la solution la plus réaliste consiste à revenir au franc après avoir dévalué l’euro. L’économiste estime qu’en ramenant d’abord l’euro à un niveau « raisonnable » (autour de 0,85 dollar US), il est possible d’envisager un scénario de sécession rapide tout en limitant les dégâts en matière de compétitivité. Une sortie inopinée, tenue secrète, mais préparée, de préférence avec des billets imprimés à l’avance. Ce scénario serait préférable à l’inverse (sécession, puis dévaluation).

S’il a conscience que sa solution peut paraître extrêmement radicale, l’auteur ajoute qu’elle aura au moins le mérite d’enrayer la « régression démocratique » suscitée par l’arrivée de l’euro. L’apparition et le renforcement d’entités supranationales non élues (comme la BCE) est l’une des caractéristiques de ce que l’auteur appelle l’unionisme, et elle se double d’une dilution des pouvoirs de l’électeur. La centralisation européenne, les pouvoirs et les coûts qui en découlent sont augmentés, tandis que le poids des lobbies et des cartels ne cesse de se renforcer. Au final, écrit Jean-Jacques Rosa, la sortie de l’euro permettra sans aucun doute de raviver le débat public et de réinstaurer la véritable démocratie. Il n’est pas encore trop tard.

Jean-Jacques ROSA, L’euro : comment s’en débarrasser, Éd. Grasset, 2011, 140 p.

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