Incantations divines et mots cochons.

Alors que ce sont deux princes qui ont ravi nos cœurs jusqu'à présent dans la multitude des défilés des écoles, à Saint-Luc, c'est une reine qui s'est imposée à nos yeux. Une reine ou... une sorcière aux pouvoirs magiques assez conséquents pour nous faire apprécier une collection où le noir règne en maître. C'est évidemment subjectif, mais on a toujours détesté le noir : ça ne va pas aux filles de la rédac, ça les rends cancéreuses, mornes, et puis il faut dire qu'on préfère allègrement la funky attitude d'un Lespagnard ou d'un Willhelm. Mais là, la jeune designeuse a su rendre cette couleur aussi désirable qu'une partie de jambes en l'air avec Johnny Depp. « La morsure et le baiser » porte bien son nom : une femme qui suinte une sexualité moite portée par une tendance sado-masochic. Une séductrice à l'âme assurée qui marche, toute consciente du pouvoir de sa féminité exacerbée. Elle séduit pour un baiser mais mord au premier faux pas, comme pour mieux affirmer qu'elle contrôle sa puissance de femme volontairement évocatrice. On retient un côté dark mais extrêmement féminin qui insuffle une force de caractère à ses vêtements, et par conséquent à celles qui les portent. Les imprimés ressemblent à de mystérieux symboles sacrés qui renforcent cette idée de féerie noire et donc de puissance. Sous de longues capes ou vestes aux épaules structurées se dégagent des robes évanescentes, comme construites pour des rituels obscurs. Cet antagonisme entre une ferveur complètement sexuelle et un aspect plus mystique rend la femme Sebbag intrigante. C'est à partir de ce mystère mélangé à une sueur érotique que l'ensemble fonctionne, évoquant autant la motivation du désir que la peur de la découverte. Véritable boîte de Pandore, ses vêtements incitent à une certaine débauche qui pourrait mal tourner. Déshabillera, déshabillera pas ? C'est dans le péril de cette question que Madame se pare d'une sexyness attitude qui rend les Beyoncé et autres J.Lo obsolètes à toute évocation de fantasme. Alexandra Sebbag, c'est l'anti-bling, c'est la maîtresse dominatrice d'une mode couture, chic et pourtant diablement suggestive. À l'image de cet encordage qui devient un top des plus complexes, laissant entrapercevoir un sein pour le plaisir des yeux masculins mais aussi, une fois encore, pour suggérer une ultra féminité assumée.Le cuir est aussi en bonne place dans les éléments symboliques utilisés mais seulement par petites touches, comme pour évoquer le besoin du contact face à cette matière qui donne du désir. Par contre, sans en faire trop, ce qui pourrait gâcher les pièces en leur donnant un côté trop connoté. Alexandra place des bouts de peau, façon faux croco, des gants longs, mais s'arrête au bon moment, à l'instant où la silhouette pourrait basculer dans un cliché de la maîtresse cuir qui dévaloriserait son côté classe. Les adorateurs du noir s'en délecteront avec la bave aux lèvres, celles qui n'ont pas confiance en elles se verront gratifiées de regards d'envie mais qui resteront toujours respectueux, car l'élégance a toute sa place dans cette collection étonnante et gratifiante pour toutes les morphologies. Si Benoît Rafhay a réussi à travailler le cuir d'une façon épurée qui conviendra à toutes, Alexandra Sebbag s'approprie une clientèle plus couture et peut-être plus exigeante, car elles auront cette envie d'adhérer à cette capacité de dégager autant de chaleur sexuellement moite que de mystère aussi chic qu'une légende. Une performance à applaudir qui montre encore une fois que toutes les écoles bruxelloises sont à même de tirer le meilleur parti de leurs élèves. On aime, on adhère, on adore en fait ! Et maintenant, on sait définitivement ce que l'on portera quand on partira à la chasse... aux maris ! Bien à vous.© crédit photos Peter Schultz