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A son corps tissant, par Jelassi Nadia,

Publié le 10 juillet 2011 par Naceur Ben Cheikh

Nos mémoires sont ourdies d’images et d’écrits.  Le  tissé scelle une histoire, manifeste du texte et évoque des mythologies.  Ici ou ailleurs, dans notre passé ou présentement,  trame et chaîne travaillent et instaurent des successions.A son corps tissant,  par Jelassi Nadia,

Des figures s’imposent …

C’est décidé, je ne tiendrai pas le fil d’Amina par le biais de l’Odyssée. Je laisse Pénélope à son Homère ; Arachné à Ovide ; Ariane à Eschyle ; … ; Je laisse ces fileuses à leur  récréation et me permettrai quelques éloignements.

C’est résolu, je fermerai la porte à Freud et à son for da ; je clorai  la fenêtre théorique de la pudeur  et du destin biologique de Dora.

Les tissages d’Amina m’invitent plutôt à  un égarement et m’autorisent le temps d’un texte à vous faire part de l’anecdote de l’œil qui lit et de la  filature du regard qui construit.

Par nécessité l’égarement ne saurait être compagnon de la vitesse,  il ne  peut s’accomplir qu’en commerçant  avec la lenteur.  L’égarement du lecteur se plie à la cadence du corps qui tisse, à la convenance d’une horizontale qui ne cesse de se dessiner puis de dévier de sa trajectoire.

Pour Amina, la trajectoire n’est pas planifiée d’avance,  emprunte selon l’instant des raccourcis contingents  ou des  chemins  controversés du non plan.

Amina n’a pas peur des aléas de la matière. Elle ne craint ni  l’inconstance des courbes  ni le hasard  des  calibres ni celui des épaisseurs.

Car le fil est son royaume, la couleur sa principauté.

Le corps tissant, celui qui s’abandonne au métier et à sa rectitude, celui qui accommode et s’accommode  avec  son matériau est déjà porteur d’une esthétique de la lenteur. Sans l’avoir accompagnée, je la vois penchée sur son métier, soucieuse de ses gestes, attentive à ses choix, consciente  plus que jamais d’elle-même, du temps et de la vie. Tout en lenteur, décidant et tissant à la fois, elle peint  une frontalité de l’instant, arrange ses couleurs au gré du moment.

Le carton étant bien évidemment absent, du moins dans sa dimension d’excellence et de programmation.

Relégué à d’autres mains, le travail d’Amina  changerait complètement de donne.  L’efficacité de l’instant céderait très vite la place à l’utilitarisme et à ses segments.

Par son art et sa  manière, par le doux de la laine et de sa chaleur,  L’artiste prend le temps de nous rouvrir les fenêtres  du plaisir de la lenteur. Elles nous concilient ainsi avec quelques  flâneurs d’antan. Entre ses mains, la laine s’arabise et se soufise

Nadia Jelassi

Tunis, 9 Juillet 2011


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