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Le 14 juillet : pas de fête pour les éoliennes...

Publié le 10 juillet 2011 par Arnaudgossement

éolienne.jpgLe 12 juillet : bonne nouvelle pour les éoliennes off shore alors que le Gouvernement lance l'appel d'offres pour la réalisation de cinq parcs. Le 14 juillet : mauvaise nouvelle, les éoliennes à terre deviennent des "installations classées" ce qui en rendra plus délicat le développement. L'une ne saurait cacher l'autre. 


Le classement ICPE : un peu d'histoire

J'ai écrit ici d'innombrables papiers sur cette idée qui consiste à soumettre la création et l'exploitation d'éoliennes aux règles applicables aux "installations classées pour la protection de l'environnement" (ICPE). Je me suis battu depuis des années contre cette mesure inutile qui consiste à soumettre une éolienne aux mêmes règles de droit qu'un incinérateur. 

En vain pour l'instant. Le classement ICPE des éoliennes est une vieille revendication des mouvements anti éoliens. Le but ? Il est double.

Tout d'abord changer l'image de l'éolienne. A l'origine présentée comme une arme de lutte contre le changement climatique, les détracteurs de l'éolien lui ont systématiquement associé le terme "industriel" pour déconstruire l'argument écologiste qui a permis le développement des aérogénérateurs. Excellente stratégie, il faut l'admettre. Stratégie soutenue au sein même de l'Etat et de la haute administration. 

Deuxième but : multiplier les occasions de recours en justice. Jusqu'à présent, les anti éoliens pouvaient former des recours contre l'arrêté de création de classement d'une ZDE et contre le permis de construire un parc. 

Demain ils pourront former des recours contre : l'arrêté ZDE, le permis de construire, l'arrêté d'autorisation d'exploiter ICPE avec de nouveaux arguments puisque les conditions de création des ZDE ont été considérablement durcies et que des Schémas régionaux  du climat, de l'air et de l'énergie sont en cours d'élaboration. Un droit "mille feuilles" qui supposera une ingéniérie juridique de haut niveau. 

A quoi sert le classement ICPE ?

Soyons trés clairs : le classement ICPE n'apporte absolument rien d'autre que des tracas pour le développement d'un parc éolien. Plusieurs rapports, dont celui du comité opérationnel n°10 du Grenelle de l'environnement avaient précisément déconseillé le classement ICPE des aérogénérateurs. Mais le lobying des opposants aux énergies renouvelables aura été plus fort. 

Le classement ICPE n'apporte rien en termes de concertation. La délivrance du permis de construire un parc éolien était déjà soumis à l'organisation préalable d'une enquête publique. Le classement ICPE des éoliennes ne permet pas l'organisation d'une nouvelle phase de concertation. Simplement, l'enquête publique ne sera plus consacrée au dossier de permis de construire mais prioritairement aux risques potentiels pour la santé et l'environnement. Contrairement à ce qui a été soutenu, le classement ICPE ne créé aucune nouvelle procédure, aucun nouvel espace de concertation pour le public. Le débat démocratique n'y gagnera donc...rigoureusement rien.

Le classement ICPE n'apporte rien en termes de prévention du risque. Nul besoin d'un classement ICPE pour permettre une meilleure évaluation des risques liés à l'exploitation d'un parc éolien. Au demeurant, il existait bien une police des éoliennes, soit un corps de règles qui leur était spécifique, insérées dans le code de l'environnement. Il était donc tout à fait possible de faire évoluer cette "police spéciale" des éoliennes, auparavant distincte de la police des ICPE. Sur la question des radars, du balisage ou des nuisances sonores : nul besoin de la police des ICPE. Des normes précises pourvaient être élaborées au sein de la police spéciale des éoliennes. Par ailleurs : les éoliennes étaient déjà soumises à la rédaction d'une étude d'impact : le classement ICPE n'apporte rien non plus de ce point de vue. La seule différence tient à ce que la police ICPE impose la rédaction d'une étude de dangers, instrument qui n'a sans doute pas été conçu pour une éolienne.

Le classement ICPE n'apporte absolument rien en termes de sécurité. Comme cela vient d'être écrit : nul besoin d'un classement ICPE pour publier des textes relatifs aux radars, au balisage, à l'accoustique, aux jets de glace ou aux bris de pâles. D'ailleurs ces textes existaient alors que les éoliennes n'étaient pas encore des ICPE. Nul besoin non plus de la police ICPE pour permettre au Préfet de prendre toute mesure de police, de contrôle ou de sanction administrative à l'endroit d'exploitants. Rappelons que toute activité soumise à la rédaction préalable d'une étude d'impact - ce qui est bien sûr le cas pour les éoliennes - est soumise à une panoplie de mesures de police pour en contrôle le fonctionnement aprés autorisation

Le classement ICPE n'apporte rien en termes de sécurité juridique. J'ai déjà entendu des partisans de la police des ICPE m'expliquer avec le plus grand sérieux qu'il s'agissait là d'un régime "vieux de 200 ans" et "robuste". Au demeurant, ce sont parfois les mêmes qui m'ont expliqué que le code minier était trop vieux. Soyons sérieux, la valeur d'une législation n'attend pas le nombre des années

Le classement ICPE n'avantagera personne. J'entends parfois que le classement ICPE compliquera surtout la tâche des PME qui n'auront pas les moyens de faire face aux sucroûts engendrés par cette nouvelle législation. Comme pour lel solaire PV, l'instabilité et la complexité croissante du droit font souffrir les "petits" et dégageraient le marché pour les "gros". Je n'y crois pas un seul instant. 

Grands groupes ou PME ont en commun d'avoir un besoin impératif d'une diversité des acteurs. Prenons l'hypothèse que, demain, seuls des grands groupes interviennent et montent des parcs éoliens. Du pain béni pour les anti éoliens qui renforceraient leurs critiques de cet "éolien industriel" et "capitalistique" qui "ne pense qu'à  l'argent". Décentraliser, diversifier, associer les territoires, leurs acteurs et habitants a la réalisation des parcs est indispensable. 

Que faire ?

Se mobiliser

Malhereusement la mobilisation citoyenne est trés faible malgré le travail remarquable d'organisations comme le CLER. Il est peu probable que les rues s'emplissent prochainement de manifestants exaspérés qu'on leur impose une fois de plus des choix énergégiques irrationnels. La publication au journal officiel du décret portant entrée en nomenclature des ICPE constitue la dernière occasion de contester le classement ICPE des éoliennes, inscrit dans la loi Grenelle 2. Il est toutefois permis de rêver. Il convient d'agir pour placer le thème de l'énergie au coeur des débats qui auront lieu à l'occasion de l'élection présidentielle. Le Syndicat des énergies renouvelables présentera un Livre blanc pour contribuer à ce débat, ce qui constitue une excellente initiative. 

Eviter la dispersion

La grande majorité des acteurs de l'éolien est opposée au classement des éoliennes. Il n'en va pas encore de même sur la question du recours contre les textes qui organisent ce classement. A défaut de pouvoir présenter un front tout à fait uni, je crains que certains développeurs ne résistent pas à l'envie bien légitime de saisir seuls ou en petit nombre le Conseil d'Etat. Ce serait une grave erreur. Plusieurs stratégies procédurales sont possibles et une cohérence d'ensemble est absolument nécessaire.  Une coordination des recours et des stratégies est indispensable. De plus, un recours n'est jamais sans risques pour celui qui le forme et une réflexion trés approfondie s'impose avant de le déposer. 

Dans l'idéal, un nombre élevé d'acteurs industriels, des développeurs aux fabricants, uniraient leurs forces pour déposer ensemble un recours unique qui serait préparé et défendu par un collectif de juristes de haut niveau. Il ne s'agit pas en effet ici de défendre les intérêts particuliers de tel ou telle société mais bien de défendre l'intérêt général des générations présentes et futures. 

Proposer

Etre contre le classement ICPE c'est bien. Proposer un modèle alternatif c'est mieux. A titre personnel, voici ce que je propose, sans entrer dans le détail.

Simplifier le droit. Simplifier le droit applicable aux énergies renouvelables est un engagement européen de la France. Qui n'est pas respecté à ce jour. Il faut activer la clause de revoyure mise en place par la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 et supprimer le classement ICPE. Les éoliennes doivent relever d'une police spéciale des énergies renouvelables, dont les dispositions seraient réunies dans les codes de l'énergie et de l'environnement. Le but premier est d'éviter la multiplication des autorisations et ainsi des recours en justice. 

Améliorer la concertation. Il est tout à fait possible d'améliorer la concertation et la participation du public. Pour ce faire, aucun besoin du classement ICPE qui représente au contraire un appauvrissement significatif du débat démocratique sur l'éolien, alors réduit arbitrairement à une dimension mécanique et à des risques parfois totalement hypothétiques. De même, il faut se garder de l'idée selon laquelle le principe de participation suppose une mutlplication des procédures de concertation. 

Il faut que cette participation du public puiisse avoir lieu le plus en amont possible, conformément aux dispositions de la convention d'Aarhus. Cela suppose tout d'abord une pédagogie de l'énergie et de ses enjeux dans le pays et une éducation à l'environnement et à l'énergie des petits et des grands, de l'école à l'entreprise. La participation du public doit avoir lieue dés qu'un projet est en cours de conception dans un territoire, dés la création de la Zone de développement de l'éolien. Il conviendrait de réfléchir à un couplage des procédures et à l'organisation d'enquêtes publiques jointes pour les différents aspects de la création d'un parc, de l'urbanisme à l'obligation d'achat en passant par le raccordement. Cela permettrait d'ailleurs au public consulté d'avoir une vision globale et cohérente du projet. 

Préciser le statut juridique des zones de développement de l'éolien. Les ZDE ne sont officiellement pas des documents d'urbanisme opposables. Mais l'extension du nombre des critères permettant leur définition fait douter quant à leur nature juridique exacte. Par ailleurs, la procédure elle-même est étrange. Les élus sont officiellement les seuls à proposer la création d'une ZDE au Préfet mais nul n'ignore qu'ils sont souvent amenés à demander à des développeurs privés de financer les études préalables à cette création. Or, ces derniers ne peuvent pas apparaître...

Définir des objectifs "plancher" et non "plafond". Il faut sortir de la controverse en cours depuis la publication de l'arrêté PP du 15 décembre 2009. L'objectif de développement de l'éolien terrestre est de 19 000MW de puissance installée d'ici à 2020. Le Syndicat des énergies renouvelables a déjà souligné que cet objectif pourrait ne pas être atteint. Si l'on considère que cet objectif comme un plancher, ne pas l'atteindre serait bien entendu plus grave que s'il s'agit d'un plafond. En réalité, il semble bien que l'Etat considère cet objectif comme un "idéal" pas comme un impératif. 

Décentraliser. Il faut cesser de plaquer le modèle nucléaire sur le développement éolien. Les énergies renouvelables terrestres doivent se concevoir territoire par territoire, en rapprochant la source de production du lieu de consommation. 

Bien d'autres réformes sont nécessaires. Plutôt que de multiplier des contraintes inutiles, comme le classement ICPE, il conviendrait de relancer le débat sur la fiscalité de l'électricité, d'afficher les coûts réels du nucléaire, de refaire de la lutte contre le changement climatique une priorité nationale, de développer des projets participatifs, de lutter contre les recours manifestement abusifs....


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