Nous savons désormais ce que fait la police depuis la publication le 7 juillet du rapport de la Cour des comptes sur « l’organisation et la gestion des forces de sécurité publique ». La police fait ce qu’elle peut avec les moyens qui lui sont attribués et elle peut de moins en moins. L’enquête de la Cour de comptes menée à partir d’un échantillon de 52 villes d’Ile-de-France, Rhône-Alpes et PACA auprès des préfectures, des services chargés de la sécurité publique, de la gendarmerie et des procureurs est une sévère remise en cause de la politique menée depuis dix ans par Nicolas Sarkozy, hier comme ministre de l’Intérieur et aujourd’hui à L’Elysée.
Mauvaise répartition des effectifs sur le territoire, forte réduction des effectifs, statistiques en trompe-l’œil, recours à la vidéosurveillance couteux et sans grand résultat, désengagement de l’Etat au profit des polices municipales et au mépris de l’égalité entre les Français… Le rapport de la Cour des comptes renvoie la majorité UMP à ses chères études, elle qui se fait le champion de la sécurité lorsque tous les thèmes de campagne sont épuisés. La droite perd ainsi, à la lumière d’un rapport de 248 pages, son joker dans la bataille des futures échéances électorales. Car si les Français mettent au premier rang de leurs préoccupations l’emploi et le pouvoir d’achat, la sécurité n’est jamais très loin au classement dans les sondages d’opinion. En réalité, la droite prise à son propre jeu se retrouve fort dépourvue à l’approche de l’élection présidentielle.
L’effectif total des policiers a reculé de 5,3 % sur 2003-2010
Que dévoile ce rapport ? La supercherie, d’abord, orchestrée par le Ministère de l’Intérieur qui consiste à nous faire prendre des vessies pour des lanternes en s’appuyant sur la cohorte de préfets aux ordres. Ainsi à Marseille, contrairement aux chiffres avancés par les préfets de police qui se sont succédés depuis l’installation au pouvoir de Sarkozy, le nombre total de fonctionnaires dans la circonscription publique de sécurité (CSP) n’a jamais cessé de baisser. En incluant les Adjoints De Sécurité, la CSP a perdu 9,2 % de ses effectifs entre le 1er janvier 2008 et le 1er janvier 2010. A Aix, dans la même période, les effectifs ont baissé de 13%.
Chapitre par chapitre, les sages éreintent l’organisation et la gestion des forces de sécurité publique qui se fait « par objectifs en fonction des statistiques ». Le rapport fustige l’état statistique des deux forces de SP, police et gendarmerie, notant qu’au passage la reprise à la hausse de la délinquance a été évitée en grande partie par le refus des services d’enregistrer des plaintes de victimes d’escroquerie.
Côté moyens, la Cour comptabilise une baisse de 5,3% depuis le 1er janvier 2003 du nombre de policiers et de 25% pour leurs budgets de fonctionnement (hors rémunérations) en 2010. En 2009, 30% du « potentiel théorique » de la Sécurité Publique était indisponible pour cause de congés, repos, maladies et autres absences.
Les villes « sensibles » abandonnées
Sur la répartition des effectifs de SP, le constat est tout aussi cruel. A titre d’exemple, plusieurs villes d’Ile-de-France, malgré un taux de délinquance élevé, ont moins d’un policier pour 500 habitants, notamment des communes dites « sensibles », et la plus forte densité de policiers est constatée « dans de petites villes ». Mende, Privas ou Guéret ont ainsi un policier pour 200 habitants malgré une délinquance faible. En région PACA, Aubagne est l’une des villes qui comptent le moins de policiers au nombre d’habitants. Au 1er janvier 2009, elle ne comptait qu’un policier pour 622 habitants. Pourtant c’est l’une des villes de la région qui enregistre la plus forte diminution du taux de délinquance (-31%). Et elle n’est dotée d’aucune caméra de vidéo-surveillance. Il faut donc aller chercher ailleurs les raisons d’une « paix » relative mais bien réelle.
Aubagne enregistre une baisse de la délinquance de -31%
Le rapport fustige aussi le développement rapide et coûteux » de la vidéo-surveillance. Ainsi « la région PACA possède en zone police davantage de caméras installées sur la voie publique que les départements de la grande couronne parisienne » et si Marseille avait jusque-là un sérieux retard à l’allumage, un ambitieux projet de 1000 caméras devrait voir le jour avant 2013. Le rapport apporte aussi un nouvel éclairage sur l’exemple de Nice vanté par les VRP de la vidéo-surveillance. Selon ces derniers, la baisse de la délinquance plus rapide à Nice (-32%) qu’à Marseille au cours de la période 2002 serait due à l’efficacité du système de vidéo-surveillance dont la première s’est dotée alors que la seconde dispose d’installations souvent obsolètes et peu nombreuses. C’est oublié que la ville des Alpes-Maritimes dispose d’une police municipale très active et largement dimensionnée, ce qui n’est pas le cas à Marseille. En outre, dans d’autres villes des Bouches-du-Rhône la délinquance de proximité a baissé dans les mêmes proportions qu’à Nice sans qu’aucune caméra ne soit installée. C’est le cas à Arles avec une baisse de la délinquance de 28% et à Aubagne avec une baisse de 31%. Voilà qui mérite réflexion quant aux moyens employés pour assurer la paix publique et qui met à mal les arguments à l’emporte-pièce avancés par un certain nombre d’élus locaux pour justifier leur politique d’investissement coûteuse. Et la Cour des comptes d’emboîter le pas à d’autres élus locaux qui exigent que l’Etat assure sa mission régalienne : « Le recours croissant à la vidéo-surveillance de la voie publique ne peut se substituer à l’action des forces de sécurité étatiques ». Et de conclure : « Il aurait été souhaitable, notamment du fait de l’importance des sommes en jeu, qu’une évaluation de l’efficacité de la vidéo-surveillance accompagne, sinon précède, la mise en œuvre de ce plan de développement accéléré ».
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