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Sailor et Lula

Par Tedsifflera3fois

Sailor et Lula, c’est la palme d’or de David Lynch. Les thèmes chers au réalisateur sont là : le road movie, le monde étrange et menaçant, le couple protecteur, la folie de l’amour comme seule arme contre la folie des autres. Et surtout, la soif absolue de liberté. David Lynch propose une version grunge de Roméo et Juliette. Grandiose et déroutante.

Synopsis : Sailor et Lula, deux jeunes amoureux, fuient la mère de la jeune fille qui s’oppose à leurs amours, ainsi qu’une série de personnages dangereux et mystérieux qui les menacent.

Sailor et Lula - critique
Sailor et Lula, c’est Roméo et Juliette version Mulholland drive, ou le romantisme vu par David Lynch. Après Blue Velvet et avant les embardées fantastiques de Twin Peaks et de Lost Highway, Sailor et Lula explore l’étrangeté et la perversité du monde, la folie des hommes qui se cache derrière le verni social. Dans Sailor et Lula comme dans Blue Velvet, rien n’est incohérent, le surnaturel se limite aux visions hallucinées des personnages. Il envahira pourtant la réalité dans Twin Peaks et Lost Highway avant que Mulholland Drive ne vienne réconcilier les histoires réalistes et les histoires fantastiques dans un film où le surnaturel peut trouver une certaine logique et être simplement refoulé dans l’imaginaire des héroïnes. Inland Empire fera finalement exploser de toute part la limite bien ténue entre le vrai et le rêve.

Si Sailor et Lula est donc un film « réaliste », l’ambiance n’en est pas moins fantastique. Les tableaux les plus surprenants se succèdent sur l’écran, parfois drôles, parfois dérangeants, parfois carrément glauques. Certains plans sont des merveilles de composition, la photographie est particulièrement inventive et fait ressortir avec maestria l’horreur qui plane derrière l’évidence du quotidien.

L’histoire d’amour est grunge, en parfaite harmonie avec le début des années 90. Les sentiments sont exprimés tout en puissance (sexuelle), la violence est le langage ultime dans un univers de toute façon dérangé. Les seconds rôles sont épatants, de Willem Dafoe à Diane Ladd. Certaines séquences du film sont extraordinaires, quand Sailor et Lula assistent à la mort en direct d’une accidentée de la route, quand Bobby Peru vient allumer Lula, quand la mère de celle-ci, envahie par la culpabilité, s’enduit le corps de rouge à lèvres. Comme dans Blue Velvet, Twin Peaks, Lost Highway ou Mulholland drive, le fonctionnement des choses est inaccessible : des coups de téléphone sont passés, des pièces de monnaie sont échangées, des êtres vivent différemment, servis par des femmes nues qui se chamaillent ou prennent leur pied à exécuter leurs victimes.

Dans ce semi road-movie, David Lynch explore déjà la route, qui sera si présente ensuite dans son oeuvre, même dans Une histoire vraie. La route, le symbole du chemin balisé de la normalité. Dès qu’on le quitte, dès qu’on subit une sortie de route, on entre dans un univers déroutant. Il n’y a plus d’objectif, plus de découverte, plus de rêve : les personnages se perdent dans un monde qui ressemble à leur inconscient, à leurs peurs et à leurs fantasmes.

Avec Sailor et Lula, David Lynch adapte le mythe de Bonnie & Clyde à sa sauce. C’est romantique, sexuel et violent. C’est une porte ouverte sur ce que l’humanité essaie de refouler. Notre bizarrerie. Notre saleté. Notre côté obscur. Nos désirs. Notre vrai moi. David Lynch ouvre la porte de l’inconscient et montre l’homme et la société tels qu’ils sont : malsains et avides, mais aussi étranges et fascinants.

Note : 8/10

Sailor et Lula (Titre original : Wild at Heart)
Un film de David Lynch avec Nicolas Cage, Laura Dern, Willem Dafoe et Diane Ladd
Romance, Thriller – USA – 2h07 – 1990
Palme d’or au Festival de Cannes 1990


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