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Les Paradis Artificiels (Partie 1)

Publié le 14 juillet 2011 par Neriodc @neriodc

La lumière du jour le réveilla aux alentours de 13 heures. Il en avait l’habitude. Cela faisait longtemps maintenant qu’il ne faisait plus rien de ses journées. Très longtemps. Trop longtemps.
John se décida à ouvrir un œil. Son regard se posa immédiatement sur le capharnaüm régnant dans son studio parisien. Ce mignon petit appartement était situé sur les hauteurs de Montmartre et, par chance, un velux ornait la sous-pente ; dévoilant une vue magistrale sur les toits de la capitale.
À l’origine, cette garçonnière était meublée simplement. Un canapé-lit gris éléphant faisait face à un minuscule poste de télévision ; une table basse en pin massif servant de séparation entre les deux. Le papier peint blanc cassé donnait de la fraicheur et du volume à ce petit espace.
La vision qu’il eut de son appartement ce matin-là était toute autre. Aux différents tas de fringues accumulés et stockés par terre s’ajoutaient des cadavres de bouteilles de bière bon marché ainsi que certains restes de pizzas encore encartonnés. Une pile de vaisselle sale prête à s’effondrer à tout instant occupait la quasi-totalité de son bloc kitchenette.
John pensa un moment à ranger ce taudis, le transformer en un endroit vivable, un minimum. À la réflexion, non. Plus tard. Demain surement.
C’est alors que l’odeur de cigarette froide emplit ses narines. 10 ans qu’il fumait. 10 ans qu’il s’endormait avec les cendriers pleins à ras bord à 15 centimètres de son visage. Ce matin était un parmi tant d’autres.

Il se décida enfin à se lever. Les murs jaunâtres le rappelèrent à sa misérable condition à peine eut-il posé le pied par terre. Cette journée allait commencer selon son schéma prédéfini. Un grand verre de Coca light, une Marlboro rouge et deux lexomil. C’était son rituel. Certains prennent une douche et un café en écoutant France inter. Lui préférait satisfaire ses trois addictions majeures dès le réveil, comme pour apaiser une dure journée laborieusement entamée.
Après avoir ingurgité ses deux antidépresseurs, il étancha sa soif grâce à une grande gorgée du fameux soda. Il s’approcha alors de son velux poussiéreux et pourtant seule source de lumière afin de profiter d’un peu d’air frais pour sa première cigarette.
D’ici, il surplombait Paris. Il pouvait aussi bien apercevoir le dôme du Sacré Cœur que la pointe de la Tour Eiffel. Un mini paradis en somme. D’un geste sec, il gratta l’allumette et posa le bâtonnet incandescent à l’extrémité de sa cigarette. La première inspiration fut libératrice. Elle le réveilla et le mis quelque peu d’aplomb.
Ce n’est qu’arrivé à la moitié de la Marlboro qu’il se rappelât une chose importante. Il ne savait plus exactement quoi, ses souvenirs étaient confus, mais la musique s’échappant de la radio posée sur la fenêtre voisine lui évoquait beaucoup de choses.
Surement la faute de ces putains de médicaments. Il avait toujours eu une mémoire exceptionnelle et une vivacité d’esprit hors pair, mais depuis qu’il était sous traitement, son cerveau tournait au ralenti. On aurait dit Google, mais sans la rapidité d’exécution.
Soudain la mélodie s’échappant de la radio de son voisin lui parvint aux oreilles.

« So sentimental
Not sentimental no
Romantic not discussing it
Darling I’m down and lonely
When were the fortunate only ? »

Cette chanson douce, mais rythmée aux paroles envoutantes lui envahit l’esprit. Il ne pouvait s’empêcher de chercher dans les méandres de sa mémoire un quelconque lien avec un événement passé.

« Et merci à tous d’être avec nous, il est 14 h 30 vous êtes toujours en direct sur Fun Radio et nous repartons pour 40 minutes de … »

Il ferma rapidement son velux. Il ne voulait pas qu’un piètre Christophe Maé ou un pathétique M.Pokora vienne lui enlever cette mélodie. C’était important pour lui de faire cet effort de mémoire. D’autant plus que l’impression ressentie avec cette musique semblait être plus que positive.

Il était donc 14 h 30. Une heure raisonnable pour sortir de son 12 mètres carrés.
Il passa sa veste en jean élimée, ramassa ses clés, son téléphone, ses cigarettes et son briquet ; fourra tout dans une poche et partit dans l’instant. Il savait que s’il commençait à tergiverser et à repousser ce départ il ne sortirait pas. D’habitude il ne prenait même pas la peine de chercher une motivation ;mais l’attrait de la chanson et du souvenir enfoui qu’elle renferme l’obsédait et le poussait à des choses inédites. Cette journée allait être spéciale !

A suivre …


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