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Les Livres qui tuent.

Par Mickabenda @judaicine

judaicine

Un téléfilm sur l’assassinat de l’éditeur Denoël

Robert Denoël, éditeur de Céline, est assassiné en 1945. Un épisode historique raconté de manière très personnelle dans Les Livres qui tuent, de Denys Granier-Deferre, par le scénariste Jean-Claude Grumberg.
Une énigme policière basée sur des faits réels – l’assassinat, en 1945, de Robert Denoël, l’éditeur des pamphlets antisémites de Céline. Une reconstitution historique de bonne tenue. Une tête d’affiche jeune et « bankable » Lorànt Deutsch. Sur le papier, Les Livres qui tuent avait tous les atouts pour être programmé à 20h35 avec succès d’audience à la clé.

Et pourtant, le téléfilm de Denys Granier-Deferre, terminé début 2009, est resté plus de deux ans sur les étagères de France 2. Il est finalement relégué en deuxième partie de soirée au coeur de l’été, vendredi 15 juillet.
Une telle attente est, sans doute, liée à l’instabilité chronique des équipes dirigeantes de France Télévisions. Les Livres qui tuent a été commandé par un premier directeur de la fiction, livré à un deuxième, sans doute peu pressé de mettre à l’antenne un programme dont il n’avait pas eu l’initiative, et diffusé par un troisième, qui semble résolu à faire place nette avant d’imprimer sa marque. Le scénariste Jean-Claude Grumberg avance une autre explication : « J’ai voulu parler d’un épisode historique d’une manière très personnelle. Peut-être trop personnelle pour la télévision telle qu’on la produit désormais. »
Dans une scène marquante des Livres qui tuent, le jeune journaliste interprété par Lorànt Deutsch découvre l’ampleur de la littérature antisémite chez un libraire nostalgique de Vichy. Le dramaturge s’était retrouvé dans une situation équivalente au moment d’écrire sa pièce sur l’affaire Dreyfus, en 1974. « Je cherchais La France juive [le livre d'Edouard Drumont, grand succès dans les années 1890, NDLR]. On m’avait indiqué une libraire du quartier Saint-Placide, à Paris, dont la vitrine se faisait régulièrement casser au cri de « Mort aux fachos ». Là, un vieux monsieur en blouse grise et béret me dit qu’il n’a plus l’ouvrage en stock, mais qu’il est régulièrement réapprovisionné. Il m’a proposé de laisser mon adresse : je suis parti en courant ! »
Certificats d’aryanité Jean-Claude Grumberg se passionne pour la période de l’après-guerre, qu’il a vécue enfant. Il a évoqué l’épuration dans 93, rue Lauriston (2004), le retour des déportés dans Clémentine, d’après une nouvelle de Vercors (2010). En 2002, il avait monté au Théâtre du Rond-Point Une leçon de savoir-vivre, une pseudo-conférence à l’ironie grinçante : un orateur Pierre Arditti apprenait aux spectateurs à  reconnaître un juif  en reprenant les bons conseils  du Dr Montandon. Les Livres qui tuent revient sur la pratique médicale et les écrits non moins douteux de cet anthropologue raciste, mandaté pendant l’Occupation par le Commissariat général aux questions juives pour délivrer des certificats d’« aryanité physique ».
Les dialogues reprennent également certaines phrases parmi les plus ignobles de Bagatelles pour un massacre, de L’Ecole des cadavres et des Beaux draps, trois best-sellers de Céline dont la veuve interdit aujour­d’hui toute nouvelle publication. « Je dois le dire prosaïquement, écrivait Jean-Claude Grumberg dans sa postface à Une leçon de savoir-vivre (Seuil), le culte célinien, l’adoration du roi mage plein de points de suspension, du chantre de la haine et de la détestation universelle sans cesse célébrées, a fini par me faire prodigieusement chier. » Plus poliment, mais pas moins fermement, il précise aujourd’hui son rejet d’un écrivain qui, explique-t-il, a fait de l’antisémitisme « le centre de son oeuvre ». « Céline est devenu le parangon de la modernité en littérature et ça m’est insupportable parce que cet homme souhaitait ma mort. Quand les nazis ont commencé à tuer les juifs, nombre d’antisémites eux-mêmes pensaient : « c’est trop ». Céline, lui, disait : « ce n’est pas ­assez » ».


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